Les grands clos en Champagne se comptent sur les doigts d’une main. En Bourgogne, le Clos est une parcelle de vigne entourée d’un mur de pierres sèches avec deux entrées, l’une pour les voitures à cheval et l’autre pour le vigneron (voir Clos de Vougeot, Clos de Tart, Clos Saint-Denis… pour les plus connus en Côte de Nuits). En Champagne, à l’instar de la Bourgogne, quelques grandes maisons, et une poignée de petits et moyens propriétaires ont la chance d’entretenir ces fameux clos (donnant leur nom à une cuvée spécifique), facteur considérable de prestige pour leurs maisons.
En Champagne, 11 clos « historiques »
Soyons concrets, un Clos selon le décret du 19 août 1921, est un endroit ceint de murs ou d’une haie qu’un cavalier ne peut franchir avec sa monture. Le vin qui y est produit porte le nom du clos. Il doit provenir exclusivement des raisins de ce clos sans pour autant que ceux-ci soient tous utilisés pour cette cuvée. Faut-il ajouter bien souvent l’exposition exceptionnelle de ces parcelles, leur nature géologique et l’extrême soin qu’apportent leurs propriétaires à leur entretien. La Champagne recense aujourd’hui 11 clos historiquement bien identifiés et une vingtaine d’autres en voie de s’imposer (voir la liste plus bas).
Leur rareté en fait la valeur
Si comme en Bourgogne, jusqu’au XVIIIe siècle, beaucoup de vignes, propriétés essentiellement des moines, étaient ceintes de murs, beaucoup furent abattus au moment de la Révolution française et des lois de succession (le code Napoléon) entrainant l’éclatement du foncier. Ajoutez-y quelques guerres, la crise du phylloxéra pour qu’il ne subsiste aujourd’hui que le souvenir de quelques clos perdus dans les 35 000 ha du vignoble champenois.
Depuis une bonne vingtaine d’années, cette notion de clos a été redécouverte au point de hausser les crus qui y sont produits au rang de mythe ; leur rareté en faisant la valeur avec des prix souvent stratosphériques. Constatons pour le plus emblématique d’entre eux, le fameux Clos du Mesnil de Krug (1,85 ha), le prix (en moyenne) qu’atteint aujourd’hui son millésime Blanc de Blancs 1979 à 4420 € (1650 € pour le millésime 1996) contre 500 € pour un millésime considéré comme normal.
Clos des Goisses, le plus ancien et le plus pentu de Champagne
Le Clos des Goisses propriété du Champagne Philipponnat* (Maison implantée à Aÿ depuis 1522) couvre 5,5 ha entièrement entouré de murs à Mareuil-sur-Aÿ. C’est le plus ancien, le plus grand et sans doute l’un des plus célèbres clos du vignoble champenois. En 1935, Pierre Philipponnat décidait de vinifier séparément le Clos des Goisses, un clos extraordinairement situé sur une pente offrant une déclinaison de 25 % à 45 %, exposé plein sud (la plus pentue de Champagne), gois ou goisses signifiant d’ailleurs Coteau pentu en vieux champenois. On dit aussi que goisse serait la transcription de dur labeur, une définition toute aussi juste pour ce Clos qui demande 3 fois plus de travail que les autres. Ses vignes se trouvent ainsi préservées des vents dominants face à la réverbération de la Marne qui coule en contre bas. Le sol peu profond s’établit sur une base de craie dure.
*En 1997, la Maison de Champagne Philipponnat rejoignait le groupe Boizel Chanoine Champagne (aujourd’hui Groupe Lanson-BCC*). Elle est aujourd’hui dirigée par Charles Philipponnat avec pour œnologue et chef de cave, Thierry Garnier. Le Groupe Lanson-BCC regroupe également les Champagnes Lanson (Reims), Chanoine Frères (Reims), Besserat de Bellefon (Epernay), Boizel (Epernay), De Venoge (Epernay), Alexandre Bonnet (aux Riceys). Le Groupe Lanson-BCC a réalisé en 2016 un CA de 260 millions d’€.
Clos des Goisses, travail pénible mais sublime Champagne !
