Recevez les articles de Dico-du-Vin.com

Pas de SPAM, pas de revente d’adresses !

Le Jura viticole aux six appellations

Jura millésime 2021, annus horribilis !

Après une très belle série de bons millésimes, 2016, 2017, 2018 (grand millésime) et 2019 le Jura considère 2021, comme son « annus horribilis ». Une année marquée par une avalanche de calamités climatiques ! Du jamais vu ! D’abord cette vague de gel de début avril faisant 70 % de dégâts. Puis, un printemps et un été pluvieux ponctué de grêle entrainant une forte contamination de mildiou sur le vignoble. Enfin, à quelques semaines des vendanges, une attaque d’oïdium (autre maladie cryptogamique) ainsi que des foyers de botrytis sur certains secteurs. Résultat : un millésime 2021 tardif (des vendanges autour du 20 septembre, un mois plus tard que 2020) et moins généreux, avec des vendanges très compliquées. Seulement 1/5 du potentiel pourrait être récolté. Pour rappel, les producteurs de l’appellation Château Chalon (vin jaune) ont préféré renoncer à l’appellation quand la récolte ne leur paraissait pas satisfaisante comme en 1974, 1980, 1984 et 2001.

Vignoble jurassien entre Château-Chalon et Voiteur (Photo Stéphane Godin/Jura Tourisme)

Le jura entre la Bourgogne et la Suisse

Le Jura viticole se situe à mi-chemin entre la Bourgogne et la Suisse. Il est parallèle à la Côte-d’Or. Ce vignoble jurassien, autrefois appelé « Bon Pays », occupe les reliefs marginaux du Jura et la bordure orientale du fossé bressan sur 1 850 ha. Il s’étire sur 100 km, de Salins-les-Bains jusqu’à Saint-Amour, traversant du nord au sud tout le département du Jura. La diversité est sans doute ce qui caractérise le mieux ce vignoble aux cinq cépages et six appellations (Arbois, Château-Chalon, l’Etoile, Côtes du Jura, Macvin du Jura, Crémant du Jura). Le Jura a pour lui de posséder deux trésors mondialement connus : le vin jaune, très sec. Il en a l’exclusivité mondiale (3,5 % de la production jurassienne). Et le vin de paille, très liquoreux, devenu aujourd’hui trop rare.

Enfin, quel paradoxe ! Le Jura est confronté à un déficit de production, notamment de ses meilleures cuvées très appréciées des amateurs devenus au fil du temps, de plus en plus nombreux.

Carte du Jura viticole (cartographie Alexandre Godin www.le-cartographe.net)

Le Jura aux cinq cépages

Ploussard de Feule 2020 du domaine Désiré Petit est issu du plus beau coteau de Pupillin, La côte de Feule. Les sols de cette parcelle sont travaillés mécaniquement. Ce ploussard n’est ni sulfité, ni chaptalisé, ni levuré ! C’est un vin naturel.

La vigne occupe les coteaux, irréguliers, mais bien exposés, situés entre 200 et 500 m d’altitude. L’essentiel du sous-sol est constitué d’argile et de calcaires coiffant le haut des pentes. L’encépagement marque son adaptation à ce type de terrain et sa résistance à des hivers quasi sibériens. Se pratique la taille en courgée, sur de longs bois arqués qui écartent le plus possible le raisin de l’humidité du sol. Pour les blancs, seul le savagnin est utilisé dans les vins jaunes. C’est un cépage tardif qui se vendange jusqu’aux premiers froids. Le chardonnay, appelé melon d’Arbois, est souvent assemblé avec le poulsard et le savagnin. Quant aux rouges, si le pinot noir, appelé gros noirien, est très présent, il s’ajoute aux deux cépages traditionnels du Jura. En premier, le poulsard (ou plant d’Arbois), il représente 80 % de l’encépagement rouge et donne des vins peu colorés. Il est suivi du trousseau, cépage rouge vigoureux et productif. Il renforce la qualité des vins par sa puissance tannique.

