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Castel en Chine, le casse-tête chinois

Yantai cabernet sauvignon
Chateau Changyu Castel, bouteille de Yantai cabernet sauvignon Gernischz

La Chine pour Castel, un véritable casse-tête ! Depuis 15 ans, Castel rappelons le, la plus grande entreprise vinicole d’Europe a investi la Chine. En octobre 2013, le groupe se voyait attribuer le prix de la marque la plus populaire dans la catégorie vins et spiritueux, preuve la plus éclatante de la réussite de son implantation. Ce prix récompensait un investissement à long terme auprès de ses distributeurs chinois qui ont fait de Castel depuis 5 ans, le n°1 des vins importés toute origine confondue. En 2014, Castel,  se classait deuxième au top 20 des marques de vin importé en Chine (classement publié en mars à Chengdu lors de la 90e Foire du sucre et du vin). Mais pourtant, que de déconvenues, que de contrefaçons avec détournements de marques dont la propre marque Castel en chinois (déposée en 2000 par un homme d’affaires chinois). Au départ, en 1999, l’ idylle ! Il y eut une usine d’embouteillage (Langfang Winery Chateau rouge) puis un partenariat avec Changyu*, géant local du vin, véritable institution puisque son histoire remonte à la création de la viticulture chinoise à la fin du XIXe siècle.

*Yantai Changyu Pioneer Wine Co. Ltd (Changyu) leader historique en Chine est devenu l’une des principales entreprises vitivinicoles mondiales. Changyu est aussi l’inventeur des « châteaux viticoles » (jiuzhuang) en Chine avec un rôle capital dans l’essor de la production vitivinicole et de l’oenotourisme. Historiquement, Changyu était la propriété du gouvernement de la municipalité de Yantai. Depuis le milieu des années 2000, elle s’est engagée dans un processus de privatisation et d’internationalisation partielles de son capital  avec une cotation à la bourse de Shenzhen. Son chiffre d’affaire en baisse en 2013 était de 4,3 milliards de yuan (5,6 milliards en 2012).

Le Bordeaux chinois

chateau changyu castel à yantai
Chine, chateau Changyu Castel à Yantai. Le vignoble de Yantai est l’un des 7 principaux vignobles côtiers du monde et futur Bordeaux oriental.

Le vignoble de Yantai, l’un des sept principaux vignobles « côtiers » dans le monde et
futur « Bordeaux oriental » selon l’entreprise Changyu

Ce partenariat va se concrétiser par la fondation du plus prestigieux domaine viticole de Chine, Chateau Changyu-Castel à Yantai (province de Shandong* à l’extrémité orientale de la péninsule du Shandong en Chine du Nord). Il est implanté dans l’une des plus grandes régions viticoles du pays, surnommée d’ailleurs le Bordeaux chinois pour son climat avantageux et ses conditions géologiques particulières.

Vignoble province de Shandong
Vignobles dans la province de Shandong en Chine
Vignoble dans le Shandong
Vignoble dans le Shandong

* Le Shandong, patrie de Confucius, est une province de l’est de la Chine, sur la mer Jaune et la mer de Bohai. Avec plus de 95 millions d’habitants, c’est l’une des provinces les plus peuplées du pays avec dix villes de plus de 5 millions d’habitants. C’est aussi à Yantai (ou Penglai) que les Domaines Barons de Rothschild, alliés à CITIC (la plus grande entreprise chinoise d’Etat d’investissement), se sont implantés pour bâtir un terroir apte à élaborer un château Lafite. Se contentera-t-il d’être l’ombre chinoise de son grand cousin médocain ? Seul l’avenir le dira. En attendant, pour Lafite qui vend le tiers de sa production (environ 66 000 bouteilles) en Asie, il se dit qu’une bouteille sur deux de Lafite-Rothschild en Chine est fausse ; une allégation qui pourrait concerner la plus part des grands crus bordelais présents en Chine.

