Commanderie de Peyrassol, 850 ha de garrigues et de forêts pour abriter l’un des plus beaux vignobles de Provence.
De ce lieu, ne dit-on pas qu’il serait un éden provençal. Mais un éden qui se mérite ! Y aller d’Aix-en-Provence, c’est une bonne heure de route sur la mythique nationale 7. Une grosse chaleur de début d’été. Au loin, les abords de Marseille flambent. Surtout ne pas louper le petit chemin étroit et sous couvert d’ombre qui mène à la Commanderie de Peyrassol ! La route serpente entre bois et vignes jusqu’à un vaste cirque naturel. Vallons et collines se succèdent dans un total isolement ! Les limites du domaine, impossible de les distinguer ! A l’horizon, la ligne bleue du Massif des Maures. Autour, 850 hectares d’un seul tenant dont 95 ha de vignes ayant obtenues le label bio en 2022.

Une invitation au vin, à l’art et à la gastronomie


Dès l’accueil, un lieu d’exposition temporaire, cette année avec l’artiste brésilien Jonathas de Andrade
Chaque année, une exposition temporaire crée l’actualité. Après Anish Kapoor, Michelangelo Pistoletto, Berlinde De Bruyckere, Bertrand Lavier, c’est au tour de Jonathas de Andrade, artiste majeur de la scène artistique brésilienne, d’investir le domaine avec poésie et force à la fois. Dans le cadre de la saison croisée Brésil-France 2025, cette exposition « L’art de ne pas être vorace », aborde les relations avec l’environnement et le monde vivant.

A la sortie du tunnel, dans le vignoble, les 35 drapeaux de Daniel Buren

I/ Sans doute l’un des plus beaux vignobles de Provence
Depuis la reprise en 2001 du domaine par Philippe Austruy, le vignoble a été totalement restructuré: installation de nouvelles caves et d’équipements de dernière génération, restauration de kilomètres de restanques. Il est labellisé biologique depuis 2022, il produit des rouges, des blancs et des rosés connus dans le monde entier.

Un domaine dont il est bien difficile d’en distinguer les limites !

Y aurait-il quelque chose de Bourgogne à Peyrassol ?
C’est là que les 62 parcelles qui composent le vignoble Château Peyrassol se déploient. Mais aucune uniformité ! Des attitudes qui s’étagent de 300 à 330 m ; des sols* et varient fortement d’un endroit à un autre ; des couloirs qui se dessinent dans le relief orientant les vents dominants ; la proximité ou non de l’eau et surtout l’enclavement, plus ou moins prononcé dans une forêt méditerranéenne très biodiversifiée. Alors bien naturel de faire le parallèle avec les climats bourguignons dont l’illustration n’est autre ici, qu’un clos, ceint comme il se doit d’un épais mur de pierres sèches. Ce prestigieux clos Peyrassol est l’emblème du domaine.
*Un terroir très largement argilo-calcaire ou caillouteux.


Un vignobles savamment protégé
Facile de se perdre dans cette armure forestière ! Un véritable encerclement du domaine (entouré d’un solide grillage) pour protéger autant le vignoble que le cœur du domaine, sa commanderie. Une boucle de 13 km sans rencontrer âme qui vive. Que du maquis provençal, des chênes blancs centenaires, des pins parasols, des pins d’Alep, des pins maritimes. On traverse des forêts de cèdres imposants de l’Atlas, des érables, des charmes, des cormiers, plus, partout des cystes, des églantiers, des genévriers avec quelques étangs qui miroitent dans le contrebas. Au détour d’un sentier, des mouflons qui surgissent d’un bosquet, des cerfs peu farouches habitués à l’homme, ou une biche et son faon qui s’étonne à peine de ma présence.