Le poulsard, cépage vedette

On l’appelle aussi ploussard à Arbois et à Pupillin. Ce cépage vedette typiquement jurassien s’est développé ici dès le XVe siècle. Il apprécie ces terres fortes, marneuses ou argileuses, avec une préférence pour les marnes du lias (jurassique inférieur). Il occupe près de 25 % de la surface plantée et 80 % de l’encépagement en rouge du Jura. Ses grappes sont peu serrées mais volumineuses. Ses grains à jus blanc, à la pellicule nuancée de violet et de noir, sont assez gras, sucrés et juteux. Ses feuilles sont très découpées. Il donne seul ou en assemblage (avec le trousseau et le pinot noir) les fameux Rubis du Jura, vins ronds et charpentés au nez de petits fruits rouges évoluant vers des notes épicées et de sous-bois. Des vins de bonne garde !

Les 6 appellations AOP du Jura

Le Jura bénéficie de quatre appellations « géographiques » : Arbois, Château-Chalon, l’Étoile et Côtes du Jura et de trois AOC « produits » : Macvin du Jura, Crémant du Jura et Marc du Jura.

Arbois (vins rouges, rosés et blancs). Arbois est la capitale des vins du Jura et la première à avoir reçu une AOC dans le Jura en 1936. Cette appellation est répartie sur 12 communes avec un total de 766 ha. Les cinq cépages autorisés dans le Jura peuvent prétendre à l’AOC Arbois qui produit environ 70 % des vins rouges jurassiens et 30 % des blancs.

Château-Chalon (Vin jaune). Sur une imposante falaise qui surplombe la campagne, Château-Chalon est l’un des Plus Beaux Villages de France. Il ne produit que du vin jaune, sur un territoire très restreint de 60 ha ; un vignoble de très grande qualité où les contrôles sont encore plus nombreux que partout ailleurs.

Côtes du Jura. (Vins rouges, rosés et blancs). C’est l’appellation la plus répandue à travers de nombreux terroirs. Elle s’étend de Salins-les-Bains au nord à Saint-Amour au sud. Les Côtes du Jura regroupent aujourd’hui 105 communes sur une superficie totale de 551 ha en vignes (Arlay, Beaufort, Buvilly, Gevingey, Lavigny, Mantry, Passenans, Poligny, Rotalier, Saint-Lothain, Toulouse-le-Château, Le Vernois, Vincelles et Voiteur). Même si tous les produits jurassiens sont élaborés dans l’AOC Côtes du Jura, c’est la production de blancs et de Crémant du Jura qui prédomine. Il s’agit de la deuxième AOC jurassienne.

L’Etoile. (Vin blanc sec, vin de paille, vin jaune). Ce village, à l’est de Lons-le-Saunier, s’appelle ainsi (Étoile) pour deux raisons. Il est entouré de cinq collines qui forment les pointes d’une étoile. Mais c’est aussi dû à la présence de pentacrinus, petites étoiles de mer qui se sont fossilisées et qu’on retrouve en abondance dans les rangées de vignes. L’encépagement est à majorité chardonnay mais aussi savagnin et dans des proportions moindres, poulsard, notamment pour l’élaboration du vin de paille. Cette appellation s’étend sur 67 ha.

Macvin du Jura : vin de liqueur ou mistelle, fruit de l’assemblage de moût et de marc de raisin du Jura. Il bénéficie d’une AOC depuis 1991. Il représente 5 % de la production totale AOC jurassienne. Il peut être blanc ou rouge bien que la plupart des vignerons le produisent blanc. L’eau de vie de marc utilisée pour sa fabrication est obtenue par la distillation du marc du Jura. Elle doit rester au moins 18 mois en fûts de chêne avant l’élaboration du Macvin du Jura.

Crémant du Jura. Son aire d’appellation se superpose à celle des Côtes du Jura, d’Arbois, de Château-Chalon et de l’Etoile. Les cépages autorisés sont le poulsard, le pinot noir, le trousseau, le chardonnay et le savagnin. Pour les vins blancs, le volume issu des cépages chardonnay, pinot noir et trousseau doit être supérieur ou égal à 70 % de la cuvée. Pour les vins rosés, le volume issu des cépages noirs ou gris est supérieur ou égal à 50 % de la cuvée.

Une notoriété forgée par les blancs

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le Jura produisait essentiellement des vins rouges. C’est pourtant grâce aux vins blancs que le Jura s’est forgé la notoriété qu’on lui connaît. Aujourd’hui, les Côtes-du-Jura produisent deux fois plus de blancs que de rouges alors qu’en Arbois, les rouges dominent largement ! Les cinq coopératives représentent en volume 24 % de la production. Elles regroupent 400 ha. Les producteurs indépendants vinifient 37 % de la production, sans oublier une multitude de petites exploitations dépassant guère l’hectare qui vendent leur récolte ou qui la conserve pour leur consommation personnelle. Enfin, les maisons de négoce représentent 39 % de la production. Elles possèdent toutes une activité de négociants-vinificateurs et éleveurs.

