Il est né dans les laboratoires de l’Inra de Marseillan (Languedoc)
Le marselan a été créé en 1961 par des chercheurs de l’Inra (Institut National de la Recherche Agronomique) et de SupAgro Montpellier (l’École Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier). Le nom de Marselan vient tout simplement de la ville de Marseillan (entre Béziers et Montpellier) qui abritait à l’époque l’Inra (domaine de Vassal), installé depuis au domaine de Pech Rouge près de Gruissan, dans l’Aude. En croisant cabernet sauvignon et grenache noir, Paul Truel (Directeur de l’Inra de 1952-1985) et son équipe donnaient naissance à un sacré métis.
Que pouvait-on lui demander de mieux ?
Que pouvait-on lui demandez de mieux ? Il est résistant à la sécheresse par son père, le grenache et en même temps, détenteur des arômes de sa mère, le cabernet sauvignon. Ce cépage noir de deuxième époque, à grosse grappes mais à très petits grains sphériques d’un bleu violet n’a presque que des qualités. C’est un cépage résistant aux maladies et notamment à la pourriture grise, (donc moins de traitements). Ses capacités d’adaptation à des climats difficiles sont étonnantes. Ses vins sont colorés, aromatiques, (arômes de cassis, notes épicées et pointe mentholée) et ses tannins soyeux, corsés, structurés et aptes au vieillissement. Alors, le marselan n’aurait-il qu’un seul défaut, son relatif faible rendement. Il lui faut près de 160 kg de vendanges pour obtenir une centaine de litres de jus de raisins. Mais partout, il permet de produire des vins de qualité. D’où son succès aussi bien dans le nouveau que l’ancien monde.
En Chine, ce métis français comme invité surprise !
Une surprise de taille, l’émergence du marselan, cépage métis* dans le paysage viticole chinois et sans doute mondial ! C’est aujourd’hui une véritable star au point d’être devenu le cépage emblématique de la Chine et principal challenger de l’indétrônable cabernet sauvignon. Alors, doit-on s’attendre à ce que le marselan soit en Chine, ce que le carmenère est au Chili ou le malbec à Argentine ? Mais relativisons ! Aujourd’hui, la Chine ne recense que 267 ha de marselan dispersés à travers le pays. C’est un minuscule pourcentage face aux énormes plantations de vignes (830 000 ha dont les ¾ sont encore en raisins de table).
Proche du désert de Gobi, en hiver, on enterre les vignes
Et pourtant, les vins élaborés à partir du marselan connu pour apporter des notes épicées et de la couleur, sont gratifiés d’une multitude de récompenses. Elles sont liées tout à la fois au bon niveau des techniques de vinification mais surtout aux caractères uniques de ce cépage. Voir plus bas les quelques belles réussites du marselan en Chine notamment dans la Province de Yunnan ou au Mont Helan, région autonome de Ningxia proche du désert de Gobi avec des hivers si froids qu’il faut enterrer les vignes (en taillant les pieds très bas avant de les recouvrir de terre).
*Un cépage métis (ou hybride) est le fruit du croisement de variétés appartenant à la même espèce, en l’occurrence Vitis vinifera.
En partant du Languedoc, il conquiert le monde
En France (près de 4000 ha), il est évidemment présent dans le Languedoc-Roussillon et en Côtes du Rhône (en cépage accessoire). Mais pays inattendu (comme la Chine d’ailleurs), l’Uruguay est son troisième producteur mondial. On connaissait ce pays pour le tannat, mais il a su aussi s’accaparer le marselan dont il cultive plus de 150 ha ; une variété qui s’est parfaitement adaptée aux conditions humides de l’Uruguay grâce à sa résistance au mildiou et au botrytis. Il donne des vins plutôt corsés aux tannins fins, marqués par des notes de cerise et de mûre. On le trouve au nord de Montevideo dans le département de Canelones, sur un sol argileux mais aussi dans les nouvelles régions côtières du nord. Ainsi, à côté du tannat, le marselan est le fer de lance de Traversa, un domaine de 380 ha autour de Canelones ; de Garzón, le plus gros producteur du pays avec des vignes implantées sur les coteaux côtiers de Maldonado, derrière Punta del Este ou encore Juanico & Familia Deicas, véritable institution viti-vinicole dans la région de Canelones.