Enherbement et pâturage, idéal pour l’écosystème
Cet écosystème forestier constitue un bénéfice considérable pour la vigne. En y ajoutant l’enherbement, voici un autre facteur qui va favoriser les auxiliaires de la vigne. Sans aucun apport extérieur, ils luttent naturellement contre les ravageurs qui comme on le sait sont nombreux. De plus, le système racinaire qui se développe avec l’enherbement va de pair avec l’apparition des mycorhizes, réseau de filaments reliés aux racines de la plante. Ces champignons puisent dans le sol, nutriments et minéraux vers la vigne avec en plus, des propriétés drainantes. C’est également pour la maîtrise de l’enherbement des sols que chaque hiver et avant l’apparition des premiers bourgeons, le vignoble Château Peyrassol accueille de début janvier à mi-avril, des centaines de moutons conduits par leur berger, Guillaume. Résultat, de l’auto fertilisation des sols.
De la vigne à la cave, des vendanges presque en sous-maturité
Ici, pas d’irrigation mais les quelques 62 parcelles de vignes du domaine ont toutes accès à un minimum d’eau. Peu de stress hydrique (selon l’année). A titre d’expérience, des capteurs le mesurent sur la parcelle Ventru. La gestion du couvert végétal est également stratégique pour préserver les grappes du contact direct avec l’implacable soleil d’été. Au moment des vendanges, on joue ici sur les acides plutôt que sur le degré de sucre. Donc des vendanges presque en sous-maturité et des raisins avec une acidité contrôlée pour obtenir au final un bel équilibre naturel malgré des taux de sucre inférieurs.

Le travail en cave
Toute la philosophie du travail en cave consiste à préserver les baies et leurs arômes en pratiquant une vinification parcellaire, en privilégiant la gravitation lors de l’encuvage. Ajoutons des pressurages délicats et un travail sur lies fines. Depuis quelques années déjà, la terre est venue compléter le bois des barriques, l’inox des cuviers de rosé ou le béton des cuves et des œufs des rouges.

Jarres (ou amphores) de grès et de terre cuite, véritables révélatrices du terroir
Ainsi, jarres (ou amphores) de grès et de terre cuite accueillent maintenant les vins les plus délicats du domaine, ceux notamment du célèbre Clos Peyrassol. Leur légère microporosité, plus accentuée pour la terre cuite que pour le grès, une argile mélangée à de la silice chauffées à plus haute température, les rapproche des oxygénations produites en barriques, sans les traces de bois. A la clé, des vins frais et une belle minéralité, véritable révélateur du terroir.


Jarres ou amphores de grès et de terre cuite dans les caves du vignoble Château Peyrassol. Elles sont réservées aux vins les plus délicats et tout particulièrement ceux issus du Clos Peyrassol. Photo © François Collombet
Une recherche de minéralité et de fraîcheur
C’est ainsi que l’intégralité du Blanc de Blancs issu de la parcelle Clos Peyrassol est vinifiée en jarres de grès. Le vin rosé du Clos Peyrassol est vinifié pour 60 % en jarres de grès et pour 40 % en cuves inox. L’assemblage final finit de s’affiner ensuite en totalité dans des jarres de grès. Les amphores de terre cuite quant à elles sont souvent utilisées, en fonction des millésimes, pour accueillir les jus des syrahs afin de leur apporter longueur et fraîcheur très recherchés aujourd’hui.

II/ La Commanderie de Peyrassol, là où la vigne, l’art et le patrimoine se contemplent



Une plongée dans l’art du XXe et XXIe siècles
Peyrassol, au cœur de la Provence est l’histoire d’une commanderie fondée au XIIIe siècle par l’Ordre des templiers pour ensuite passer à l’ordre des Chevalier de Malte et être aujourd’hui un domaine familial. Son propriétaire, Philippe Austruy y a réuni une formidable collection d’art contemporain comptant parmi les plus belles collections d’art contemporain à ciel ouvert. Plus d’une centaine d’œuvres qui se découvrent au détour de bâtiments contemporains (notamment le Centre d’art édifié en 2016) ou beaucoup plus anciens mais aussi dans les vignes et les sous-bois. C’est une véritable immersion dans l’art du XXe et XXIe siècles.


Le centre d’art dédié à la collection permanente
La Collection Philippe Austruy, en perpétuelle évolution, se compose non seulement des grands noms de l’art (Frank Stella, Sol LeWitt, Olga de Amaral, Bertrand Lavier, Berlinde De Bruyckere, Ugo Rondinone, Bernar Venet, Carsten Höller … ), mais elle s’engage aussi auprès de la scène artistique contemporaine en invitant des artistes à concevoir des œuvres spécialement pour le domaine (Daniel Buren, José Vaque, Gloria Friedmann, Felice Varini, Loris Cecchini. .. ).