Il faut imaginer un vignoble situé sur un coteau abrupt soit 1 km de longueur sur à peine 100 m de profondeur exposé plein sud, au-dessus du village de Mareuil-sur-Aÿ* dominant le canal de la Marne et la Marne, à l’est d’Epernay. Le Clos des Goisses, en certification HVE (Haute Valeur Environnementale) comme l’ensemble du domaine Philipponnat se divise en parcelles cernées de murs de soutènement datant de 1887 où l’on accède par des petits escaliers de pierre. Là, le sol est peu profond, assis sur de la craie pure. Sur ce site unique, une seule possibilité, tout doit se faire à la main car le vignoble est si pentu (jusqu’à 45°) qu’il faut installer des grillages de sécurité pour protéger les vignerons.
*On y trouve également des vignes de Billecart-Salmon, Bollinger, Deutz, G.H. Mumm & Cie, Henriot, Krug, Leclerc Briant, Louis Roederer, Perrier-Jouët, Veuve Clicquot.
Pas bio mais presque
On travaille donc avec l’aide d’un treuil et d’un petit chenillard remplacé au labour par un cheval de trait. On rogne à la cisaille, on n’utilise pas de produit désherbant. La partie inaccessible du Clos des Goisses se fait à la main, à la sarclette. Pas d’insecticides non plus mais la technique de la confusion sexuelle. L’emploi du sulfate de cuivre est proscrit ici car bien plus toxique d’après Charles Philipponnat que la plupart des produits de synthèse contre le mildiou, fléau des vignobles au climat humide.
Ici, à l’inverse de la colline de l’Hermitage ou de la Côte Rôtie, les rangs de vignes sont dans l’axe de la pente, non en terrasse d’où la difficulté pour travailler cette vigne si particulière. Ainsi, gorgés de soleil, les raisins atteignent une splendide maturité, gage d’un vin vigoureux, complexe et minéral à l’extrême qui saura vieillir plus de trente ans. Les premières bouteilles ont été produites en 1935. Sur les dernières années, 1994 n’a pas été commercialisé et 1987 n’a pas été élaboré. Nous écartons chaque année en moyenne 50 % des raisins pour ne conserver que la meilleure matière première possible précise Charles Philipponnat. Il ajoute aussi qu’ici, on parle plutôt d’un vin avant d’être un Champagne, un vin vineux, racé, corsé, puissant auquel viennent s’adjoindre des bulles et qui ferait d’avantage penser à un Bourgogne ou à un riesling alsacien : un vin exceptionnel tiré en moyenne entre 20 000 et 25 000 bouteilles par an (plus quelques magnums très recherchés).
10 ans de vieillissement pour un champagne qui fait penser à un grand Bourgogne avec des bulles
Le Clos des Goisses toujours millésimé est issue d’un assemblage à majorité pinot noir* (65 % pour le millésime 2007) contre 35 % de chardonnay. La vinification partielle (73 %) sous bois précise Thierry Garnier, chef de cave de Philipponnat, permet plus de complexité sans oxydation prématurée. Pas de fermentation malolactique, pour que l’acidité naturelle compense la très grande puissance du terroir. Le vieillissement se prolonge de dix ans environ, à température constante (12°C) dans les caves historiques de la Maison à Mareuil-sur-Aÿ. Autre caractéristique, un dosage très bas (4,25 g/l) qui laisse s’exprimer toute la vinosité et la minéralité de ce vignoble exceptionnel !
*Des pinots noirs issus de sélections massales d’origine bourguignonne, à rendement bas et à meilleur potentiel de maturation.
Les Cintres, la quintessence du Clos des Goisses
Les Cintres est une cuvée confidentielle. Elle fait partie d’une trilogie de cuvées parcellaires issues du millésime 2006 qui provient des vignes les plus solaires au cœur du Clos des Goisses. Elle est issue à 70 % de pinot noir et 30 % de chardonnay et 100 % première presse de raisins provenant des parcelles centrales du Clos des Goisses ; une vinification traditionnelle en évitant toute oxydation prématurée et sans fermentation malolactique. 100 % des vins sont fermentés sous bois. Le dosage est extra-brut (4,5 g/l) pour maintenir l’équilibre entre fraîcheur et vinosité et ne pas masquer le caractère du vin et sa pureté. Si le Clos des Goisses 2007 est vendu autour de 133 € la bouteille, Les Cintres 2006 atteint 265 € le flacon en caisse bois.
