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Latour (château Latour) Premier Grand Cru Classé (Pauillac) Bordeaux

Latour (château Latour) est l’un des cinq premiers grand cru classés (1855) en appellation Pauillac. Quel coup de maître ! En se portant acquéreur de château Latour en 1993 pour l’équivalent de 110 millions d’€, alors que le château traversait une phase difficile, François Pinault (groupe Kering) se doutait-il que la valeur de son investissement allait être multipliée par 8 en 20 ans ; que Latour deviendrait le vin mythique absolu, le trophy wine exhibé comme signe extérieur de richesse dans le monde entier et que des propriétés bordelaises passeraient aux mains des  chinois pour le simple fait qu’elles ont un Latour inscrit sur leur étiquette (châteaux Latour-Laguens). Le monde a donc changé de sens. Il s’est tourné vers les pays du soleil levant. Pour preuve, Latour exporte 90 % de sa production dont une bonne moitié part en Chine et à Hongkong,  nouvel eldorado des grands châteaux bordelais. Mais revers de la médaille, Latour est champion toutes catégories des vins falsifiés et autre détournement appelé cybersquatting !

*Pour sa traçabilité et lutter contre la contrefaçon, chaque bouteille de château Latour est prooftagée depuis le millésime 2007.

Le vignoble de l’Enclos, le coeur de Latour

Dominant l’estuaire de la Gironde de 12 à 16 m, à l’extrême sud de l’appellation et limitrophe de la commune de Saint-Julien, le domaine comprend 78 ha de vignes en production (65 ha en 1995). Mais seuls, 47 ha appelés l’Enclos en constitue le cœur destiné à produire le Grand Vin. L’Enclos autour du château occupe l’ensemble d’une croupe de graves günziennes du quaternaire culminant à 16 m au dessus de la Gironde bordée au sud par deux petits ruisseaux et à l’est, par des terres de palus au bord de la Gironde. C’est un secteur qui a été drainé au XIXe siècle pour notamment évacuer l’eau à l’approche des vendanges.

Le vin le plus régulier du Médoc

Deux facteurs contribuent à faire de Château Latour ce grand vin considéré comme le plus régulier de Pauillac. D’abord le microclimat né de sa  proximité (moins de 300m) de l’estuaire de la Gironde, élément  régulateur qui  apporte fraîcheur lors des fortes chaleurs de l’été et exempte le domaine de tout risque de gelée. Son sol ensuite constitué de graves profondes et de grosses tailles qui  assurent un drainage parfait alors que le sous-sol qui est argileux retient une certaine humidité nécessaire à la vigne lors des étés torrides que connaît le Médoc. L’encépagement (un total de 750 000 pieds de vigne) est dominé par le cabernet sauvignon à hauteur de 80 %. Le merlot occupe 18 % complété par 2 % de cabernet franc et de petit verdot. Si certains plants peuvent être centenaires, la moyenne des vignes est d’environ 50 ans avec un renouvellement de 2 % par an et par complantation.

10 ha en biodynamie

On pratique au château la lutte raisonnée sous la responsabilité de Domingo Sanchez chef de culture. Elle se fait par la maitrise des produits utilisés en évaluant les menaces potentielles pour la vigne ainsi que par des méthodes biologiques de défense des cultures. Donc, pas de désherbant chimique, des engrais uniquement organiques et réintroduction du cheval sur le domaine depuis 2008. Enfin, de nouvelles pratiques biodynamiques sont à l’essai sur une dizaine d’hectares de l’Enclos avec possibilité de les étendre à l’ensemble du vignoble dans un avenir proche. Le château fut l’un des premiers à adopter les cuves en inox dans les années 1960 pour la vinification selon la provenance géographique du raisin, son âge et le cépage. Frédéric Engerer, le gérant depuis 1995 et son maitre de chai, Pierre-Henri Chabot ont la charge, à partir des vins de chaque parcelle de déterminer le meilleur assemblage aidés en cela par  Jacques et Eric Boissenot (œnologues). L’élevage des vins se fait intégralement en barriques de chêne provenant des forêts de l’Allier et de la Nièvre, barriques renouvelées chaque année.

  • La production du Grand Vin est estimée à 120 000 bouteilles par an.
  • Second vin : Les Forts de Latour (production : 150 000 bouteilles), nom emprunté à une parcelle historique de l’Enclos depuis 1966. Ce vin, avec un merlot qui se monte à 25-30 %, est issu des parcelles situées en dehors de l’Enclos dans la zone classée Pauillac : Comtesse de Lalande, Petit Batailley et Sainte-Anne appartenant au domaine depuis plus d’un siècle et d’un ilot parcellaire de 7 ha sur la commune d’Artigues, acquis en 2005.