Sur l’esplanade de l’art, l’œil ne peut être attiré que par cette immense colonne totem constituée de vases marocains. L’œuvre est intitulée Colonne coloniale (2021) de l’artiste camerounais Pascale Marthine Tayou. Au pied de la colonne coloniale, une multitude de figurines typée coloniale. Photos © François Collombet
Une architecture qui respecte le dénivelé du terrain
L’architecte Charles Berthier qui a conçu le centre d’art a associé la conception d’un bâtiment dont la structure respecte le dénivelé naturel du terrain et rappelle le principe de restanques qui structure l’agriculture provençale. C’est là dans la pierre, le béton et l’acier que sont présentés les œuvres figurant parmi les chefs-d’œuvre de la collection Philippe Austruy.






Sur la terrasse, l’œuvre monumentale de Bernar Venet
Le centre d’art a été édifié en 2016 par l’architecte Charles Berthier. Il est composé de trois bâtiments, respectivement dédiés à la collection permanente et aux expositions temporaires. Il offre plus de 1500 mètres carrés dédiés à la création contemporaine. Au fil des années, le bâtiment central surmonté d’un toit-terrasse et percé d’un puits de lumière accueille l’installation monumentale de Bernar Venet.

Cette poule patineuse dans les jardins de la Bastide
Les jardins de la Commanderie de Peyrassol furent labellisés « Jardins remarquables » en 2016 avec ses buis taillés à la française qui constituent l’une des merveilles botaniques des lieux.

III/ L’art de vivre à la Commanderie de Peyrassol
Au-delà de la visite du vignoble (95 ha), des caves, de la dégustation des vins ou d’un détours par les jardins de la bastide labellisés « Jardins remarquable », la gastronomie est un rendez-vous incontournable à la Commanderie de Peyrassol avec deux restaurants dont la cuisine est élaborée avec les produits du potager et de la ferme biologique : Le Bistrot de Lou, place du village et Chez Jeannette avec son chef doublement étoilé, Benjamin Le Balch (première étoile en 2025 au guide Michelin et deux toques Gault et Millau en 2024). Sa terrasse surplombe les vieilles vignes du Château Peyrassol. Enfin, dans la tranquillité et au cœur d’une forêt de cèdres de l’Atlas plantés au XIXe siècle, La Rouvière , ancien corps de ferme offre chambres d’hôtes et petits appartements familiaux au charme tout provençal.


et souriant, que demander de plus que le plaisir de déguster la cuisine si créative du jeune chef Benjamin Le Balch et de son équipe. Photo © François Collombet


Le Bistrot de Lou sur la place du village
Il est au sommet du hameau. Au sol, une calade qui servit d’aire de battage des céréales dès la période médiévale. Autour, les édifices emblématiques de la Commanderie de Peyrassol, la Bastide, et les bâtiments viticoles. A l’ombre des mûriers, une cuisine simple et fraîche parfaite pour la pause méridienne.

Une nuit à la Rouvière
Très loin du cœur de la Bastide, au bout d’un chemin sans fin parsemé d’œuvres d’art, on arrive à ce lieu de villégiature; un ancien corps de ferme, le décor d’une maison familiale tout proche du jardin potager biologique. Autour, une forêt de cèdres de l’Atlas, plantée au XIXe siècle par un ancien général d’empire. Quelques chambres, des petits appartements familiaux, une ambiance délicieusement provençale, c’est cela l’accueil à la Rouvière.


