
Clos de Vougeot Grand Cru (exclusivement rouge) est le berceau de la viticulture bourguignonne. Ce domaine viticole, dépendance de l’abbaye de Cîteaux jusqu’à la Révolution et dont le château et le cellier abritent depuis 1944 la confrérie des Chevaliers du Tastevin, est décrit comme l’acropole de la Bourgogne vineuse. Célébré dans le monde entier, le Clos de Vougeot est sans doute le plus connu, le plus mythique des grands crus de Bourgogne. Le plus connu mais aussi le plus grand en surface puisque, quatre-vingt-cinq propriétaires se partagent 50 ha, 95 ares et 76 centiares divisés en 134 parcelles à l’intérieur du fameux clos entouré de murs. Faut-il rappeler qu’au gré des successions et des partages, le morcellement s’est accru !
Ce vaste vignoble (1 km de long sur 500 m de large) au cœur de la Côte de Nuits est situé sur la commune de Vougeot. Il monte graduellement en pente douce de 240 à 265 m d’altitude, en partant de la plaine de la Bresse en bordure de la N 74, en bas de versant jusqu’aux grands crus Musigy et Grands-Echezeaux, au débouché de la combe d’Orveau.
* 134 parcelles et presque autant de climats. On en distinguait encore certains au XIXe siècle comme Petit et Grand Maupertuis, Maret-Haut et Bas, Planté-l’Abbé, Garenne, Musigny-Chioures, Dix-Journaux, Quatorze-Journaux, Montiottes-Hautes et Basses, Baudes-Saint-martin, nord et sud, etc.

Des limites inchangées depuis le XIVe siècle
Le Clos de Vougeot dont le nom vient de la Vouge, petite rivière qui prend sa source au dessus du village, est l’œuvre au XIIe siècle des moines de Cîteaux (les cisterciens). Un chemin de 17 km créé à l’occasion des neuf cents ans de l’abbaye de Cîteaux, relie maintenant le Clos à l’abbaye dont il était une dépendance. Le vignoble s’est constitué de donations intervenues de 1109 à 1115 avec une dernière acquisition en 1336. Son mur d’enceinte date du XIIIe siècle, un siècle après la fondation de l’abbaye. On parle alors de clausum (clôture) de Vougeot. Il est édifié par les moines qui le déplacent au fur et à mesure des nouvelles acquisitions. Ses limites n’ont pas changé depuis le XIVe siècle. Avec son château remanié par Dom Loisier, abbé de Cîteaux (1540-1559), le Clos restera possession de Cîteaux pendant près de sept siècles jusqu’à la Révolution française, acquérant une renommée considérable. La gestion des moines qui impose le pinot noir comme cépage principal fut à bien des égards révolutionnaires. Ce sont eux qui au XVIIIe siècle, innovent (chauffage de la vendange). Ils sont aussi les précurseurs de la chaptalisation en faisant monter le degré alcoolique de leur vin par l’ajout de sucre de canne ou de miel.

