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Cheval des Andes à Mendoza (Argentine), l’un des plus grands crus d’Amérique du Sud.

Cheval des Andes à Mendoza (Argentine) se place aujourd’hui dans le peloton de tête des plus grands crus d’Amérique du Sud. Aura-t-il l’aplomb de concurrencer Cheval Blanc, son grand cousin de Saint-Emilion ?

11 000 km séparent les 2 cousins. Et pourtant, tous les deux, Cheval Blanc à Saint-Emilion (1er Grand Cru classé A) et Cheval des Andes à Mendoza* sont magistralement uniques. Si l’un a fait du cabernet franc, sa signature, l’autre a su calmer l’exubérance de son malbec (jouant à égalité avec le cabernet sauvignon). Si l’un se conforte dans l’excellence de ses 160 ans d’existence, l’autre aborde sa maturité tel un jeune Cheval du haut de ses 21 ans … Et avec quel aplomb ! Les quelque 1 100 m d’altitude de ses deux prés carrés andins le griserait-il devant, il est vrai, un paysage à couper le souffle. Mais qui pourrait lui reprocher sa fougue ?

*Mendoza fait partie aujourd’hui du réseau des 8 capitales mondiales du vin avec Bordeaux, Florence, Porto, Bilbao-Rioja, Melbourne, Le Cap et San Francisco. Mendoza assure près de 80 % de la production argentine de vin (à 70 % rouge à partir essentiellement du malbec). Le pays possède le 7e vignoble du monde. Il est en 2020, le 5e producteur mondial de vin.

Cheval des Andes, sur le terroir de Las Compuertas à Lujan de Cuyo (Mendoza), malbec et cabernet sauvignon sur le piémont de la Cordillère des Andes ©Federico-Garcia-Betancourt.

Cheval des Andes, un très grand vin d’assemblage dans l’esprit bordelais

Gérald Gabillet nous propose de déguster son premier millésime (2019) vendangé en février/mars. C’est le premier assemblage à 50 % malbec / 50 % cabernet. Il étonne déjà par son équilibre, sa densité et sa tonicité (Photo FC)

Son millésime 2019 (premier assemblage à 50 % malbec / 50 % cabernet) étonne déjà par son équilibre, sa densité et sa tonicité. Disons que dans l’art de l’assemblage*, son ADN est bordelais et qu’il a de qui tenir (Cheval Blanc). Mais, l’objectif est de rester dans l’optique d’un vin argentin tout en apportant cette touche de fraîcheur et d’élégance typiquement bordelaise. Seuls, des vendanges plus précoces (pour une meilleure approche de la maturité), un travail précis du parcellaire avec des labours réguliers et des extractions douces sont capables de lui donner ce supplément d’âme. En quelques mots « éteindre un peu l’exubérance de certains malbecs pour aller vers plus d’équilibre, de suavité dans le toucher des tannins » précise Pierre-Olivier Clouet, directeur technique de Cheval Blanc. Parions que ce 2019, sous l’oeil attentif de Pierre Lurton (président de Cheval Blanc et Cheval des Andes) se hisse bientôt au sommet des plus grands crus d’Amérique du Sud, prêt à conquérir le monde ? Patience donc !

* L’assemblage est l’une des singularités de Cheval des Andes parmi les vins argentins pour la plupart issus de culture en mono-cépage.

Gérald Gabillet, le quatrième cavalier de Cheval des Andes

Aujourd’hui, Gérald Gabillet (il vient de Château Angelus également 1er Grand Cru Classé A) a tout d’un homme comblé. Il a succédé en 2018 en tant que directeur technique de Cheval des Andes à trois winemakers exceptionnels (Roberto De la Mota, Nicolas Audebert et Lorenzo Pasquini) ; ensuite, son premier millésime argentin 2019 (récolté en février 2019) est appelé au plus brillant avenir, prêt à voyager à travers les décennies comme on aime dire ici. Autre satisfaction, Pierre Lurton a souhaité affranchir d’avantage son cheval andin de la tutelle de son grand cousin bordelais. Et notamment, comment ne pas saluer la réussite dans la commercialisation sur la place de Bordeaux* du très beau millésime 2016. Cheval des Andes devient donc depuis septembre 2019, plus accessible aux amateurs français. On dit de ce 2016 qu’il est « l’enfant » d’El Niño un courant froid de l’océan Pacifique qui est venu perturber le climat en apportant plus de 3 fois la quantité de pluie que la normale. Notons qu’il est encore composé de 58 % de malbec, 37 % de cabernet sauvignon et 5 % de petit verdot (Voir plus bas sa fiche technique).

