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Chambord et ses premières cuvées

Quand Chambord, l’un des plus beaux châteaux du monde ressuscite son vignoble ! Il fut planté il y a 500 ans sur l’ordre de François 1er. Retour à la vigne en 2015. Quatre ans plus tard en 2019, les deux premières cuvées du Domaine national de Chambord commencent à être commercialisées. C’est la cuvée des 500 ans qui marque les 500 ans du début de la construction du château. Rare vin au monde issu d’un château classé au patrimoine de l’UNESCO (depuis 1981) !

Façade nord du château de Chambord. Entre cette façade et le Cosson, le château en 2017 a retrouvé ses jardins à la française. Propriété de l’Etat depuis 1930, le Domaine national de Chambord est depuis 2005, un établissement public à caractère industriel et commercial présidé par Jean d’Haussonville. En 2015, le Domaine plantait ses premières vignes. Aujourd’hui, Chambord s’autofinance à plus de 90 %. Photo © François Collombet

Un vignoble Bio de 14 hectares

Chambord offrait en 2019, ses 2 premières cuvées (millésime 2018), la cuvée des 500 ans, issues du Domaine national de Chambord. Le vignoble est situé à 1400 m du château à l’intérieur de son gigantesque parc dont la surface équivaut à celle de Paris. Les premières plantations datent de 2015. Aujourd’hui, elles couvrent plus de 14 ha d’un seul bloc, au lieu-dit l’Ormetrou*. C’est une ancienne ferme (servant de chai provisoire) juste en bordure de l’enceinte du château. A cet endroit, la vigne exposée nord-sud jouit d’un terroir à dominante sableuse mélangé en sous-sol à de l’argile (on est en Sologne). Elle est entourée ici de 5000 ha de forêts ce qui entrainent des hivers plus rigoureux qu’ailleurs dans la région. Le gel est une sérieuse préoccupation. Et manque de chance, dès la première année, un épisode de gel oblige le Domaine à installer des éoliennes pour chasser l’air froid. On est sur un site classé et historique. La seule solution fut de dénicher en toute hâte des éoliennes mobiles et démontables.

* L’Ormetrou est un ancien clos de 6 ha attesté par le plan de 1786 et par un acte notarié de plantation et d’entretien de cette vigne datant du 9 février 1787.

Les 5 cépages plantés à Chambord pour produire les AOP Cheverny et Cour-Cheverny

Le vignoble de Chambord se répartit en 5 cépages

  • 4 ha de romorantin dont les ceps sont issus par bouturage d’une vigne pré-phylloxérique et donc franc de pied, c’est-à-dire non greffée, venus du voisin solognot, la maison Henry Marionnet (Domaine de la Charmoise) ;
  • 4 ha de pinot noir (ou auvernat qui fut cultivé à Chambord jusqu’à l’épidémie du phylloxéra) ;
  • 3 ha de sauvignon ;
  • 2 ha d’orbois, un cépage propre au Val de Loire appelé aussi herbois ou arbois, menu pineau ou demi-pineau ou encore verdet ;
  • 1 ha de gamay.
Depuis 2015, 14 ha ont été plantés d’un seul bloc à 1,4 km du château au lieu-dit l’Ormetrou en bordure du mur d’enceinte. Photo © François Collombet

Le choix de ces cépages s’est fait évidemment en fonction du cahier des charges des deux appellations voisines. Ainsi, l’AOP Cheverny demande pour son vin rouge, un assemblage de pinot noir et de gamay (84 % pinot noir et 16 % gamay) et pour son vin blanc, 60 % de sauvignon et 40 % d’orbois. Quant à l’AOP Cour-Cheverny, elle a la particularité d’être en mono-cépage, exclusivement romorantin.

