Comment le Comité Champagne fait face aux défis du futur ? L’appellation Champagne a pour maître d’œuvre depuis 75 ans, le Comité Champagne (CIVC : Comité interprofessionnel des vins de Champagne) qui regroupe à parts égales vignerons* et maisons de négoce*. Son rôle, piloter une appellation qui représente en valeur, le tiers des exportations de vins français. C’est lui qui organise l’économie de la filière en fixant notamment chaque année, le rendement à l’hectare (en 2015, 10 000 kg de raisin à l’hectare), en mettant dans la balance la production et la capacité d’absorption par le marché. En outre, l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne démontre la capacité de la filière à préserver son patrimoine.
*15 000 vignerons et 320 Maisons.
Champagne, un nom défendu dans le monde entier
Le rôle du Comité Champagne est de valoriser et protéger l’appellation Champagne tant en France qu’à l’international. Ainsi, aujourd’hui, dans 112 pays (71 % de la population mondiale), le nom même de Champagne est protégé grâce à l’action de 14 bureaux du Champagne implanté à travers le monde et au travail de 63 cabinets d’avocats. 3800 dossiers à ce jour ont été réglés, 670 sont encore ouverts.
Des champagnes américains ?
Malgré cette task force impressionnante, existe-t-il encore des champagnes américains ? Oui, alors que la Chine a reconnu en 2013 l’indication géographique Champagne, les Etats-Unis qui représentent le premier pays consommateur de vin au monde, n’a pas encore acté complètement cette reconnaissance. Il est en effet possible de trouver des vins américains sous le nom Champagne bien que le Comité travaille à une interdiction totale et définitive. Et pourtant, un accord avait été signé en 2006. Il interdit seulement l’utilisation du nom Champagne sur des vins nouvellement introduits sur le marché. Tous les autres vins mousseux commercialisés avant cette date peuvent conserver l’utilisation du nom. Pour lutter contre cet abus, ne resterait-il qu’une campagne de presse sur le thème Champagne only comes from Champagne, France pour sensibiliser les consommateurs ?
Un engagement contre le réchauffement climatique
Alors que la Cop 21 (Conférence sur le Climat de Paris) arrivait en décembre 2015 à un accord permettant de lutter contre le réchauffement climatique, reconnaissons à la Champagne, son rôle de pionnier dans une viticulture durable et responsable, même si en tant que zone viticole la plus septentrionale de France, elle ne risque pas grand-chose. D’abord, une première constatation, en 30 ans, ici même en Champagne, la température a augmenté de 1,2° avec des dates de floraison et de vendanges qui ont été avancées de deux semaines. Ne faudrait-il pas oublier qu’à l’exception de vendanges particulièrement précoces (celles notamment de 1893 ou de 2003), avant le phylloxera, sur des vignes francs de pieds, la récolte se faisait régulièrement les dernières semaines d’août. Autre facteur positif, cette augmentation de la température, permet d’atteindre maintenant la pleine maturité tout en gardant la même acidité ce qui était rare il y a 30 ans.
A quand le Champagne anglais ?
Il a été calculé qu’une augmentation de 1° faisait remonter la limite de la production agricole jusqu’à 200 km plus au nord. On peut donc penser que l’Angleterre (le premier marché consommateur de champagne, derrière la France) et notamment le sud de Londres (Kent, Sussex, Hampshire), réunit toutes les conditions pour concurrencer le vignoble Champenois (même sol crayeux, même couche argilo-calcaire, même humidité, mêmes conditions climatiques). Pour rassurer les Champenois inquiets d’une éventuelle concurrence, il fallut une déclaration sans équivoque en 2013, du CIVC : L’aire d’appellation contrôlée ne se déplacera jamais en Angleterre ni ailleurs. La Champagne en Angleterre, non mais les champenois oui. Taittinger vient d’investir 69 hectares dans le Kent pour y produire du sparkling wine, Champagne styled of course !
Première région viticole au monde à calculer son empreinte carbone
Depuis les années 80, l’ensemble de la filière Champagne s’est mobilisé pour protéger son environnement. En 2003, la Champagne a été la première région viticole au monde à calculer son empreinte carbone et à mettre en place un plan carbone qui a permis de définir plusieurs axes d’actions (viticulture durable, transport et fret, efficacité énergétique des bâtiments, achats responsables…) aboutissant à des solutions particulièrement innovantes, comme la réduction de 7 % du poids de la bouteille de Champagne (de 900 g à 835 g). La Champagne a ainsi réduit en 10 ans ses émissions de gaz carbonique de 15 % par bouteille expédiée. Elle fait partie des rares filières économiques à avoir réduit ses émissions en valeur absolue. Aujourd’hui, 100 % des exploitants du vignoble champenois sont intégrés dans cette démarche.