Autre vin :

  • Le Pauillac de Château Latour (production annuelle : 60 000 bouteilles). Il est né avec le millésime 1973. Depuis 1990, il est produit chaque année. C’est un vin issu des cuves ne pouvant correspondre aux critères de sélection des Forts de Latour et de jeunes vignes.

Rivalités franco-anglaises

Le document le plus vieux mentionnant Latour date de 1331. C’est une autorisation accordée à Gaucelme de Castillon par le seigneur Pons pour construire une tour fortifiée dans la paroisse de Saint-Maubert.  Cette tour fortifiée* de Saint-Maubert devient place forte gardant l’entrée de l’estuaire. Elle est tenue par des soldats bretons à la solde du roi de France. La chronique rapporte qu’en 1378, après trois jours de siège, elle est enlevée par une armée anglo-gasconne. De cette fameuse tour, il ne reste qu’un symbole, celui du château. La tour visible aujourd’hui est du XVIIe siècle. Elle a été bâtie avec les pierres de l’ancienne place forte. Le château plutôt discret à peine visible de la route ne date que du Second Empire. D’ailleurs, pendant longtemps Latour ne posséda aucune habitation.

Propriété du Prince des vignes

Le cru commence à faire parler de lui à la fin du XVIIe siècle à l’époque où il devient la propriété de la famille de Ségur. C’est en particulier sous l’impulsion du marquis Nicolas-Alexandre de Ségur surnommé le Prince des vignes par Louis XV que dès 1718, le domaine s’agrandit par l’acquisition de Mouton et de Calon. A la mort du marquis en 1755, la famille ne peut conserver l’intégralité du domaine. Il faudra quelque temps au château pour retrouver son contour et  commencer à acquérir une réputation internationale. Elle est en partie due  à Thomas Jefferson, ambassadeur des Etats-Unis auprès de la cour de Versailles et futur président, venu constater sur place en1787, la grande réputation du château.

Une irrésistible ascension

Mais aussi compétent que fut Jefferson, il se contenta de confirmer l’excellence de ce vin dont le prix ne cessait de flamber. Ainsi en 1714, le tonneau de Latour valait de 4 à 5 fois un tonneau de vin de Bordeaux courant. En 1729, le rapport était de 13 et en 1767 de 20. Aujourd’hui, on n’ose calculer ! Les Ségur garderont jusqu’en 1963 la totalité des parts de la Société Civile* du Vignoble de Château Latour qui se constitua en 1842 et qui perdure aujourd’hui.  Château Latour fut vendu aux groupes britanniques Pearson et Harveys of Bristol et revendu en 1989 à un autre groupe britannique Allied-Lyons. En 1993, François Pinault via sa holding personnelle Artemis se portait acquéreur de la majorité des parts de Château Latour.

*La société civile s’était constituée à la suite des héritages successifs qui avaient multiplié le nombre des copropriétaires.

Sous la férule de François Pinault*

…et celle de Frédéric Engerer évidemment, le gérant du château. En quelques années fut entrepris la rénovation totale des chais, du cuvier, des systèmes de vinification et des zones de stockage. Une nouvelle salle de dégustation a vu le jour. 66 personnes travaillent dorénavant au château. Le résultat est plus que probant : diminution voire raréfaction du grand vin, développement du second vin (les Forts de Latour), une qualité exceptionnelle et une annonce qui a fait l’effet d’un bombe !

Retrait du marché des primeurs

L’annonce vient du château, elle est laconique : à partir du millésime 2012, nos vins seront mis en marché au moment où nous estimerons qu’ils sont prêts à boire, et non plus comme ces dernières années en primeur. Par son retrait du système de vente en primeur avec le négoce, une spécificité à Bordeaux respectée jusque là par l’ensemble des propriétaires, château Latour mettait le feu aux poudres. L’argumentation est imparable : comment accepter que des caisses vendues tôt changent vingt fois de mains avant d’être bues ? Nos vins seront mis en marché prêts à boire. On les consomme souvent trop jeunes et Latour a vocation à vieillir. Le millésime 2012 sera par exemple disponible vers 2018 ou 2020, en fonction de ses caractéristiques. Et comment accepter qu’un Château Latour 2008 soit vendu en primeur 150 € la bouteille alors que celle-ci se négocie 4 ans plus tard 800 € auprès des consommateurs ?

François Pinault vigneron

Faut-il rappeler que François Pinault possède Christie’s chargée de la célèbre vente annuelle des Hospices de Beaune ; qu’il a acheté le domaine Engel à Vosne-Romanée en Côte de Nuits, qu’il est l’heureux propriétaire via sa holding Artemis de château Grillet, appellation monopole en Côtes du Rhône et qu’il s’est accaparé en 2012 d’une ouvrée (4,28 ares) du château de Puligny-Montrachet en Côte de Beaune sans oublier qu’il s’était déjà porté acquéreur de 2 ouvrées de Grand Cru Bâtard-montrachet.

*Voir le portrait de François Pinault 2016

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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