Un projet pour faire des vins d’imitation
En 1789, par décret de la Constituante touchant les biens ecclésiastiques, le Clos de Vougeot est vendu aux enchères en un seul lot recréant une sorte de monopole très proche de ce qui existait du temps des cisterciens. Pendant près d’un siècle, le Clos de Vougeot passera entre les mains d’un marchand de bois parisien, d’un banquier dont le conseiller personnel de Bonaparte, de marchands de bien… C’est à cette époque qu’on envisagea de raser la vigne pour y planter des céréales ou pire, d’y installer une sorte d’usine pour y faire des vins d’imitation.
On traite le phylloxera au sulfure de carbone
En 1882, le phylloxera touche Vougeot. On traite la vigne malade au sulfure de carbone*. Mais rien n’y fait. Il faut arracher (20 000 pieds à l’hectare au ras du sol pas de racines mais des ceps couchés) et replanter profondément et en rang la vigne greffée. En 1889, le Clos de Vougeot devient la propriété de six négociants bourguignons dont Léonce Bocquet propriétaire du Château et d’une quinzaine d’hectares de vignes. Ensuite, au gré des successions et des partages, le morcellement s’accroit et aujourd’hui, outre le château (et lui seul) qui appartient à la Confrérie des Chevaliers du Taste vin depuis 1945, 85 propriétaires se partagent les… 134 parcelles du clos !
*L’emploi du sulfure de carbone pour vaincre le phylloxéra jusqu’à la pratique de la greffe sur plants américains est une découverte du Baron Paul Thénard qui constitua un domaine viticole à Givry à partir de 1842 (il appartenait à sa femme). A noter que le domaine Thénard possède toujours, presque adossé au mur du Clos de Vougeot, une parcelle en Echezeaux Grand Cru.
A l’instar du modèle bordelais
Le Clos de Vougeot représente un cas unique en Bourgogne. Alors que partout ailleurs les climats sont isolés, l’ordre de Cîteaux a constitué à Vougeot un immense domaine à l’instar du modèle bordelais, réunissant en un clos les climats d’origine plantés intégralement en pinot noir*. Comme à Bordeaux aujourd’hui, les cisterciens furent les premiers en effet à mettre en place cette notion de château avec un grand vin, un second vin et même un troisième vin (voir plus bas).
*Pour la petite histoire, il exista des plants blancs en Clos de Vougeot jusqu’en 1930 et même un Clos-Vougeot rosé mousseux extra-dry millésimé 1898 !
Château de la Tour, l’autre château

Le château de la Tour est le seul château (construit à la fin du XIXe siècle) à être situé au sein du Clos à quelques enjambées du majestueux château cistercien. François Labet est aussi le seul à vinifier et élever ses vins à l’intérieur du Clos. Avec 5 ha de vignes certifiées en agriculture biologique depuis 1992, il est le plus important propriétaire du Clos de Vougeot (il en possède 10 %). En 1986, il a repris le domaine avec l’aide de l’œnologue bourguignon, Jean-Pierre Confuron. Les raisins vendangés manuellement en paniers d’osier sont triés sans égrappage avant de fermenter grâce aux levures indigènes. L’élevage s’effectue en fûts de chêne neufs dans une cuverie qui vient d’être entièrement rénovée. La mise en bouteilles se fait par gravité et sans filtration. Deux cuvées sont produites : une cuvée classique (22 000 bouteilles) et une cuvée rare de vieilles vignes (3 000 bouteilles).

Clos du haut, clos du bas, clos du milieu
Aujourd’hui, les noms des climats qui constituaient le Clos de Vougeot ont en principe disparu, l’AOC ne reconnaissant qu’un vin et sur une seule parcelle. Mais le plus célèbre clos de Bourgogne réputé pour ses vins corsés aux parfums de fruits rouges, de violette et de truffe s’obstine à donner des vins plus fins et plus délicats dans la partie élevée du vignoble, alors qu’ils sont plus lourds, moins sophistiqués vers le bas de la pente. Aussi fait-on la distinction traditionnellement en se représentant trois grandes bandes latérales.

La partie haute (vers 265 m d’altitude) : elle se situe au niveau du château du Clos de Vougeot, en s’étendant vers le sud-ouest. C’est le terroir du grand vin, le terroir pontifical sur les lieux-dits Musigni, Chioures, Grand Maupertuis, Plante Labbé, Montiotes hautes… Elle possède un sol très caillouteux, mélange d’argiles et de graviers bruns, sur un socle calcaire du Bathonien. Les cisterciens en tiraient la Cuvée des Papes, la meilleure expression du Clos avec cette inimitable touche fumée mêlée d’épices sur un nez de rose ancienne.
La partie centrale (vers 250 m) : c’est le terroir royal ou épiscopal réservé à la Cuvée des évêques et des rois. Cette section sur les lieux-dits Dix journaux, Quatorze journaux, Baudes… repose sur des sols encore très caillouteux, mais en descendant la pente, la terre est de plus en plus argileuse. Elle s’alourdit et se compacte. Les vins restent sèveux mais ont une finale plus tannique.
Une partie basse (vers 240 m) : là se situe le terroir monacal. Il est en bordure de nationale, à la limite de l’appellation communale. Il est moins bien drainé, plus terrien. Il donnait la Cuvée des moines sur un sol constitué d’argiles lourdes et de dépôts alluvionnaires. Les vins sont plus massifs, plus puissants, plus tanniques sans afficher cette même finesse qu’on retrouve en haut de pente.

