Chenonceau dans cette vallée de la Loire (en l’occurrence ici, le Cher, un de ses affluents) est un château dans les vignes (AOC Touraine Chenonceaux). Aborder ce chef d’œuvre de la Renaissance en arrivant par les vignes c’est déjà mettre un pied dans la longue histoire de Chenonceau. Vignes et châteaux ont toujours fait bon ménage dans cette vallée (Voir les châteaux de Chambord, Amboise, Valençay, Chinon, Saumur…). Jamais tant de vins ne se sont côtoyés avec autant de bonheur. Chenonceau en est le parfait exemple. Dès l’arrêt du train, à deux pas du château (des TER toutes les 3 heures, comptez 28 minutes de Tours-Saint-Pierre-des Corps à Chenonceau sur la ligne de Vierzon), vous êtes dans les vignes. Un oeil avisé vous dirait qu’il s’agit du cabernet franc, ce cépage typiquement ligérien, appelé ici breton. De l’autre côté de la rue, 3 parcelles de cabernet franc, de cot, plus connu à l’international sous le nom de malbec et de chenin blanc. Il manque un seul cépage, l’étonnant sauvignon blanc planté plus haut sur les coteaux nord de cette vallée du Cher (au-dessus du château). Ainsi, dès votre arrivée, vous voici plongé dans la trilogie des cépages privilégiés : sauvignon blanc, cabernet franc et cot*. Ils servent à élaborer le vin blanc sec et les vins rouges de l’appellation Touraine Chenonceaux (AOP depuis 2011).
*L’AOP Touraine Chenonceaux met de nouveau à l’honneur le cot, son cépage historique avant l’arrivée du phylloxéra. D’ailleurs pour les vins rouges, il doit représenter 50 % minimum de l’assemblage face au cabernet franc (35 % minimum).
Quelques plants de vigne dans le parc du château, à l’ombre des Dômes
Que reste-t-il du domaine viticole de Chenonceau ? Une dizaine d’hectares confiés depuis 2008 à un vigneron local (Caves du Père Auguste) et pour rappel, ces quelques rangs de vigne au pied du bâtiment des Dômes (XVIe siècle). En dessous, la cave historique voûtée servant à la dégustation et à la vente. Ici, dans le Jardin vert, à l’ombre de ce superbe chêne-vert, se profile la galerie des Dômes qui servit d’écuries et qui abritât un élevage de vers à soie introduit en France par Catherine de Médicis. La Galerie des Dômes, rend aujourd’hui hommage à l’Hôpital militaire aménagé à Chenonceau de 1914 à 1918.
Caves du Père Auguste, l’exploitant du vignoble historique du château
Pas de doute, ces trois cépages-là ont trouvé ici leur terroir de prédilection avec des sols dits de perruches, argilo-siliceux et caillouteux, riche en silex typique de la région. Dans la production de vins sélectionnée par le château (en AOC Touraine Chenonceaux) cot et cabernet franc sont en assemblage. Mais ce sauvignon blanc pris en apéritif, à l’ombre de l’Orangerie du château est tout simplement sublime. Le déguster avec son vigneron, Adrien Godeau (Caves du Père Auguste*) et Caroline Darrasse directrice de la communication de Chenonceau, que rêver de mieux ! C’est un vin vif à l’attaque mais se faisant ensuite plus rond, plus gras et qui offre au nez, des arômes de fleurs blanches, de fruits mûrs, d’agrumes et de fruits exotiques (ananas et mangue), la signature d’un grand sauvignon !
* Le domaine des Caves du Père Auguste à Civray-de-Touraine (14, route des caves, en direction d’Amboise) est le domaine de la famille Godeau. Ses 45 ha s’étendent sur les coteaux, rive droite du Cher, de Civray-de-Touraine à Chenonceaux. Caves du Père Auguste exploitent depuis 2008, la gestion complète des dix hectares du vignoble historique du château de Chenonceau.
Vigneronnes dans l’âme, ces Dames de Chenonceau !