*Cette place de Bordeaux assure la mise en marché (la distribution) non seulement des grands crus classés mais aussi, depuis plusieurs années, des plus grands vins du monde (plusieurs centaines de négociants traditionnels aux origines diverses, anglaises, scandinaves…, s’y côtoient). Et, pour la mise en marché de son millésime 2016, Cheval des Andes s’est constitué un pool de sept négociants.

Les quatre cavaliers oenologues de Cheval des Andes réunis devant le château Cheval Blanc à Saint-Emilion. De gauche à droite : Nicolas Audebert (2007-2014), Pierre Lurton (président de Cheval Blanc et Cheval des Andes) ; Roberto De La Mota (1999-2007) ; Lorenzo Pasquini (2014-2018), Gérald Gabillet (depuis 2018) pour célébrer les vingt ans du cousin andin (Photo Terre de vins)

La construction d’un nouveau chai à La Compuertas

Last but not least (j’ai vu l’emplacement), la future construction d’un chai à Las Compuertas. Le projet prévoit un chai hors sol pour éviter tout risque sismique. La région de Mendoza se trouve en effet sur un réseau de fractures et failles à la fois nord-sud et est-ouest avec possibilités de secousses de force de 7.3 ou 7.4 sur l’échelle de Richter. Aussi faut-il être prudent ! Grâce à ce chai, Cheval des Andes s’affranchira un peu plus de l’expertise et des services de Terrazas de los Andes, prestigieux domaine andin de Moët et Chandon (situé à Cochabamba y Thames, près de Lujan de Cuyo) pour la vinification et élevage de ses propres vins.

Gérald Gabillet (Estate Manager and Head Winemaker à Cheval des Andes). Avant de rejoindre Cheval des Andes en tant que Directeur Technique en 2018, Gérald était depuis 2013, le directeur technique adjoint de Château Angelus, 1er Grand Cru Classé A à Saint Emilion. Ici, dans la vinothèque de Cheval des Andes (Photo FC)

Cheval des Andes, les origines

C’est une joint-venture avec Terrazas de los Andes qui a abouti à Cheval des Andes. Ce vignoble a été créé à l’initiative de Cheval Blanc (co-propriété de Bernard Arnault et Albert Frère) et du domaine Terrazas de los Andes (propriété de la branche Estates & Wines du groupe LVMH). Le premier millésime date de 1999. Il s’agissait d’exploiter les superbes malbecs de Las Compuertas de Terrazas de los Andes, situé à Vistalba, Mendoza. Ce terroir planté en 1929 fut découvert par Pierre Lurton et Roberto De la Mota, alors l’oenologue de Terrazas de los Andes (l’un des vignerons argentins les plus respectés et admirés). C’est sans doute là, dans ce secteur historique de Cuyo que furent plantés vers 1853 les premiers malbecs importés de France par le bordelais Michel Aimé Pouget. Roberto De la Mota* sera le cofondateur de Cheval des Andes qu’il dirigera jusqu’en 2007. Quant au nom, Cheval des Andes, c’est Bernard Arnault « himself » qui le suggérera.

* Roberto de la Mota est l’un des plus grands oenologues argentins d’aujourd’hui. Il aime dire qu’il est né dans une cave. C’est sans doute vrai puisqu’il est le fils du célèbre vigneron argentin, Don Raúl de la Mota. Après des études en viticulture et en vinification à l’Université de Montpellier, Roberto commence à faire du vin pour le compte de Moët et Chandon à Terrazas de los Andes (il sera co-fondateur avec Pierre Lurton de Cheval des Andes). En 2003, il fonde Mendel avec son associée Annabelle Sielecki (Mendel est le prénom de son père) situés à Mayor Drummond (Luján de Cuyo, Mendoza). Atteint de paraplégie à la suite d’un accident de voiture survenu en 2007, il va fonder avec son fils, Rodrigo, Revancha Vinos, comme une revanche sur le sort : « la vie m’a donné une merveilleuse seconde chance, c’est comme une revanche sur le sort » ; Revancha, deux vignobles, l’un à Altamira dans la zone sud-ouest de Valle de Uco et l’autre à Perdriel (Dont Lujan), à l’ouest de Luján de Cuyo. Enfin, Roberto De la Mota, l’homme du malbec lançait en 2019, son premier cabernet franc chez Mendel issu d’Altamira (Valle de Uco).