Confusion sexuelle en Champagne
La Champagne est la première région française pour le développement de la technique biologique de confusion sexuelle. Elle permet la quasi suppression des traitements insecticides classiques sur 15 000 ha soit près de la moitié des surfaces de l’appellation. On assiste également à un triplement en 10 ans de l’enherbement du vignoble (les contours des parcelles sont désormais enherbés naturellement à plus de 95 %).
Quel est le bilan en chiffres ?
L’objectif est précis : moins 75 % d’émissions carbone en 2050. Donc, la bataille a commencé. Ainsi, déjà on note moins 50 % d’intrants en 15 ans. Il s’agit de tous ces produits servant à augmenter les rendements comme les fertilisants ou les produits phytosanitaires de type fongicides, herbicides, insecticides, etc. Et sur les 50 % restants, près de la moitié sont autorisés en agriculture biologique. De plus, la quasi-totalité des sous-produits et déchets sont maintenant valorisés. A ce jour, 30 % des surfaces de vignes sont certifiées (une certification qui date de 2014) Viticulture Durable en Champagne pour atteindre 50 % fin 2016 et à terme, 80 % des surfaces seront certifiées.
Un exemple qui vient d’en haut
Bollinger est la Maison exemplaire que le CIVC aime montrer en exemple. La preuve, le domaine Bollinger fut le premier vignoble d’une maison de négoce à se voir attribuer en 2012 la certification HVE pour Haute Valeur Environnementale. Elle récompense la pratique d’une viticulture durable (réduction massive de produits phytosanitaires, lutte biologique contre les insectes, etc.) et fut complétée en 2014 par une nouvelle certification : Viticulture Durable en Champagne adaptée à la spécificité du Champagne (conduite de la vigne, protection phytosanitaire, fertilisation, entretien des sols, gestion des déchets, préservation du paysage et de la biodiversité). Autre sujet de fierté chez Bollinger, la certification ISO 22 000 obtenue dès 2012 qui porte sur les démarches de la Maison sur l’ensemble du process pour les sites d’Aÿ et d’Oger (nouveau site datant de 2012), de la vinification jusqu’à l’expédition ; des normes visant à assurer la protection des consommateurs, la sécurité des produits, le respect de la réglementation, la communication des informations à tous les niveaux de la chaîne alimentaire et la satisfaction des clients.
Cap vers le futur, les nouveaux savoir-faire
Le futur c’est ce que Le Comité Champagne réalise actuellement grâce au travail d’une quarantaine d’ingénieurs et techniciens en lien avec des instituts de recherche, des universités, des bureaux d’étude ou des industriels, alliant ainsi les apports de disciplines complémentaires. A leur disposition 1000 m2 de cave et cuverie expérimentales, 600 m2 de laboratoires et trois vignobles expérimentaux de Plumecoq, de Gionges et d’Essoyes qui s’étendent sur 20 ha.
Des cépages plus résistants aux maladies
Pour être plus concret, si le Comité Champagne a tout mis en œuvre pour lutter contre la flavescence dorée (sorte de bactérie) qui se propage par le biais d’un insecte vecteur (une maladie de quarantaine, épidémique et très dommageable pour la vigne), il travaille aussi pour mettre au point des cépages offrant une plus grande résistance aux maladies. Ce programme de création variétale régional a été lancé avec pour objectif, la mise au point de nouvelles variétés de vignes résistantes aux maladies fongiques permettant de conserver la typicité des vins champenois. Ce programme a démarré en 2014 avec une première série de croisements (hybridation) entre le chardonnay et une variété résistante. Les pépins issus de ce croisement donneront chacun une nouvelle variété qu’il faudra évaluer durant de longues années. Comptez de 15 à 20 ans avant la fin de ce programme et l’inscription de ces nouvelles variétés.
Pour comprendre le vieillissement des vins de Champagne
Une incroyable technologie ! Elle a été mise au point grâce au Comité Champagne en appliquant des méthodes non invasives (laser et chimiluminescence). Ainsi offre-t-elle la possibilité de faire des mesures répétées, rapide et fiables des gaz présents dans les vins effervescents avec possibilité de comprendre le vieillissement des vins et d’éliminer les bouteilles défectueuses.
Le CIVC combien ça coûte ?
C’est simple, la contribution des champenois au budget du Comité Champagne (CIVC) peut se décomposer de cette manière :
- Pour un exploitant livreur d’1 ha = 133 €
- Pour l’expéditeur de 100 000 bouteilles, acheteur de raisins = 3828 €
- Pour la protection de l’appellation Champagne = 0,5 centime/bouteille
- Pour l’action de communication à l’étranger = 0,75 centime/bouteille
- Pour la recherche et l’accompagnement technique = 1 centime/kg
- Pour la gestion de la réserve et du casier viticole informatisé = 30 €/ha
Le budget se monte au total à peine à 0,4 % du chiffre d’affaires de la filière estimé pour l’année 2015 à 4,7 milliards d’€. Il serait intéressant de connaître le pourcentage dévolu au Comité Champagne lors de l’achat d’une bouteille de Champagne. La question est ouverte !