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Château Latour Premier Grand Cru Classé (Pauillac) Bordeaux

Latour (château Latour) est l’un des cinq premiers grand cru classés (1855) en appellation Pauillac. Quel coup de maître ! En se portant acquéreur de château Latour en 1993 pour l’équivalent de 110 millions d’€, alors que le château traversait une phase difficile, François Pinault (groupe Kering) se doutait-il que la valeur de son investissement allait être multipliée par 10 en 30 ans ; que Latour deviendrait le vin mythique absolu, le trophy wine exhibé comme signe extérieur de richesse dans le monde entier.

« Qu’il s’agisse par exemple de la biodynamie ou de nouveaux systèmes de traçabilité, notre leitmotiv est celui de la précision, de la qualité, du respect de l’environnement et de la prise en compte de nouvelles problématiques. » dit-on au Château.

Les 97 ha du vignoble du Château Latour en bio

Autre fait d’arme mais environnemental, les 97 hectares du vignoble du Château Latour sont aujourd’hui certifiés en bio (le premier des Grands Crus classés à faire cette transition). Le millésime 2018* est donc le premier à être certifié bio avec une mise sur le marché en 2024. Auparavant, il y eut cette révolution à l’annonce du retrait du Château du système de vente en primeur avec le négoce (à partir du millésime 2012) ; une spécificité à Bordeaux respectée jusque là par l’ensemble des propriétaires.

* Pour rappel, la maladie amputa d’un tiers la récolte 2018. Le bio n’a pratiquement que le cuivre (mildiou) et le souffre (oïdium) pour se défendre contre ces 2 maladies : « Il faut traiter dès qu’il pleut, disposer de suffisamment de tracteurs pour le faire en une journée et passer son temps dans les vignes à détecter le moindre symptôme » précise Hélène Génin directrice technique de Château Latour.

Le vignoble de l’Enclos, le cœur de Latour

Dominant l’estuaire de la Gironde de 12 à 16 m, à l’extrême sud de l’appellation et limitrophe de la commune de Saint-Julien, le domaine comprend 90 ha de vignes en production (65 ha en 1995). Mais seuls, 47 ha appelés l’Enclos en constitue le cœur destiné à produire le Grand Vin. L’Enclos autour du château occupe l’ensemble d’une croupe de graves günziennes du quaternaire culminant à 16 m au dessus de la Gironde bordée au sud par deux petits ruisseaux et à l’est, par des terres de palus au bord de la Gironde. C’est un secteur qui a été drainé au XIXe siècle pour notamment évacuer l’eau à l’approche des vendanges.

Château Latour, les graves argileuses au coeur de l’Enclos. Photo Château Latour

Le vin le plus régulier du Médoc

Deux facteurs contribuent à faire de Château Latour ce grand vin considéré comme le plus régulier de Pauillac. D’abord le microclimat né de sa  proximité (moins de 300 m) de l’estuaire de la Gironde, élément  régulateur qui  apporte fraîcheur lors des fortes chaleurs de l’été et exempte le domaine de tout risque de gelée. Son sol ensuite constitué de graves profondes et de grosses tailles qui  assurent un drainage parfait alors que le sous-sol qui est argileux retient une certaine humidité nécessaire à la vigne lors des étés torrides que connaît le Médoc. L’encépagement (un total de 800 000 pieds de vigne) est dominé par le cabernet sauvignon à hauteur de 76 %. Le merlot occupe 22 % complété par 2 % de cabernet franc et de petit verdot. Si certains plants peuvent être centenaires, la moyenne des vignes est d’environ 50 ans avec un renouvellement de 2 % par an et par complantation.

Frédéric Engerer gérant du Château depuis 1995

Le château fut l’un des premiers à adopter les cuves en inox dans les années 1960 pour la vinification selon la provenance géographique du raisin, son âge et le cépage. Frédéric Engerer, le gérant depuis 1995, Pierre-Henri Chabot, maître de chai et Hélène Génin, directrice technique ont la charge, à partir des vins de chaque parcelle de déterminer le meilleur assemblage. L’élevage des vins se fait intégralement en barriques de chêne provenant des forêts de l’Allier et de la Nièvre, barriques renouvelées chaque année.

  • La production du Grand Vin (90 % cabernet sauvignon) est estimée entre 200 000 et 220 000 bouteilles par an.
  • Second vin : Les Forts de Latour (production : 150 000 bouteilles), nom emprunté à une parcelle historique de l’Enclos depuis 1966. Ce vin, avec un merlot qui se monte à 25-30 %, est issu des parcelles situées en dehors de l’Enclos dans la zone classée Pauillac : Comtesse de Lalande, Petit Batailley et Sainte-Anne appartenant au domaine depuis plus d’un siècle et d’un ilot parcellaire de 7 ha sur la commune d’Artigues, acquis en 2005. Pour son élevage, la proportion de barriques neuves est entre 50 et 60 %.