Préambule à ma visite à Las Compuertas

La région est connue pour sa pluviométrie très faible. Il ne pleut ici qu’entre 150 et 250 mm de pluie par an*, tandis que le soleil agit 310 jours par an en moyenne sur les plateaux de Las Compuertas et de la Consulta. Et pourtant, ce samedi matin, fin novembre 2019 (lors du printemps austral), c’est un temps breton qui nous attend. Venant à vélo de Lujan de Cuyo (grosse bourgade qui fait partie du Grand Mendoza), pluie et vent jusqu’à Roque Sáenz Peña, route qui désert Cheval des Andes, non loin de la Ruta Panamericana. Devant le portail, le gardien trempé nous attend. Une chance car me précisera Gérald Gabillet, quand il pleut, ici on ne travaille pas. Au milieu des vignes, une longue allée bordée d’oliviers et d’arbres fruitiers conduit au coeur du domaine : une terrasse sur pilotis où s’élèvent de plain-pied bureaux, salle de dégustation, vinothèque et office. Tout ici, fait de bois et d’immense baies vitrées est très épuré, très esthétique, très fondu dans l’environnement ; une sorte de vigie émergeant à peine des vignes. A l’horizon, au-delà d’une longue rangée de peupliers, je ne peux qu’imaginer dans cette brume qui tapit le vignoble, l’incroyable spectacle de la Cordillère des Andes.

*La Cordillère des Andes protègent la région des pluies, beaucoup plus fréquentes au Chili en raison de sa proximité avec l’océan.

Gérald Gabillet directeur technique de Cheval des Andes et Charles Gotchac (Winecom, Hospitality et marketing coordinator) qui l’assiste nous attendent sous le parapluie, une aubaine pour le vignoble, une déveine pour nous. Mais la chaleur de l’accueil sous cette pluie de fin novembre, en plein printemps austral nous fera vite oublier cette déconvenue (Photo FC)
Ce pavillon au cœur des vignes, et aujourd’hui dans la brume servit de clubhouse à l’équipe de polo. Il y avait en effet là un terrain de polo, sport souvent utilisé pour promouvoir la marque Cheval des Andes. Il sert maintenant de salle d’accueil et de dégustation avec bureaux et vinothèque (Photo FC)
Ce pavillon au coeur des vignes, aujourd’hui dans la brume servit de clubhouse à l’équipe de polo. Il y avait en effet là un terrain de polo, sport souvent utilisé pour promouvoir la marque Cheval des Andes. Il sert maintenant de salle d’accueil et de dégustation avec bureaux et vinothèque (Photo FC)
Dans ce qui fut le clubhouse d’une équipe de Polo, le cheval est à l’honneur. Peut-on rêver à Cheval des Andes, bureau plus symbolique placé comme une vigie au-dessus des vignes quand on gère un tel domaine ? (Photo FC)

Cheval des Andes, deux terroirs singuliers, deux cépages mythiques

Cheval des Andes a tout pour élaborer l’un des plus grands crus d’Amérique du Sud grâce notamment à un vignoble géré de façon parcellaire, en fonction du sol et du cépage selon son âge, sa vigueur et ses besoins. Ici on joue sur deux cépages emblématiques, le malbec et le cabernet sauvignon. En 2019, à Cheval des Andes, 56 % du vignoble se composait de malbec ; 40 % de cabernet sauvignon et 4 % de petit verdot (qui sera prochainement arraché). Dans ce grand cru argentin si proche de Bordeaux, faut-il rappeler que le malbec au XIXe siècle avant l’afflux de phylloxéra représentait près de 40 % de tous les vignobles bordelais. Donc, pour Cheval des Andes, c’est presque un retour aux sources. Ici, en Argentine, il est le cépage national. Si près de 170 ans après son implantation dans la région de Mendoza, sa réputation a fait le tour du monde, c’est parce qu’il a réussi sa mutation, que sa peau s’est épaissie et qu’il donne des arômes plus concentrés offrant un vin rouge fruité, aux tannins étonnamment délicats.