Annie Bigot responsable d’exploitation viticole du Domaine de Chambord et Michel Gendrier président du syndicat des vins d’appellations cheverny et cour-cheverny ; Michel Gendrier du domaine des Huards à Cour-Cheverny. Photo © François Collombet

Les deux premières cuvées de Chambord, cuvées des 500 ans

  • Vin Blanc de Chambord, vin de France (mais très prochainement en AOP Cour-Cheverny), un vin 100 % romorantin. Une récolte manuelle ; des raisins égrappés et pressés dans un pressoir de dernière génération, sous gaz inerte (pas de fermentation malolactique).
  • Vin Rouge de Chambord, en appellation IGP Val de Loire mais dès la récolte 2019, en AOP Cheverny. C’est un vin issu d’un assemblage à 16 % gamay et 84 % pinot noir. Des raisins qui ont été déversés en grappes entières sans éraflage dans des cuves en inox.
Dans les vignes de Chambord, à quelques jours des vendanges, l’occasion de déguster les 2 premières cuvées (Cuvée des 500 ans) millésime 2018. Photo © François Collombet

Le vignoble de Chambord, un projet historique, patrimonial, écologique et… économique

Le premier vignoble est le fait d’un roi, un roi qui incarne la Renaissance, François 1er. En 1519 (année également de la mort de léonard de Vinci au Clos Lucé à Amboise), il entreprend la construction de son bel et somptueux édifice. Il va de soi à cette époque que la vigne est indispensable. Il fait donc venir de Beaune en Bourgogne 80 000 pieds d’un cépage appelé aujourd’hui romorantin (à croire certains experts, il s’agirait plutôt de pinot noir). Le vignoble de Chambord* perdura jusqu’au phylloxera même si quelques parcelles subsistaient encore ces dernières années, à consommation familiale.

*En 1547, à la mort de François 1er, un recensement des métairies du domaine royal de Chambord témoigne de la présence de parcelles de vignes dans la plupart des fermes.

En juin 2015, étaient plantées les toutes premières vignes : 4 ha de romorantin dont les ceps sont issus par bouturage d’une vigne pré-phylloxérique et donc franc de pied, c’est-à-dire non greffée, venue du voisin solognot, la maison Henry Marionnet (Domaine de la Charmoise) Photos FC

Le coup de pouce de la maison Henry Marionnet

Lorsque Jean d’Haussonville (issu du corps diplomatique) président de l’établissement public du domaine de Chambord depuis 2010, en mal de recette (voir plus bas) décide l’implantation d’un vignoble à Chambord, il s’adresse tout naturellement à un voisin, la Maison Henry Marionnet. Henry Marionnet et son fils Jean-Sébastien détiennent le domaine de la Charmoise à Soings en bordure de la Sologne. Leur production a acquis une réputation internationale. N’est pas un de leurs vins qui fut servi à la reine Elizabeth II lors de sa visite officielle en France en 2004 ! Ce sont eux qui vont fournir au Château ces fameux pieds du cépage romorantin issus de leur vigne pré-phylloxérique.

Henry Marionnet (ici dans le vignoble de Chambord) et son fils Jean-Sébastien détiennent le domaine de la Charmoise à Soings en bordure de la Sologne. C’est à eux que s’adressa Jean d’Haussonville pour être les partenaires du Domaine de Chambord. Ils ont fourni à Chambord des pieds de cépage romorantin issus de l’une de leur vigne pre-phylloxérique plantée en 1850. Photo © François Collombet

Chambord, un établissement public à caractère industriel et commercial

Ne pas oublier que le Domaine national de Chambord est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) depuis 2005. Il faut donc le rentabiliser. Il accueille plus d’un million de visiteurs par an, un public presque captif et une fréquentation en constante hausse. Chambord étant aujourd’hui le monument le plus visité du Val de Loire et le deuxième château le plus visité en France après Versailles. La production de vin qui est mise à la disposition de ses visiteurs représente une manne plus qu’intéressante (avec des vins en 2019, à 17,50 € pour le Rouge et 30 € pour le Blanc). Ces 14 ha de vignes biologiques produiront environ 70 000 bouteilles et devraient rapporter un million d’euros de revenu net par an.