Première déconvenue au pays de l’Empire Céleste

Si Castel gagna, par cet accord avec Changyu, une énorme notoriété, la commercialisation des vins Castel par le réseau des commerciaux Changyu en Chine fut un échec total au point qu’il fallut établir une toute autre stratégie. Elle se développa dès 2006 par des partenariats directs avec des importateurs et des distributeurs chinois ; une stratégie de maillage de tout le territoire, en passant des contrats avec 10 sociétés et notamment un contrat de 11 ans signé en 2010 avec le mastodonte chinois de la distribution, Beijing Hengyi Shengsi. Le cœur du marché est ici constitué de petites boutiques, de cafés-hôtels-restaurants, de karaokés et de revendeurs. Cette politique fut payante avec des résultats plus que probants puisque Castel annonçait avoir vendu en 2012 vingt millions de bouteilles, ce qui fait de la Chine son premier marché à l’exportation pour le vin.

Changyu
Changyu depuis 1892 et un partenariat avec Castel depuis l’an 2000

2013, l’année du serpent, 2014 l’année du cheval

Après 2012 qui fut l’année du dragon (château Beychevelle propriété de Castel et de Suntory dont l’étiquette montre un voilier, se traduit en chinois par Bateau du dragon), 2013 fut celle du serpent qui infligea au groupe des morsures heureusement bénignes. A l’heure où la Chine a ouvert en 2013 une enquête antidumping et antisubventions sur les vins européens et que le groupe se retrouve, avec trois autres sociétés françaises au cœur de cette enquête ; où VINEXPO qui devait se tenir à Pékin en juin 2014 a été reporté sine die faute d’autorisation gouvernementale, l’ambiance n’est plus à la fête. Castel doit se battre non contre un serpent mais contre une hydre à trois têtes : la contrefaçon, l’usurpation et la falsification, d’autant que l’administration chinoise semble être un modèle de mauvaise foi. Mais les mentalités changent. Ainsi explique-t-on que la propriété industrielle est en voie de reconnaissance dans le pays pour des raisons sanitaires et financières et que les droits de douane sur les produits qui s’élèvent à 54 % en Chine, sont autant de recettes perdues pour le gouvernement.

Pour lutter contre la contrefaçon

Pour les plus prestigieuses bouteilles, rien de plus simple* (!). Il suffit de tracer électroniquement les bouteilles (marquage des bouteilles, codage des bouchons, puces dans les étiquettes…). Ainsi par une puce RFID (radio frequency identification), puce électronique, constituée d’une antenne et d’un microprocesseur placée derrière l’étiquette d’une bouteille, est-il maintenant possible de la tracer à distance. Et pour une autre fraude à la marchandise, faudrait-il inventer ce que font déjà certaines marques de Cognac… des bouteilles irremplissables !

*Mais pour les autres, les vins de marque signés Castel (le gros de la troupe), c’est autre chose. Impossible de marquer électroniquement chaque bouteille, c’est une question de budget.

Les tribulations de Ka Si Te (Castel) en Chine

Castel en Chine
L’image de Castel en Chine

En 2010, l’affaire a fait grand bruit. A quelques jours d’annoncer en grandes pompes l’installation du caviste Nicolas en Chine, Castel a été pris de court. Il y était déjà ! Une femme d’affaires avait déposé le nom en caractère latin et ouvert des magasins à Wenzhou et Suzhou, dans le sud de la chine, près de Shanghai, l’exacte réplique de ceux existants en France. Avant de lancer Nicolas en Chine, il nous faut récupérer la marque qui nous appartient a dû se résoudre Alain Castel en engageant une procédure pour enregistrement de mauvaise foi. Autre mésaventure qui pourrait tourner à la farce si les dés n’étaient pas pipés au départ, une affaire d’escroquerie affligeante ! Ka Si Te (kasite) est la transcription phonétique de Castel en mandarin. Il apparaît en toute logique sur l’étiquette de millions de bouteilles vendues chaque année par le groupe en Chine.