A Las Compuertas (Julan de Cuyo à Mendoza), Cheval des Andes entretient des malbecs plantés en 1929 (Photo FC)

Face à la Cordillère des Andes, un vignoble incroyablement spectaculaire

Ces deux terroirs* (La Compuertas à Lujan de Cuyo et plus au sud, la Consulta, Valle de Uco) qui composent Cheval des Andes sont à la fois atypiques, grandioses et incroyablement spectaculaires. Par temps clair (ce qui ne fut pas le cas lors de ma visite), le spectacle est phénoménal. Ces rangées de vignes occupant des plateaux (Terrazas), tel une mer verdoyante, paraissent buter au pied de la gigantesque muraille de la Cordillère des Andes. Et s’il fallait rajouter de l’exceptionnel à l’extraordinaire, alors il y a ces sommets enneigés qui se détachent sur fond d’un bleu absolu. C’est cela Mendoza et à ce paysage-là, on ne s’y habitue pas !

*Depuis le millésime 2016, Cheval des Andes est exclusivement élaboré à partir de ces deux terroirs du domaine : Las Compuertas et Altamira.

A Cheval des Andes, la biodiversité est bien réelle : plantation d’arbres fruitiers et de multiples plantes, pruniers, cerisiers, oliviers, lavandes, rosiers, plantes aromatiques… L’écosystème est une réalité : le compost fourni par les animaux de la ferme, chevaux, vaches, lamas, moutons, est utilisé comme amendement naturel pour le vignoble. L’huile d’olive est fabriquée au sein du domaine ainsi que divers autres produits pour une consommation équitable (Photo FC)

Las Compuertas, le vignoble historique

Le plus étendu des 2 terroirs de Cheval des Andes se trouve à 20 km au sud de Mendoza, c’est Las Compuertas à Lujan de Cuyo (département de Lujan de Cuyo). Il s’agit de la région viticole la plus ancienne de Mendoza (la primera zona). Elle est aussi la plus prestigieuse. Elle a été la première à avoir été délimitée en 1990 en DOC (Denominacion de Origen Calificada) pour le malbec. Elle comprend 14 districts dont certains comme Las Compuertas sont GI (Geographical Indication). C’est un terroir de 32 ha où à 1070 m d’altitude, s’épanouissent de vieux malbec de 1929, francs de pied. C’est aussi l’une des régions productrices de malbec les plus hautes du monde. (En fait, les vignes les plus hautes du monde sont à 3 000 m d’altitude, dans la province de Salta, au nord de l’Argentine). A leurs côtés, l’implantation du cabernet sauvignon s’est faite progressivement en raison de la bonne profondeur du sol*. Mais un tel cépage a particulièrement besoin de stress hydrique pour s’exprimer au mieux. Il ne peut cependant, dans cette région semi-désertique au climat semi-aride, vraiment s’épanouir que par un système d’irrigation (ici un système très élaboré de goutte à goutte (à 6000 € environ l’hectare) où la vigne est en permanence à la frontière de la carence hydrique et minérale. Si la région est connue pour sa pluviométrie très faible, les rendements peuvent être affecté par la grêle d’où la présence de filets anti-grêles (interdits en France jusqu’en juillet 2019). D’ailleurs, la province de Mendoza est la région du monde la plus affectée par les pluies de glace, avec en moyenne vingt-cinq tempêtes par an. Les hivers y sont froids avec des chutes de neige occasionnelles. Gérald Gabillet évoque cette nuit de gel où il lui fallut rameuter l’ensemble du personnel au milieu de la nuit pour installer des chaufferettes (à défaut de bougies). Mais quel spectacle !

* Des sols profonds majoritairement caillouteux et alluvionnaires, limono-sableux avec des dépôts éoliens qui proviennent de la Cordillère : calcaire 48 % ; sable 36 % et argile16 %.

Un ingénieux système de canaux, mis au point par les Incas

La position du vignoble proche de la rivière Mendoza offre un accès facile à l’eau pour l’irrigation. On comprend mieux le nom donné au terroir La Compuertas qui signifie les vannes. L’eau est ainsi acheminée par un ingénieux système de canaux, mis au point par les Incas. Ils ont été creusés dans le sol pour récolter l’eau de la fonte des neiges des sommets andins surmontés par le Tupungato culminant à 6 570 m. Mais il faut rationner et c’est ainsi que Cheval des Andes attend au même titre que ses voisins et selon un calendrier très précis l’ouverture des vannes pour remplir son réservoir à eau (un étang au milieu de plantes florales et aromatiques).