Cette bouteille de vin blanc brandie dans le vignoble de Chambord provient exclusivement du romorantin planté en 2015. Actuellement « Vin de France », elle passera prochainement en appellation Cour-Cheverny. Le domaine a produit 3500 bouteilles (millésime 2018) au prix à l’unité de 30 €. Photo © François Collombet

Chambord face au défi du vin

Chambord dut faire face à un triple problème : les droits de plantation, l’extension des 2 aires d’appellation voisines et chose incroyable, la contestation de la marque Chambord sur le vin

D’abord, quid du droit de plantation ? Jean d’Haussonville n’est pas exploitant. Il fallut donc dans un premier temps louer la parcelle de Chambord destinée à la vigne à Henry Marionnet qui possède ce droit. Puis, comment obtenir une extension des aires d’appellations Cheverny et Cour-Cheverny afin d’englober le domaine de Chambord ? Qu’à cela ne tienne, la question fut rapidement réglée grâce à quelques bons appuis politiques. Enfin, si en 2011(un peu tard !), le domaine avait déposé la marque Château de Chambord auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuel (INPI), il fut assigné devant le tribunal de grande instance de Paris par Brown-Forman (groupe américain de 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires dont le siège est à Louisville dans le Kentucky). Si le groupe possède le whisky Jack Daniel’s, il détient également la liqueur Chambord à base de framboise dont il a déposé le nom. Il conteste donc le droit du domaine d’apposer la marque Chambord sur ses futurs vins.

Rude bataille judiciaire pour la marque Chambord

Brown Forman produit au château de la Sistière, à Cour-Cheverny, cette fameuse liqueur appelée Chambord liqueur royale de France. Le groupe en détient la marque. Il conteste au Domaine national de Chambord le droit de vendre de l’alcool sous ce nom. Heureusement en 2016, un amendement (l’amendement Chambord), validé par les 2 chambres protège dorénavant les domaines nationaux ; le Conseil d’État par un arrêt décidant de la compétence de la justice administrative pour trancher ce genre de litige. Ainsi, grâce à Chambord et à l’action de son président, la marque mais aussi l’image des domaines nationaux français sont maintenant mieux protégés juridiquement.

Jean d’Haussonville, Directeur général du Domaine national de Chambord depuis 2010 et François Patriat, Président du Conseil d’orientation du Domaine national de Chambord, sénateur de Côte-d’Or, un proche d’Emmanuel Macron et chasseur assidu. Photo © François Collombet
L’Ormetrou a été choisi pour être le site du nouveau chai. C’est une ancienne ferme accolée au mur d’enceinte du château située à moins de 2 km de celui-ci. Les anciens plans de Chambord montrent une parcelle de vigne sur ces terres et les archives attestent, en 1787, un clos de dix arpents (6 ha) plantés « en bon complans d’auvergnat blanc et rouge franc » Photo FC prise en 2015. Photo © François Collombet

Sur l’étiquette un double C en attendant, Chambord

Tout sur l’étiquette y est : un double C pour Comte de Chambord, les symboles royaux tels que la couronne de François 1er ou la fleur de lys mais n’y figure pas encore le nom de Chambord* dans l’attente d’une décision de justice (voir plus haut). La bouteille de forme à la baronne a été choisie en souvenir d’un modèle issu de la cave personnelle du Maréchal de Saxe, hôte de Chambord au XVIIIe siècle, et dont un exemplaire fut exhumé à l’occasion de fouilles archéologiques. Enfin, il est possible d’adopter un pied de vigne de Chambord à raison de 1000 €. Vous aurez la satisfaction d’avoir une plaque à votre nom apposée sur votre pied de vigne. Un droit également vous sera accordé pour l’acquisition préférentielle de bouteilles des cuvées des années suivantes. N’est pas là un mécénat de la vigne qui associe terroir et histoire de Chambord !

*Seulement en caractères plus réduits : Domaine Chambord.

4 ans après la vigne à l’Ormetrou et 3 ans après les jardins à la française sur les parterres Nord et Est du château, Chambord a crée les jardins-potagers en culture maraîchère et fruitière. Ils sont implantés dans une parcelle de 5000 m2, encerclée par les murs en ruine d’une écurie du XVIIe siècle construite pour Louis XV. Ils s’inspirent de pratiques agricoles avant-gardistes sur le modèle par exemple de la grande ferme du Bec Hellouin en Normandie. Photo © François Collombet

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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