IV/ Des templiers du XIIIe siècle jusqu’au vignoble familial de Philippe Austruy
Une histoire de plus de huit siècles
Voici un vignoble situé sur la commune de Flassans-sur-Issole dans la Provence verte et qui eut étonnamment si peu de propriétaires. D’abord ce fut une commanderie des Templiers fondée au XIIIe siècle. Elle servit d’étape pour les pèlerins en partance pour la terre sainte. Mais c’était aussi une terre à vignes. La preuve, ce parchemin des Templiers conservé aux archives de la ville de Marseille qui donne les comptes de la Commanderie pour la récolte de l’an 1256 soit 44 milleroles (28.000 litres) « de bon vin franc ». En 1308, quatre mois après l’arrestation des Templiers du Royaume de France, les Templiers de Provence sont incarcérés à leur tour.
Sous l’ordre des Chevaliers de Malte jusqu’à la Révolution

Changement de chevaliers ! A partir de 1311, l’Ordre des Chevaliers de Malte hérite de la Commanderie de Peyrassol comme de tous les biens des Templiers. Précieusement entretenu, le vignoble restera à l’Ordre de Malte jusqu’en 1789. Devenu bien national à la Révolution, la Commanderie est acquise en 1830 par la famille Rigord. À partir de cette date, ce sont les dames de Peyrassol qui gèrent le domaine, tandis que leurs époux exercent des professions libérales jusqu’au Dr. Rigord qui hérite du domaine en 1967 et entreprend de replanter une grande partie de la propriété.
François Rigord, « la Dame de Peyrassol »
Mariée au Dr. Rigord, Françoise Rigord (1944-2022) décida de mettre en bouteille et de commercialiser les vins de la Commanderie. Elle était née à Loches en Touraine et s’était installée en Provence après des études commerciales et de communication à Paris. Au début des années 1970, elle pris en main La Commanderie de Peyrassol qu’elle hissera parmi les meilleurs vignobles de Provence. Françoise Rigord fut membre de l’Ordre des dames du vin et de la table et de l’Ordre illustre des chevaliers de Méduse. Elle publiera « La Dame de Peyrassol » (éditions Féret) en 2008. Elle fut l’une des pionnières du rosé. Françoise Rigord, « la dame de Peyrassol » a contribué avec talent à installer la réputation de la toute jeune appellation Côtes-de-Provence. Ses cendres reposent dans une des chapelles de la Commanderie de Peyrassol.
2OO1, l’odysée de Philippe Austruy à La Commanderie de Peyrassol
L’homme qui rencontra son jardin d’Eden
En 2001, Philippe Austruy, passionné de vin, rachetait la propriété et lui insuffla un nouvel
élan : « J’ai pu y mêler mes deux plus grandes passions, le vin et l’art. 850 ha de bois et de garrigues, 95 ha de vignes, ce morceau de Provence confère aussi une grande responsabilité. Le transmettre intact aux futures générations et contribuer à laisser s’y épanouir toutes les conditions d’une biodiversité préservée s’est imposé à moi. Et ce sera
l’œuvre d’une vie… Mais j’ai souhaité passer à un stade plus engageant. avec notamment un vignoble cultivé selon les principes de l’agriculture biologique, des jardins conservatoires de la faune et de la flore locale, une ferme biologique, des restaurants privilégiant les produits locaux et les circuits courts. La Commanderie de Peyrassol est le jardin d’Eden dont nous rêvons tous. » Philippe Austruy.

Les domaines viticoles de Philippe Austruy tournés vers l’art et l’art de vivre
En France : Château. Peyrassol au cœur de la Commanderie de Peyrassol et Château La Bernarde en Côtes de Provence (acquises respectivement en 2001 et en 2016), Château Malescasse, cru bourgeois exceptionnel du Haut Médoc, acquis en 2012. Au Portugal, Quinta Da Côrte dans la vallée du Douro (acquise en 2013). En Italie : Tenuta Casenuove au coeur du Chianti, en Toscane (acquise en 2015), Petreto et Tenuta Isola nel Giglio égaIement en Toscane.
Alban Cacaret celui qui épaule son oncle
Dès le début de l’aventure de la Commanderie de Peyrassol, Alban Cacaret épaule son oncle Philippe Austruy et veille au quotidien sur cet ancien trésor des Templiers. Sitôt ses études de pharmacie terminées, il rejoint le domaine dont il connaît la moindre des parcelles. II découvre l’univers vigneron, pas à pas, jusqu’à devenir aujourd’hui un représentant averti, fin dégustateur et passeur enthousiaste à travers le monde. En grand amoureux de ces lieux où la nature sauvage – la garrigue – et la nature domestiquée coexistent avec tant d’harmonie.

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