Cheval des Andes a fait creuser ce réservoir à eau, à la forme d’un étang pour réceptionner l’eau distribuée à chaque domaine selon un calendrier très précis : on ouvre « les vannes » (la signification de Las Compuertas) grâce à un système de canaux mis au point par les Incas. Cette eau provient de la fonte des neiges de la Cordillère des Andes. Sous les parapluies, Gérald Gabillet et Charles Gotchac (Photo FC)

Les avantages de l’altitude et l’amplitude thermique

La région de Mendoza bénéficie des avantages de l’altitude avec des vignobles en moyenne à plus de 1000 m. Le temps y est plus frais, l’amplitude thermique importante. Les journées chaudes et ensoleillées sont suivies de nuits froides causées par les vents d’ouest venus des Andes. On peut passer ainsi de 33° dans la journée à 17° la nuit. Cette fluctuation quotidienne de la température offre aux raisins une meilleure chance d’atteindre la pleine maturité sans pour autant sacrifier l’acidité.

Dans la grande allée des malbecs de Cheval des Andes, obligation est d’y installer des filets anti-grêle, un fléau qui touche ce secteur de Mendoza plus de vingt fois dans l’année. Gérald Gabillet n’a ce jour là, qu’à se protéger d’une pluie bienvenue (Photo FC)

A Cheval des Andes, le patrimoine génétique du malbec et du cabernet sauvignon à la hauteur des plus grands crus

Tout ici est pris en compte par les équipes d’ampélographes de Cheval des Andes et de Cheval Blanc : études des sols, choix des cépages, sélection de chaque pied. Elles ont pris soin de sélectionner un matériel végétal aux origines multiples afin d’apporter une diversité à ce patrimoine génétique. L’objectif étant d’offrir au vin une réelle complexité. Mais la préservation des francs de pied et les techniques de sélection massales et clonales vont de pair avec une viticulture propre : pas d’herbicide, pas d’insecticide, une gestion phytosanitaire pertinente et efficace qui passe par une observation et une prophylaxie permanente. L’une des premières décisions de Gérald Gabillet en arrivant à Cheval des Andes fut de se débarrasser de plusieurs tonnes de produits phytosanitaires et autres… qui dormaient-là depuis des années et qui n’ont ici aucune utilité (Ah la pression des lobbystes de l’industrie chimique !).

  • Le malbec : ainsi à Cheval des Andes, sa culture contribue à apporter l’éclat aromatique avec des notes de fruits rouges et de violette. Il donne ce côté croquant et juteux au vin qui le rend accessible dès ses premières années tout en apportant de l’opulence et de la densité au vin, avec des tannins riches, élégants, raffinés.
  • Le cabernet sauvignon : Il s’est implanté sur le domaine en 1999 et couvre aujourd’hui 40 % du parcellaire. Sa contribution dans l’assemblage du cru lui procure son ossature, une structure solide pour lui permettre de vieillir remarquablement dans le temps. Ses notes poivrées et épicées exhalent également de subtiles notes de cassis à maturité et lui confèrent une élégance évidente.
Ces cabernets sauvignons représentent à Las Compuertas plus de 40 % des plantations. A noter, le système d’irrigation au goutte à goutte indispensable pour l’épanouissement de ce cépage dans un environnement semi-aride, semi-désertique (Photo Tess C)

Vinification, assemblage et élevage

Le traitement parcellaire du vignoble va de pair avec la vinification : à chaque parcelle, sa cuve de vinification. La phase d’extraction se veut douce et modérée. La concentration naturelle est obtenue par le travail du vignoble, des raisins et une macération qui se prolonge pendant quatre semaines environ. Le but est d’obtenir un vin soyeux grâce à l’enrobage progressif des tannins. La phase d’assemblage est réalisée après la fermentation malolactique en cuve. L’élevage en chais durera douze mois. Cheval des Andes utilise 50 % de bois neuf pour 50 % de barriques bordelaises provenant de chênes français. 40 % sont des barriques de 400 litres et 20 % des foudres de 2 500 litres.