Vin jaune et vin de paille typiquement jurassiens et mondialement connus

Vin jaune, capitale Château-Chalon. Le vin jaune n’est produit que sous quatre appellations : Arbois, L’Étoile, Côtes du Jura et surtout Château-Chalon qui lui est entièrement consacrée. Voici sans doute l’un des plus beaux villages viticoles de France, ancré sur son pic rocheux dominant la vallée de Baume-les-Messieurs et la Bresse. Château-Chalon ne possède qu’un minuscule vignoble d’une cinquantaine d’hectares, mais quel vignoble ! Pour atteindre la perfection, les contrôles sont permanents et drastiques aussi bien sur la vigne que par des tests à l’aveugle avant la commercialisation. Pour preuve, les récoltes 1974, 1980, 1984 et 2001 furent tout simplement déclassées.

Le savagnin, unique cépage

C’est lui, le savagnin qui, après un élevage impitoyable, offre à Château-Chalon ce vin hors norme et en tous points exceptionnel. Il fait partie de Grands Crus connus dans le monde entier ! À Château-Chalon, il est cueilli très tard, après la Toussaint, au bout d’une longue période de surmaturation sur pied, ce qui lui vaut I surnom de « vin de gelée ».

Le goût de jaune

II doit également ses remarquables qualités à son sol, des marnes bleues et noires, d’où il tire la forte amertume qui le caractérise, mais aussi à l’extrême complexité de son élaboration qui lui apporte virilité, puissance caractère. À Château-Chalon, après avoir été vinifié, le savagnin va séjourner sept ou huit ans en fût sans aucun ouillage. Les fûts ne sont jamais neufs, souvent récupérés en Bourgogne. C’est pendant cette longue période probatoire que se développe une fameuse levure appelée « saccharomyces cerivisiae » de type « bayanus ». L’une de ses fonctions est de recouvrir le vin d’un voile protecteur pour éviter toute oxydation. Alors, à force de variations de température entre le jour et la nuit, entre les saisons (de 8° en hiver à 15° en été) qui favorisent un bon élevage se dégagera (sauf incident) le fameux « goût de jaune », II s’agit tout à la fois d’un subtil mélange de noix, de noisette, de fruits secs, de coing et d’une infinie longueur en bouche. Ce vin jaune, capiteux et aromatique, qui titre de 12 à 15° est vendu en bouteilles spéciales de 62 cl appelées « clavelins ».

Vin jaune. À Château-Chalon, après avoir été vinifié, le savagnin va séjourner sept ou huit ans en fût sans aucun ouillage. Les fûts ne sont jamais neufs, souvent récupérés en Bourgogne (Photo Stéphane Godin/Jura Tourisme)

Le vin de paille

II est le fruit d’une vendange tardive. Les raisins blancs (en général chardonnay, savagnin et poulsard) autrefois posés sur de la paille sont maintenant installés sur des claies dans un local aéré. Au bout de 3 à 4 mois, les grappes perdent environ 50 % de leur poids et le sucre s’y concentre. Après le pressurage* et une fermentation très lente de 3 à 4 ans en petits fûts, on obtient un vin liquoreux titrant 18° minimum et commercialisé en bouteille de 32,5 cl, capable comme le vin jaune de se conserver indéfiniment.

En pleine renaissance

Le vin de paille est un vin rare en raison de ses contraintes d’élaboration très strictes. Il est sans doute l’un des plus grands vins liquoreux du monde. Pourtant, il faillit disparaître au XXe siècle. Actuellement cet ancien « vin des malades » est en pleine renaissance. Il ne représente encore que 1 % de la production totale des vins du Jura soit 300000 bouteilles de 32 cl par an. Arlay (Jura) est la capitale autoproclamée du vin de paille dont elle organise chaque année « la pressée ».

Vin de paille. Près de 100 kg de raisin ne produisent que 12 litres, ce qui en fait un vin rare et confidentiel (Photo DR)

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

Table des matières

Voir aussi

Nos derniers articles

Voir aussi

Autres articles qui pourraient vous intéresser