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Chine, les déboires de Castel

Castel en Chine
Forte présence du groupe bordelais Castel en Chine

Castel en Chine, une muraille d’incompréhension ! Si Castel est bien présent au Japon grâce à son fidèle associé Suntory (avec qui il partage en France château Beychevelle, un Grand Cru classé du Médoc), la Chine est par contre un véritable Far East pour le groupe (et il n’est pas le seul !) ; un casse-tête semé d’embuches, de chausse trappes, d’incompréhensions, de coups de Jarnac. Et que dire de l’actualité immédiate qui voit Castel faire l’objet d’une enquête approfondie, réponse aux mesures antidumping imposées aux producteurs chinois de panneaux solaires par l’Europe. Le groupe se retrouve, avec trois autres sociétés françaises au cœur d’une enquête… antidumping et antisubventions mais sur les ventes de vins européens ouverte par Pékin pendant l’été 2013. Eh pourtant, il y a 15 ans, les débuts furent plus que prometteurs quand Castel parti à la conquête de l’Empire Céleste, visait un marché au potentiel énorme. Depuis, la Chine est le cinquième pays consommateur de vin au monde avec en 2012, une progression de sa consommation de 9 %.

Changyu le n°1 chinois

Consommateur chinois dans un chateau du Ningxia Hui
Consommateurs chinois dans un chateau appartenant à Changyu, dans la région autonome de Ningxia Hui (au sud de la Mongolie intérieure). Cette région, classée en zone protégée est la troisième région viticole de Chine

Dès 2001 (en ne tenant pas compte du demi-échec du centre d’embouteillage Langfang Winery Château rouge ouvert en 1999), Castel signe un premier partenariat avec le groupe Changyu. Changyu est ici une institution fondée en 1892 par Chang Bischi, le créateur de l’industrie vinicole chinoise. Le groupe est aujourd’hui le numéro 1 chinois (et placé au quatorzième rang mondial), détenant à lui seul, le quart du marché chinois. Il est dirigé par Zhou Hongjiang, député à l’APN (l’Assemblée populaire nationale) et  possède près de 5000 ha non seulement dans la province de Shandong mais également au Liaoning (province du nord-est de la Chine, à la frontière avec la Corée du Nord), à Beijing (Beijing Winery, liée à la municipalité de Pékin) et en Nouvelle Zélande. Il s’est par d’ailleurs offert en 2013 la petite maison de négoce Roullet-Fransac à Cognac.

Un château prestigieux, chateau Changyu-Castel

Chateau Changyu-Castel à Yantai en Chine
Le chateau Changyu-Castel est le premier chateau de cette importance construit en Chine (en 2002) à Yantai dans la province de Shandong. Il existe aujourd’hui 160 châteaux viticole en Chine et 200 sont en construction.

Si Castel n’a pu racheter Changyu en 2005, le partenariat s’est pourtant poursuivi avec notamment Chateau Changyu-Castel* (le terme château n’est-il pas protégé ? Il est vrai qu’en Chine, château évite le circonflexe !). Etonnant de voir cette immense bâtisse aux allures à la fois de château et d’entrepôts située à Yantai (ou Penglai), la capitale chinoise du vin. Ici dans le Shandong se concentre 60% de la production nationale. C’est au nord-ouest de cette province, sur la côte que se trouvent les vignobles qui produisent les plus célèbres marques de vin du pays : Great Wall (Grande muraille), Weilong… et surtout Changyu (la plus connu et distribuée en France par Castel). Changyu s’est développé rapidement, notamment au niveau des produits haut de gamme, tandis que Castel a accru sa popularité en Chine. Peu sont ceux qui ne connaissent pas Castel aujourd’hui en Chine explique son PDG qui de son coté a lancé à Yantai un projet pharaonique : une ville du vin, une cité viti-vinicole.Cette gigantesque Cité internationale du vin va s’étaler sur 413 ha à proximité de la ville de Yantai (province chinoise de Shandong) à environ 300 km au sud-est de Pékin, sur la mer Jaune et la mer de Bohai. Ouverture prévue en 2015. On estime le coût pour Changyu, à 1 milliard de $ à la charge du premier producteur de vin du pays.

projet de cité internationale du vin à Yantai
Changyu Pioneer Wine Co construit une cité internationale du vin à Yantai dans la province de Shandong sur 423 ha

Le Bordeaux chinois

Yantai (près de 2 millions d’habitants) ville portuaire de la province de Shandong (surnommée le verger de la Chine) est considérée comme le Bordeaux chinois. C’est la seule ville chinoise à avoir été reconnue dès 1987 comme Ville Internationale de la Vigne et du Vin par l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV). A quand donc une appellation d’origine Yantai ? Sans doute faut-il préciser que la province de Shandong avec plus de 96 millions d’habitant est l’une des plus peuplées de Chine. Cette province viticole dont le cœur est Yantai ne pouvait attirer que les plus grands et notamment la famille Rothschild. Elle décida d’y implanter un grand cru, l’ombre chinoise de son Lafite, (Lafei en mandarin) d’ici 2 ou 3 ans avec l’objectif de produire 120 000 bouteilles sur une propriété de 25 ha (et plus si affinité).