Un syndicat depuis 1947
La majorité des producteurs ont une production moyenne (pour rappel, ils sont 85 propriétaires sur des parcelles allant de 21 ares à 5 ha pour la plus grande avec le Château de la Tour). La production globale est de 240 000 bouteilles vendues sous plus de 70 étiquettes différentes. Avec tant de producteurs, ce grand cru est loin donc d’être homogène. Les propriétaires et les exploitants se sont d’ailleurs fédérés en 1947 au sein d’un syndicat de défense du Clos de Vougeot. La plus grande partie d’entre eux élèvent et commercialisent eux-mêmes leurs vins. Depuis certaines mesures, prônées par le syndicat (présidé par François Labet) comme le retour aux labours, une taille courte, des rendements limités, les traitements raisonnés, la lutte contre le désherbage, la qualité des vins s’est considérablement améliorée.
Un château dans les vignes
Le château qui domine le clos n’était à l’origine qu’un simple cellier supporté par huit piliers de pierre (dont deux monolithes) bâti par les moines au XIIe siècle et pouvant abriter 2000 pièces de vin. Ce cellier de plain-pied mais admirablement protégé de l’air et de la lumière est encore aujourd’hui un modèle d’architecture. Il en va de même pour la cuverie équipée de quatre gigantesques pressoirs à cabestan en chêne. Elle forme un véritable cloître avec ses quatre galeries de 30 m sur 10 autour d’une petite cour. C’est en 1551 que Dom Loisier, 48e abbé de Cîteaux, décida de construire ce véritable château dans les vignes. Il est classé monument historique.

Le siège de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.
Depuis près de 75 ans, le château du Clos de Vougeot est le siège de la célèbre confrérie des Chevaliers du Tastevin fondée par 2 vignerons, Georges Faiveley et Camille Rodier. Elle acheta le château en novembre 1944 à un riche vigneron de Vosne-Romanée, Etienne Camuzet. Aujourd’hui, la confrérie compte 12 000 chevaliers de par le monde*. Elle tient ses chapitres (Chapitres de Printemps, d’Eté, d’Automne ; chapitres de l’Equinoxe, des Roses ; chapitres de la Saint-Vincent, de la Saint-Hubert…) dans le cellier des moines accueillant 16 fois par an quelques 500 convives venus de tous les horizons. Lors de ces chapitres, la confrérie intronise de nouveaux membres qu’elle élève au grade de chevalier au terme d’un rituel grandiose et bon enfant : Par Noé père de la Vigne, Par Bacchus, Dieu du vin et par saint Vincent, patron des Vignerons, Je vous fais chevalier du Tastevin ! (Des seize chapitres annuels, le plus connu est celui qui couronne la célèbre vente des Hospices de Beaune). Depuis 1950, la confrérie des Chevaliers de Tastevin organise également dans le cellier du château deux séances de Tastevinage par an distinguant chaque fois 250 vins qui seront estampillés du prestigieux sceau du Tastevin.
* Ainsi à titre d’exemple, la Confrérie des Chevaliers du Tastevin créa une Commanderie d’Amérique dès 1939 qui commença à New York puis la Nouvelle-Orléans Elle compte aujourd’hui quelque 2 400 membres répartis en 41 sous-commanderies de la Côte Est à la Californie.

Les Grands millésimes
…1928, 1929*, 1933, 1934, 1945*, 1947*, 1949*, 1955, 1959*, 1961*, 1964, 1969*, 1976, 1978*, 1985, 1988, 2002, 2005*, 2009, 2010, 2011, 2013…
*Très grands millésimes.