Gérald Gabillet et Charles Gotchac lors de la dégustation in situ des quelques derniers millésimes marquant de Cheval des Andes dont ce 2014 à 83 % malbec, très tonique, très concentré mais avec cette touche d’élégance qui signe l’ensemble de ces millésimes. Puis le 2016, 58 % de malbec, 37 % de cabernet sauvignon et 5 % de petit verdot, un vin aux arômes de fruits rouges (cerises, fraises des bois) et d’épices, surprenant par sa vivacité et son équilibre. Enfin, le tout dernier, en devenir, le 2019 dont cet assemblage 50 % malbec / 50 % cabernet sauvignon (Photo FC)

L’autre terroir de Cheval des Andes, Altamira, district de la Consulta, Valle de Uco

Plus au sud, à une centaine de km de La Compuertas, Cheval des Andes détient un autre terroir de 14 ha dans le district de la Consulta en Valle de Uco (bien qu’elle ne soit pas une vraie vallée), à San Carlos (le district le plus au sud de la vallée) : le vignoble Paraje Altamira niché à 1150 m d’altitude. C’est un secteur connu pour la qualité exceptionnelle de ses vins et surtout pour ses paysages impressionnants. On y retrouve essentiellement des malbecs de 1945. Les variations thermiques sont plus fortes qu’au nord. Ce climat continental et semi-désertique génère une très forte amplitude thermique. Il n’est en effet pas rare de voir les températures nocturnes descendre à 5°C, pour atteindre le jour les 30 à 35°C. Ici surtout, le risque de grêle reste le problème majeur, d’où l’obligation des filets anti-grêle.

Ici, on est entre bordelais

Cette Valle de Uco (17 000 km2) s’étend sur 73 km du nord au sud, longeant la légendaire route 40. Elle est flanquée à l’ouest par la Cordillère des Andes et à l’est, par des plaines et des pampas jusqu’à Buenos Aires à plus de 1000 km de là. On y distingue 3 principaux districts (du nord au sud) : Tupungato, Tunuyán et San Carlos dont les zones les plus intéressantes sont : Gualtallary, San Pablo, Los Arboles, Los Chacayes IG*, Vista Flores, Paraje Altamira IG, La Consulta, El Cepillo. Cette immense région viticole surnommée par certains « le Médoc argentin » a vu affluer à la fin des années 1990, des investisseurs bordelais regroupés sous la houlette du célèbre oenologue Michel Rolland. Dans ce Campo de los Siete à Tunuyan au sud du village de Vista Flores, a pu se constituer une sorte d’enclave bordelaise face à la Cordillère des Andes, à la dimension de Pomerol (850 ha). En fait ici, tout est immense et proche. Ainsi, pour gagner La Consulta (le second terroir de Cheval des Andes) sur le district de San Carlos, il suffit de traverser le rio Tunuyan en empruntant la route 92.

* A Los Chacayes (au nord-ouest de Vista Flores), tout contre la Cordillère des Andes, les frères Lurton, François et Pierre Lurton y établirent une cave. Aujourd’hui, elle s’appelle Bodega Piedra Negra (99 ha), dirigée uniquement par François.

Quelques bodegas parmi les plus célèbres de Mendoza

Au départ sur ce terrain vierge et rocailleux de Campo de los Siete, il fallut enlever les pierres, niveler, obturer les fissures, créer un système d’irrigation en puisant dans la nappe phréatique… Ce terrain de 1000 ha fut ensuite divisé à l’époque en sept parts égales. Chacun construisit sur sa parcelle, sa bodega (cave), afin d’élaborer son propre vin. Aujourd’hui, sous bonne garde (check point à l’entrée), on pénètre dans Campo de los Siete comme dans un territoire autonome. Des sept à l’origine de Campo de los Siete, ils ne sont plus aujourd’hui que quatre :

  • La bodega Cuvelier Los Andes (famille Cuvelier : château Léoville Poyferré, Saint-Julien-Beychevelle dans le Médoc) ;
  • La bodega Monteviejo (proprété de la famille Péré-Vergé : châteaux La Violette, Le Gay et Montviel à Pomerol) ;
  • La bodega DiamAndes (famille Bonnie : château Malartic La Gravière dans les Graves et château Gazin Rocquencourt à Pessac-Léognan) ;
  • La bodega Rolland (famille Rolland : Yacochuya à Cafayate, Salta au nord-ouest de l’Argentine…).