Clos des Goisses Juste Rosé Millésime 2006
Ce Clos des Goisses Juste Rosé 2006 est la cinquième cuvée rosée du Clos des Goisses. Déjà mythique parmi les collectionneurs et les grands amateurs, elle n’est produite qu’à 2 ou 3 000 exemplaires à chaque millésime. Elle est le fruit d’un assemblage à 63 % pinot noir et 37 % chardonnay. La vinification partielle (40 %) et traditionnelle qui se fait sous-bois favorise une plus grande complexité, sans oxydation prématurée. Aucune fermentation malolactique n’est réalisée pour que l’acidité naturelle compense la très grande puissance du terroir. Le vieillissement est de 9 ans en caves. Le dosage très bas (4,5 g/l) laisse s’exprimer toute la vinosité des vins issus de ce vignoble exceptionnel (environ 320 € e flacon).
Clos des Goisses, tableau des millésimes et leur estimation
(Prix estimés par WineDecider)
- Clos des Goisses 2008 : 170€
- Clos des Goisses 2007 : 123€
- Clos des Goisses 2006 : 128€
- Clos des Goisses 2005 : 117€
- Clos des Goisses 2004 : 148€
- Clos des Goisses 2003 : 146€
- Clos des Goisses 2002 : 236€
- Clos des Goisses 2001 : 124€
- Clos des Goisses 2000 : 139€
- Clos des Goisses 1999 : 145€
- Clos des Goisses 1998 : 175€
- Clos des Goisses 1997 : 141€
- Clos des Goisses 1996 : 435€
- Clos des Goisses 1995 : 357€
- Clos des Goisses 1994 : 276€
- Clos des Goisses 1993 : 150€
- Clos des Goisses 1992 : 396€
- Clos des Goisses 1991 : 231€
- Clos des Goisses 1990 : 513€
- Clos des Goisses 1989 : 427€
- Clos des Goisses 1982 : 680€
- Clos des Goisses 1951 : 1704€
Liste des 10 autres Clos parmi les plus prestigieux de Champagne
(liste non exhaustive)
- Clos du Mesnil : 1,85 ha (Krug)
- Clos d’Ambonnay : 0,685 ha (Krug)
- Clos Cazals : 3,7 ha (Cazals)
- Clos des Bouveries : 3,53 ha (Duval Leroy)
- Clos du Moulin : 2,20 ha (Cattier) : réunion de deux anciens clos, le Clos Allart et le Clos du Moulin
- Clos des Faubourgs de Notre Dame : 25 ares (Veuve Fourny)
- Le petit clos : 8,48 ares (Jean Vesselle)
- Clos Saint-Hilaire : 94 ares (Billecart Salmon)
- Clos des Bergeronneau : 2,1 ha (Champagne Florent Bergeronneau-Marion)
- Clos Virgile : 20 ares (Champagne Portier)
Autres Clos
- Les Vieilles Vignes Françaises : 0,45 ha (Bollinger)
- Clos d’Ambonnay : 0,68 ha (Krug)
- Clos Pompadour : sélection d’un même vignoble de 20 ha (Pommery)
- Clos du Château de Bligny
- Clos des Trois Clochers : 0,45 ha (Leclerc-Briant), premier millésime 2018
- Clos Rocher : 0,63 ha (Grémillet) planté en 2012
- Clos Lanson (vignoble intra muros à Reims)
- Clos Mandois : 1,5 ha (Mandois)
- Clos des Chaulins : 0,68 ha (Médot)
- Clos Jacquin (Champagne Pierre Callot et Fils)
- Clos Sainte-Sophie : 1,20 ha (Lassaigne)
- Clos des Monnaies : 1 ha (deux propriétaires : Goutorbe-Bouillot et Eric Lemaire).
- Clos des Belvals : 1,20 ha (Person)
- Clos de Cumières : 49 ares (Hervé Jestin), premier millésime 2012 sortie en 2017
- Clos à Doré : 55 ares (Doré-Monmarthe)