Il dépose 171 noms

Imaginons maintenant qu’un certain Daozhi Li Yu né en 1972, directeur de Panati Wines, un distributeur basé à Shanghai (521 Wan Ping South Road, Shang, 200032 Shanghai) ait eu l’idée de faire enregistrer par deux de ses sociétés et avant tout le monde, 171 noms de vin, des traductions en chinois de marques ou de régions viticoles situées en France, en Espagne et en Australie comme Lafite, Mouton, Penfold, Diageo et Castel *évidemment (Kasite) ! Le groupe français est pris au piège. Notre homme est allé jusqu’à déposer le nom de Kasite Changyu jiuzhuang en caractères chinois alors que Castel et Changyu sont les deux actionnaires du célèbre Chateau Changyu-Castel qui en chinois n’est autre que Changyu Kasite jiuzhuang.

* Dès 1998, Castel avait bien déposé en Chine son nom et son logo mais pas celui de Faguo Kasite Xiongdi Gongsi (France Castel Frères SAS) qu’il ne fit qu’en 2005 au moment de la création de sa filiale chinoise.

Daozhi Li Yu, le voisin bordelais

A titre d’information, Cavesmaître qui a été fondé par Daozhi Li Yu dans la structure Panati Wines a fait l’acquisition de trois châteaux dans le Bordelais, les châteaux Julie (à Virsac), La Tour Valade (à Peujard) et Lamour (à Castillon Côtes-de-Bordeaux) couvrant une superficie totale d’environ 100 ha, soit le plus grand domaine de châteaux de Bordeaux racheté par une entreprise chinoise.

Condamné pour avoir usurpé son propre nom

Le producteur de vin français Castel condamné pour contrefaçon d’une marque chinoise s’est étalé en gros titre dans la presse chinoise ! Et c’est ainsi que fin juillet 2013, la société Castel reconnue coupable de contrefaçon par la Cour populaire de la province du Zhejiang se voyait obligée de verser 34 millions de yuans (environ 4 millions d’€), la société chinoise en réclamait 40, au vrai contrevenant. Mais pour les chinois, la réalité est toute autre puisqu’ils considèrent qu’il s’agit du plus grand litige récent portant sur la contrefaçon d’une marque chinoise par une entreprise étrangère et donc du plus grand procès traitant de la violation du droit exclusif d’une marque dans le secteur viticole chinois. Pour le tribunal du Zhejiang, Li Daozhi, directeur général de Panati Wines, détient bien le droit exclusif de la marque Kasite, droit qui est protégé par la loi. Devant une telle décision, Castel a aussitôt déposé une demande en réexamen devant la Cour Suprême chinoise enregistrée le 8 août 2013, un pourvoi, fondé sur des erreurs manifestes et un manque d’objectivité dans le jugement.

Castel en Chine
Castel condamné en Chine pour contrefaçon d’une marque chinoise (!)

Après l’année du serpent et ses déconvenues judiciaires en 2013, Castel a enfourché l’année du cheval (en bois!), le pied à l’étrier pour un nouveau départ !

A titre de conclusion, quelques chiffres pour s’y reconnaître

En 2013, la Chine est le cinquième marché pour les exportations de vins français, pour une valeur d’environ 530 millions d’€. Son potentiel de croissance en fait l’un des débouchés majeurs, à moyen et long terme. Mais la consommation de vin en Chine a baissé de 2.2 % en quantité en 2013 par rapport à 2012. la Chine reste cependant le plus grand pays consommateur du vin au monde depuis 2012. L’an dernier, les Chinois sont d’ailleurs devenus les premiers consommateurs de vin rouge…devant les Français. La chine c’est aujourd’hui un vignoble de 570 000 ha (300 000 ha en 2000), pour une production de 14 millions d’hl (10 millions en 2000) et une consommation de 17 millions d’hl (10 millions en 2000).

Chinois dégustant du vin rouge
Les chinois devenus les premiers consommateurs de vin rouge devant les français

 

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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