Vignoble près de Yantai
Vignoble dans la région côtière de Yantai, province de Shandong

La Chine premier marché étranger pour Castel

Castel en Chine
Castel, des vins leaders sur le marché chinois

Il est évident que Castel profita en termes de notoriété d’avoir associé son nom au plus grand vin chinois (chateau Changyu-Castel). Mais première désillusion ! Alors que l’accord prévoyait que Changyu commercialise les vins du groupe français grâce à ses 1 500 commerciaux. Deux ans plus tard, pas une bouteille n’était encore vendue. Mais le plus gros semblait fait. Le nom Castel était maintenu bien connu en Chine. Il permit au groupe de retomber sur ses pieds et de trouver à partir de 2005 une dizaine d’importateurs locaux et de signer en 2010 (en présence du ministre de l’agriculture français de l’époque) un énorme contrat courant sur onze ans avec la société Beijing Hengyi Shengsi. L’ambition du groupe est alors de se doter de son propre réseau de distribution en s’appuyant sur des distributeurs maillant tout le pays (essentiellement des petites boutiques, des cafés-hôtels-restaurants, des karaokés et des revendeurs).

La marque la plus populaire des chinois mais aussi la plus détournée

Ce réseau s’est ainsi constitué en 2006, date qui marque le décollage des ventes pour Castel. Il est aujourd’hui le premier importateur de vin du pays avec 20 millions de bouteilles vendues  en 2012, ce qui fait de la Chine son premier marché étranger. Après être devenu depuis 5 ans le n°1 des vins importés toute origine confondue, Castel s’est vu propulsé en 2013 comme marque la plus populaire des chinois. Son succès est tel que Castel est confronté en permanence à la contrefaçon et au détournement. Il vient de vivre quatre ans de procès avec le distributeur chinois basé à Shanghai, Panati Wine* qui accuse le groupe français d’avoir porté atteinte à sa marque Kasite (transcription phonétique en mandarin de Castel), que le distributeur avait déposé en 2000 (comme 170 autres nom d’ailleurs). Un business florissant au pays de l’Empire du milieu (lequel !) qui consiste à déposer des noms qu’on revendra ensuite à leurs légitimes propriétaires ; exemple le plus accompli de trademark squatting !

Castel (en chinois :卡斯特)
Castel (en chinois :卡斯特). Marque piratée par Panati Wine (Shanghai) Co., Ltd

Il faut dire que Li Daozhi son président est l’un des premiers entrepreneurs à s’être lancé dans l’importation de vins étrangers en Chine. Entré dans le secteur du vin en 1995, il a créé Panati Wines Co. à Shanghai en 1997 et déposé la marque Castel l’année suivante. En 2008, il fondait la société Cavesmaître (Shanghai) sur la base de Panati Wines, en lui donnant Kasite comme nom chinois.

Comment se faire avoir ?

Li Daozhi déposa 5 ans avant Castel, la traduction chinoise de Castel. Et pourtant, Castel avait bien lui aussi déposé en 1998 son nom et son logo en Chine mais en anglais et en français. Erreur fatale ! En Chine, il est nécessaire de déposer le nom d’origine et sa traduction chinoise en idéogrammes chinois. En plus, le sait-on suffisamment, seul en Chine le dépôt de la marque est créateur de droit et le droit chinois, contrairement au droit français, ne reconnaît pas l’antériorité.

Castel condamné pour avoir usurpé son propre nom

Le tribunal supérieur du Zhejiang condamnait en toute logique (chinoise) le 16 juillet 2013, Castel à verser 33,73 millions de yuans d’indemnisations ($5,6millions) à Panati Wines (Shanghai). Une décision qui aurait dû mettre un terme au procès qui opposait le groupe Castel à la société chinoise qui l’accusait d’avoir violé la propriété intellectuelle de la marque Kasite. Pour les chinois, il s’agit tout simplement du plus grand litige récent portant sur la contrefaçon d’une marque chinoise par une entreprise étrangère, mais aussi du plus grand procès traitant de la violation du droit exclusif d’une marque dans le secteur viticole chinois. Pour le tribunal, Li Daozhi est bien le détenteur du droit exclusif de la marque Kasite, droit qui est protégé par la loi. Castel a donc violé en utilisant, sans l’autorisation de Li Daozhi le logo de Kasite sur les étiquettes des vins produits et vendus par Castel. On croit rêver !

Malgré les procès, les affaires continuent

En mars 2013, afin d’éviter tout autre litige relatif à la propriété intellectuelle, Castel a modifié son nom chinois. Et bien évidemment Castel a fait appel contre ce jugement fondé sur des erreurs manifestes et un manque d’objectivité. Seul donc le jugement rendu à Beijing par la Cour Suprême, déterminera l’issue de l’affaire. Castel Frères SAS ne change pas de cap en Chine, y maintient toutes ses activités et continue à fournir aux consommateurs chinois ses vins français.

Santé §
Santé !

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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