Autre vin :

  • Le Pauillac de Château Latour (production annuelle : 60 000 bouteilles). Il est né avec le millésime 1973. Depuis 1990, il est produit chaque année. C’est un vin issu des cuves ne pouvant correspondre aux critères de sélection des Forts de Latour et de jeunes vignes. Il possède environ 45 % de merlot.
De la terrasse du Château Pichon Longueville Comtesse Lalande, on aperçoit Château Latour et la Garonne qui a cet endroit est large de 3 km. Photo © François Collombet

Rivalités franco-anglaises

Le document le plus vieux mentionnant Latour date de 1331. C’est une autorisation accordée à Gaucelme de Castillon par le seigneur Pons pour construire une tour fortifiée dans la paroisse de Saint-Maubert.  Cette tour fortifiée* de Saint-Maubert devient place forte gardant l’entrée de l’estuaire. Elle est tenue par des soldats bretons à la solde du roi de France. La chronique rapporte qu’en 1378, après trois jours de siège, elle est enlevée par une armée anglo-gasconne. De cette fameuse tour, il ne reste qu’un symbole, celui du château. La tour visible aujourd’hui est du XVIIe siècle. Elle a été bâtie avec les pierres de l’ancienne place forte. Le château plutôt discret à peine visible de la route ne date que du Second Empire. D’ailleurs, pendant longtemps Latour ne posséda aucune habitation.

Propriété du Prince des vignes

Le cru commence à faire parler de lui à la fin du XVIIe siècle à l’époque où il devient la propriété de la famille de Ségur. C’est en particulier sous l’impulsion du marquis Nicolas-Alexandre de Ségur surnommé le Prince des vignes par Louis XV que dès 1718, le domaine s’agrandit par l’acquisition de Mouton et de Calon. A la mort du marquis en 1755, la famille ne peut conserver l’intégralité du domaine. Il faudra quelque temps au château pour retrouver son contour et  commencer à acquérir une réputation internationale. Elle est en partie due  à Thomas Jefferson, ambassadeur des Etats-Unis auprès de la cour de Versailles et futur président, venu constater sur place en1787, la grande réputation du château.

Une irrésistible ascension

Mais aussi compétent que fut Jefferson, il se contenta de confirmer l’excellence de ce vin dont le prix ne cessait de flamber. Ainsi en 1714, le tonneau de Latour valait de 4 à 5 fois un tonneau de vin de Bordeaux courant. En 1729, le rapport était de 13 et en 1767 de 20. Aujourd’hui, on n’ose calculer ! Les Ségur garderont jusqu’en 1963 la totalité des parts de la Société Civile* du Vignoble de Château Latour qui se constitua en 1842 et qui perdure aujourd’hui.  Château Latour fut vendu aux groupes britanniques Pearson et Harveys of Bristol et revendu en 1989 à un autre groupe britannique Allied-Lyons. En 1993, François Pinault via sa holding personnelle Artemis se portait acquéreur de la majorité des parts de Château Latour.

*La société civile s’était constituée à la suite des héritages successifs qui avaient multiplié le nombre des copropriétaires.

Sous la férule de François Pinault

Frédéric Engerer gérant du Château Latour et directeur général d’Artémis Domaines. Photo Château Latour

…et celle de Frédéric Engerer évidemment, le gérant du château. En quelques années fut entrepris la rénovation totale des chais, du cuvier, des systèmes de vinification et des zones de stockage. Une nouvelle salle de dégustation a vu le jour. 70 personnes travaillent dorénavant au château. Le résultat est plus que probant : ce chiffre de personnes plus élevé à l’hectare que la moyenne des propriétés médocaines se justifie par les soins extrêmement méticuleux apportés à la culture de la vigne et à l’élevage du vin.

François Pinault vigneron

Faut-il rappeler que François Pinault possède Christie’s ; qu’il est l’heureux propriétaire via sa holding d’Eisele Vineyard, dans la Napa Valley (Californie), de Château Grillet en Côtes du Rhône septentrionales (appellation propre et monopole), du Domaine d’Eugénie en Côte de Nuits à Vosne-Romanée et, en appellation Morey-Saint-Denis, des 7,53 ha du mythique Clos de Tart. Last but not least, Artemis Domaines qui appartient à la famille Pinault annonçait il y a un an, son union avec Maisons & Domaines Henriot, propriétaire de Bouchard Père & Fils, vénérable maison de négoce à Beaune (130 ha de vignes dont 12 en Grand Cru et 74 en Premier Cru). A ses côtés, François Pinault a comme directeur général d’Artémis Domaines, Frédéric Engerer, qui depuis son arrivée au Château Latour est son « Monsieur vin ».

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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