Jusqu’en Israël
En Espagne, c’est la région de Penedès située en Catalogne ; en Chine, les régions de Yantai-Penglai province de Shandong et Hebei au nord-ouest de Pékin ; en Afrique du Sud, le marselan a été planté dans les Waverley Hills, entre Tulbagh et Ceres, près de Wolseley, au nord-est de Paarl ; en Argentine, région de Mendoza. En Israël, c’est un cépage relativement nouveau et populaire. Beaucoup se disent impressionnés par sa puissance et ses qualités. Il est présent en Galilée notamment chez Recanati* mais aussi dans les montagnes de Judée et à Zikhron Yaakov sur le mont Carmel…
*Recanati produit un Carignan Sauvage dans les montagnes de Judée, un vignoble non irrigué avec des plantations « en buisson » et un système de palissage ancestral. Les racines s’enroulent et se tordent dans le sol vers les zones les plus minérales dans une recherche constante d’eau, ce qui provoque l’arôme et la couleur si uniques de ce vin.
Face au réchauffement climatique, le recours !
Il faudra attendre 1990 pour voir apparaître le marselan dans la liste des cépages autorisés en France et 2011 pour celle des AOP. Est-ce l’exemple chinois dont on sait que le vignoble bordelais est le point de mire, toujours est-il que le marselan à titre expérimental vient d’intégrer la liste des 7 nouveaux cépages* (s’ajoutant aux 13 traditionnels) dont le syndicat viticole des Bordeaux autorise la plantation. Faut-il y voir une raison très pragmatique pour mieux affronter le changement climatique, le marselan étant en plus peu sensibles à certaines maladies cryptogamiques. Encore doit-on attendre que cette liste soit validée par les instances de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Les premières plantations de marselan ont eu lieu en 2020/2021. Notons quand même une restriction à 5 % de l’encépagement total et 10 % des assemblages. Sur ces bouteilles expérimentales, l’étiquettes ne pourra en aucun cas, revendiquer le nom du cépage. L’essai est prévu sur dix ans.
* En rouge, en plus du marselan, le touriga nacional, un des principaux raisins de porto ; le castets, une variété presque oubliée et résistante à certaines maladies ; l’arinarnoa, un croisement entre le cabernet et le tannat à maturation tardive et résistant aux gelées printanières. En blanc : l’albariño, principal cépage blanc du nord-ouest de l’Espagne, une bonne alternative au sauvignon blanc ; le petit manseng, du sud-ouest de la France, qui, comme le sémillon, peut faire des vins secs et doux ; le liliorila, un croisement peu connu entre le chardonnay et le baroque donnant des vins très aromatiques.
La marche triomphante du marselan en Chine
En 2001 était créé un vignoble sino-français de démonstration dans la province d’Hebei (près de Pékin, à proximité de la grande Muraille) introduisant le marselan sur le marché chinois. Depuis sa popularité n’a fait que croître. Mais il doit sa grande notoriété à la marque de vin chinoise GreatWall (groupe Cofco) qui l’introduisit à Penglai, dans la province de Shandong à l’est de la Chine (sur les bords de la mer Jaune et à la même latitude que la Grèce). En 20 ans, ce cépage importé de France a été cloné à tour de bras dans l’Empire du Milieu. Mais qui aurait pu imaginer son avenir ? L’oenologue Demei Li, l’un des plus grands spécialistes du vin chinois et chroniqueur pour DecanterChina.com avait très tôt décelé dans le marselan, un cépage très prometteur pour la plupart des régions viticoles chinoises alors en pleine croissance.
En Chine, sa terre d’élection, la région viticole de Ningxia
On le trouve notamment à Grace Vineyard dans le Shanxi. Beaucoup connaissent également Long Dai pour ses assemblages de marselan, cabernet sauvignon et cabernet franc. C’est en Chine, le premier vin des Domaines Barons de Rothschild (Lafite-Rothschild) avec des vignes dans la vallée de Qiu Shan (Province de Shandong) au nord-est de la Chine à 20 km des bords de la mer Jaune. Elles sont implantées en terrasse à 1500 m d’altitude sur des parcelles de sols granitiques des piedmonts de la Vallée de Qiu Shan. Autre belle réussite du marselan, un vin bio produit à l’est de la montagne Helan par le château Ho-Lan Soul dans la région viticole de Ningxia.
Un vaste programme de plantations
A tous égards, c’est une incroyable région désertique où face à l’avancée du désert et aux problèmes d’érosion des sols, le gouvernement chinois s’est lancé dans un vaste programme de plantations dont 40 000 ha de vignes en sélectionnant le marselan mais aussi le cabernet sauvignon, le merlot, et le gernischt (carmenère).
Chaque 27 avril, Journée mondiale du Marselan
Qui pouvait penser que le marselan, ce métis deviendrait une pépite cultivée dans plus de 20 pays au point de lui dédier une fête, la Journée mondiale du Marselan organisée chaque année, le 27 avril. Cette date commémore la naissance de l’ampélographe Paul Truel (1924), son inventeur. Le marselan, tant décrié en France, s’est trouvé le monde pour le défendre.