Le malbec, ce cépage rouge précoce originaire des Charentes est le douzième cépage le plus planté dans le monde grâce notamment à l’Argentine qui en détient les plus grandes surfaces. Si le monde connaît le malbec, il le doit surtout aux argentins. N’est-il pas considéré là bas comme le cépage emblématique du pays au point d’avoir institué le 17 avril, Journée Mondiale du Malbec (Malbec World Day) ?
Si en France sa culture est en régression, sait-on qu’à la veille du célèbre classement des Médocs de 1855 (toujours en vigueur), le vignoble était dominé par le malbec. Il est devenu très minoritaire* aujourd’hui dans les vignes bordelaises après le phylloxera, au profit des cabernets et du merlot.
* On le retrouve à hauteur de 5 % dans les assemblages, associé au petit verdot et au carménère (très rare).
Un croisement entre la magdeleine des Charentes et le prunelard noir*
Le malbec serait le fruit d’un croisement entre la magdeleine des Charentes et le prunelard noir, c’est ce qu’a révélé en 2009, une équipe de chercheurs de l’INRA de Montpellier et de l’Université de Californie de Davis. Ses grappes sont assez compactes. Ses baies à peau fine et assez résistantes passent au noir pruiné à pleine maturité. Sa chair est fondante. Il est sensible aux gelées et à la coulure (car précoce), assez résistant notamment à l’oïdium mais considéré comme capricieux. Il craint le mildiou, la pourriture grise et l’excoriose. Il n’aime pas les sols humides et préfère les terrains calcaires, argilo-graveleux ou argilo-calcaire.
*Le prunelart noir est un cépage très ancien qu’on rencontre encore dans le Tarn et la Haute-Garonne. Son nom vient de prunel, prune en langue d’oc, en référence à sa couleur et la forme de ses baies ; un cépage qui avait disparu mais que Robert et Bernard Plageoles à Gaillac ont aidé à renaître au début des années 90. On en cultive aujourd’hui sur une vingtaine d’hectares.
Le black wine de Cahors
Le malbec permet d’obtenir des vins très colorés, à la robe si sombre qu’elle parait noire d’où son surnom de black wine donné au Cahors par les anglais. D’après un dicton, si tu vois tes doigts à travers la robe du vin, alors ce n’est pas du Cahors. Les malbecs sont parfumés (épices, fruits séchés, groseilles noires, prune et gibier), tanniques et aptes au vieillissement. Les vinifications en rosé donnent aussi de bons résultats. En France, sa région de prédilection est le sud-ouest (appellations Cahors, Bergerac, Pécharmant, Côtes de Duras, Buzet, Fronton…). Il a même accompli un retour remarqué sur les bords de la Loire. Il se retrouve presque toujours en assemblage à l’exception du Cahors où il est largement majoritaire, de 70 à 95 %. On trouve aussi des IGP (ex Vins de Pays) 100 % malbec.
Château Lagrézette, le Pigeonnier 100 % malbec
Alain Dominique Perrin propriétaire du château Lagrézette (65 ha) et figure phare de Cahors a voulu redonner au malbec avec l’oenologue et vinificateur français Michel Rolland, ses lettres de noblesse. D’abord, il n’a pas hésité à mentionner en gros malbec sur l’étiquette de ses vins ; le nom de l’appellation Cahors ne se retrouvant que sur la contre-étiquette. Ensuite il produit un vin qui pourrait être considéré comme la quintessence de ce cépage, un cru 100 % malbec, le seul malbec de l’hémisphère nord à avoir décroché la note 95/100 pour le millésime 2011 attribuée par Robert Parker. Il s’agit d’un cru appelé le Pigeonnier, une parcelle de 2,7 ha au milieu de laquelle s’élève un pigeonnier du XVIIe siècle classé Monument historique ; un vin de grande garde qui peut vieillir en se bonifiant pendant plus de 25 ans.
Malbec et Argentine, une histoire d’amour
Au total, plus de 30 000 ha de malbec ont été plantés dans le monde. Son premier producteur mondial est l’Argentine où son état de maturité permet de produire des vins à grand potentiel. L’Argentine y détient aujourd’hui 24 000 ha (plus des 2/3 de l’encépagement mondial en malbec) suivie par la France (6000 ha), le Chili, l’Italie, la Californie, l’Afrique du sud, l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Uruguay où il est en assemblage avec le tannat et même la Chine qui commence à le découvrir.
La locomotive des vins argentins
En Argentine (5e producteur mondial de vin), le malbec est arrivé en 1868, introduit par l’agronome français Michel Pouget. C’est lui qui fut chargé de la première école d’Agriculture d’Argentine dont la date d’anniversaire de l’ouverture est célébrée chaque 17 avril par la Journée Mondiale du Malbec (Malbec World Day). En 150 ans, le malbec est devenu le cépage emblématique de l’Argentine. Il y a trouvé mieux qu’en France son pays d’origine, une terre parfaitement adapté à ses qualités. Tout ici semble fait pour lui : le climat, la grande amplitude thermique (en été, les températures varient de 10° la nuit à 40°le jour), le peu d’humidité et la bonne altitude. Aujourd’hui, plus d’un quart des raisins produits en Argentine proviennent du malbec (28 %) et, 85 % des surfaces plantées en malbec sont concentrés à Mendoza*. On y trouve encore certaines vieilles vignes de 80 ans qui n’ont jamais été greffées. Ici, en dit l’œnologue Michel Rolland venu en Argentine au début des années 90, il a des arômes de fruits noirs et rouges, de prunes très mûres, de cerises, d’anis, et il évolue avec des arômes de cannelle et quelques touches de vanille.
* La province de Mendoza située à 1000 m d’altitude, au pied des Andes, à 987 km à l’ouest de Buenos Aires est la plus grande région viticole d’Argentine. Elle assure les 2/3 de la production du pays.
La liste de ses synonymes est nombreuse : à Bordeaux, on l’appelle malbec à Cahors, il prend le nom d’auxerrois. Mais il porte aussi beaucoup d’autres noms : côt en Loire, pressac ou noir de Pressac (à Saint-Emilion), mauzat, grifforin, vesparol, prolongeau, plant du Lot, plant de Cahors, plant du Roy, etc.