Bien sûr il y a la cave des Dôme, cave voûtée du XVIe qui rappelle que le château produisait son propre vin il n’y a pas si longtemps. Chenonceau a toujours entretenu avec la vigne, un rapport particulier. Ses détentrices successives, de Diane de Poitiers à Catherine de Médicis, de Madame Dupin à la famille Menier, propriétaire depuis 1913, ont porté le plus vif intérêt aux vignes de leur domaine en élevant tour à tour, leurs propres cuvées. Aujourd’hui, cette tradition ne se perd pas. Ainsi, l’appellation Touraine Chenonceaux (110 ha), s’enorgueillit de regrouper sur la cinquantaine de producteurs, près de la moitié de femmes. Chaque année depuis 2014, sous l’égide du château, un jury 100 % féminin composé d’une quinzaine de vigneronnes, œnologues, journalistes…, choisit son cru coup de cœur. Six bouteilles de vin (trois blancs et trois rouges) de l’AOP Touraine Chenonceaux se voient murées dans une cavité du château. Au bout de cinq ans, les bouteilles sont mises aux enchères au profit d’une action caritative.
Diane de Poitiers en ses vignes de Chenonceau
S’il fallait parmi toutes ces Dames de Chenonceau, choisir celle qui pourrait incarner le mieux ce vignoble prestigieux de Chenonceau, ce serait, sans hésitation, Diane de Poitiers. On sait quel rôle joua Catherine Briçonnet (1494-1526), fille du cardinal Guillaume Briçonnet et femme du seigneur de Chenonceau (Thomas Bohier). Elle fut la première Dame de Chenonceau, la véritable architecte du nouveau château. Sans doute est-ce elle également qui fut la première à importer en Touraine le plant d’Anjou que Rabelais popularisa sous son nom actuel de chenin au XVIe siècle. A Catherine de Médicis, celui d’avoir fait venir de la vallée du Rhône, le plant de Tournon (était-ce le grenache ?) dont son conseiller, l’écrivain Michel de l’Hospital vantait tant les qualités. Mais c’est Diane de Poitiers qui porta l’art de la vigne à la hauteur de son célèbre jardin.
Un gros caillou taillé qui fait jaillir l’eau en gerbe
Les vignes de Diane étaient dit-on aussi bien tenus que son fameux Jardin. On y pénètre en passant devant la maison du Régisseur (la Chancellerie). Au centre du jardin, un jet d’eau décrit par Jacques Androuet du Cerceau (célèbre architecte et graveur du XVIe siècle) dans son livre « Les plus excellens bastiments de France » (1576). La conception en est surprenante pour l’époque. Le jet d’eau jaillit d’un gros caillou taillé en conséquence et retombe « en gerbe » vers un réceptacle pentagonal. Face à la chancellerie, sous l’ombrage d’une vigne, l’embarcadère pour des promenades sur le Cher (Photos FC)
Ce plant d’Anjou de Chenonceau
Lors de la dizaine d’années où Diane de Poitiers put bénéficier de la possession de la châtellenie de Chenonceau (de1547 à 1557), la vigne constitua pour elle un apport financier important. Les comptes de son receveur André Béreau, sont d’une précision étonnante. Ils répertorient trois clos de vignes : le clos des Ousdes (Château des Houdes à Francueil sur l’autre rive) ; le clos de la Roche (des vignes en coteaux qu’on retrouve encore au-dessus de Chenonceaux, route de la Roche précisément) et le clos du plant d’Anjou*. Cet ensemble couvrait alors une dizaine d’hectares. Ce Plant d’Anjou de Chenonceau évoqué par son receveur, était en réalité le pineau blanc (le raisin chenin* de Rabelais). Il représentait alors la ressource la plus célèbre de la Loire, la seule dont la réputation dépassait le cadre local.
*Le chenin ou pineau de la Loire est le cépage blanc historique de la Touraine et de l’Anjou. Sa présence est attestée depuis le IXe siècle.
Une dégustation sous les étoiles
Pour évoquer Diane et toutes celles qui lui succédèrent, le château organise chaque été en juillet des Dégustations sous les Etoiles. Les producteurs de l’appellation sont là, occupant la Grande Galerie au-dessus du Cher. Le château est entièrement ouvert. Dans les jardins, on déambule au clair de lune, un verre à la main.
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