Mais sans aucun doute le voisin le plus impressionnant avec sa winery digne d’un temple inca (bâti avec des matériaux locaux) sorti d’un album de Tintin, c’est Flechas de los Andes qui appartient à Benjamin de Rothschild et Laurent Dassault. Aujourd’hui ils ont quitté la communauté des sept pour se consacrer à la seule production de Flechas de Los Andes avec comme produits phares, le Gran Corte et le Gran Malbec.

Altamira (deuxième vignoble de Cheval des Andes), district de La Consulta et Vista Flores (illustré par cette photo) sont considérés comme les meilleurs terroirs de la Valle de Uco, à environ 100 km au sud de la ville de Mendoza ; des vignobles de haute altitude (plus de 1100 m) longeant la bordure orientale des Andes et la rivière Tunuyan où le malbec (planté il y a 40 ou 60 ans) règne en maitre. Ici, tout à côté d’Altamira (le rio Tunuyan les sépare), les vignes de Flechas de los Andes, bodega née de l’association entre le Baron Benjamin de Rothschild et Laurent Dassault (Photo FC).

Cheval des Andes 2016, ce millésime marqué par El Niño

Ce millésime 2016 qu’on doit à Lorenzo Pasquini provient pour la première fois intégralement des 2 grands terroirs de Cheval des Andes (Las Compuertas à Julan de Cuyo et de La Consulta, Valle de Uco). C’est un millésime hors norme. Il fut en effet marqué par le Fenómeno del Niño ; un phénomène qui en causant un réchauffement du Pacifique équatorial, provoqua de fortes pluies entre octobre et décembre. Donc saison atypique à Mendoza avec un printemps humide, pluvieux, marqué par de faibles températures contrastant avec un été très chaud en Janvier et Février. Résultat, un faible rendement qui affecta essentiellement les malbecs du domaine. Le cycle phénologique prit un retard de près de 20 jours sur les dates normales dû aux précipitations printanières. Toutefois, grâce au regain des températures et à la sécheresse de l’été (Janvier/Février), la vigne a su donner de petites baies, moins nombreuses que la normale mais riches et concentrées. Les vendanges furent particulièrement longues (du 23 mars au 25 avril) et le rendement ne dépassa pas les 35hl/ha. Après une vinification dans des cuves en inox de 80 hl, l’élevage a duré 14 mois dans des barriques de 225 l pour deux tiers de la production, le reste, dans des barriques de 400 l (70 % de bois neuf provenant de chênes français de chez Taransaud, Darnajou, Demptos et Sylvain).

Cheval des Andes 2016, l’un des plus grands crus d’Argentine

Cheval des Andes millésime 2016 est assemblé avec 58 % de malbec provenant pour moitié de Lujon de Cuyo et Valle de Uco) ; 37 % de cabernet sauvignon et 5 % de petit verdot. Il a été noté 99/100 par James Suckling et 97/100 par Wine Advocate. En commentaires de dégustation, il est surtout remarqué par son expression aromatique très intense : fraîcheur et complexité illustrent très bien un bouquet aux arômes de fruits rouges (cerises, fraises des bois) et d’épices. En bouche, la notion d’équilibre prend tout son sens. L’attaque souple et fraîche apporte une belle vivacité. Des tanins fondus et précis contribuent à une structure agréable qui s’allonge en finesse.

Ce Cheval des Andes 2016 marqué par El Niño est le premier millésime issu intégralement des 2 terroirs du domaine : 58 % de malbec provenant pour moitié de Lujon de Cuyo et Valle de Uco) ; 37 % de cabernet sauvignon et 5 % de petit verdot (Photo FC)

La commercialisation de Cheval des Andes 2016, en France et dans le monde

Jusqu’à présent, Moët Hennessy assurait l’intégralité de la distribution de Cheval des Andes*. Depuis septembre 2019, il ne garde plus que le marché sud-américain et les Caraïbes, soit environ 15 000 bouteilles sur les 60 000 produites au total.

*Le reste étant assuré par la Place de Bordeaux.

Cheval des Andes Millésime 2016 : degré d’alcool : 14°, acidité : 4,80 g/l et un pH de 3,80. Prix conseillé autour de 70 €

Ce gaucho mène après les vendanges ses moutons dans les rangées de vigne de Cheval des Andes. ©Federico-Garcia-Betancourt

Lurton (Pierre) Cheval Blanc et Yquem (dico-du-vin.com)

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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