Au Château d’Arlay, 2021, année de passation ! Une génération succède à une autre. Alain et Anne de Laguiche viennent de transmettre le flambeau du domaine à leur fils, Pierre-Armand. Pour ce château mythique, c’est une continuité qui se perd dans la nuit des temps !
Arlay en Franche-Comté
Arlay, en Franche-Comté, non loin des contreforts jurassiens et en bordure de la Bresse, se situe au cœur même du vignoble jurassien. Lons-le-Saunier n’est qu’à 12 km plus au nord, à mi-chemin entre la Bourgogne et la Suisse. Ce gros village dominé par son château, le célèbre château des princes d’Arlay aux douze siècles d’histoire voit ses vignes descendre en pente douce depuis les remparts de l’ancienne forteresse médiévale jusqu’aux premières maisons.
Certaines parcelles taillées en lyre
Aujourd’hui, le domaine regroupe un vignoble de 21 ha qui a pris le virage de l’agriculture biologique dès 2011 ; un vignoble qui bénéficie d’un terroir exceptionnel, d’une géologie riche en calcaires à fossiles et en marnes (Lias inférieur) ainsi qu’une exposition plein sud tout en étant protégé des vents du nord. Il est planté de vieilles vignes, trousseau, poulsard, chardonnay, savagnin et pinot noir dont certaines parcelles sont taillées en lyre. Le pinot noir, cépage bourguignon a ainsi les pieds qui puisent dans les marnes grises du Jura tout en étant recouvert des calcaires de Bourgogne. Implanté au XVe siècle, ce cépage excelle sur les terres d’Arlay, occupant 47 % du vignoble. Il offre au Jura son meilleur vin rouge.
Le Château d’Arlay, le plus ancien château viticole de France
Constitué dès le IXe siècle en tant que demeure seigneuriale dotée d’un vignoble, Château d’Arlay est sûrement le plus ancien Château viticole de France voire du monde. De plus, voici un prestigieux domaine qui n’a depuis le XIe siècle jamais été vendu mais toujours été transmis par héritage légitime. Le château, classé monument historique, qui offre une vue splendide sur le Revermont et la Bresse date du XVIIIe siècle. Il est dû à la comtesse de Lauraguais et fut réaménagé en 1830 par le prince d’Arenberg. Il est aujourd’hui habité par la famille des derniers héritiers, les Laguiche.
Des vignes royales
Au XVe siècle, la lignée des comtes de Chalon-Arlay dont les terres sont en marge du Saint Empire romain germanique voit sa puissance renforcée par l’exploitation du sel (Lons-le-Saunier, Salins-les-Bains). Elle prend alors par mariage le titre de prince d’Orange et, au XVIe siècle, par héritages et testament, entre dans le giron de Guillaume de Nassau, ancêtre à la fois de la famille royale d’Angleterre et de celle des Pays-Bas. D’ailleurs, parmi ses nombreux titres, le roi de Hollande est encore aujourd’hui « Baron van Arlay ». Plus tard, Château d’Arlay deviendra vigne royale d’Angleterre, d’Espagne, de France puis au XIXe siècle, vigne de S.A.S le prince A. d’Arenberg et, au XXe siècle, celle du comte R.-j. de Vogüe.
Des vins légendaires
Ce Château dont les vignes remontent au Haut Moyen Âge a acquis une réputation mondiale grâce à des vins devenus légendaires. Ainsi le « vin corail », une spécialité du domaine, est obtenu par macération et non par saignée des cinq cépages du Château, suivie d’un élevage de 3 ans en vieux fûts. Mais le Château est mondialement connu pour ses remarquables vins jaunes et vins de paille. Le « vin jaune » est élevé près de 7 ans en fûts, laissés en vidange par évaporation naturelle, sans ouillage, ni soutirage, ni sulfitage « sous un voile « de levures indigènes. Le moindre défaut est systématiquement écarté. Il n’y a qu’une seule mise en bouteille par millésime, variant de 5 000 à 8 000 bouteilles. Quant au « vin de paille », il est tout simplement considéré comme l’un des meilleurs vins moelleux du monde. Sans en avoir le titre, Château d’Arlay est un véritable « Grand Cru » de l’appellation Côtes du Jura dont la production est exportée dans le monde entier.
Chez les Laguiche, c’est aujourd’hui au tour de Pierre-Armand
Depuis 1960, le comte Renaud de Laguiche avait entrepris de créer une entreprise viticole de renom international. Après son fils Alain et sa femme, Anne (co-gérante), c’est aujourd’hui depuis début 2021, le tour de son petit-fils, Pierre-Armand à prendre le relais. Tous les efforts de la famille se sont portés sur une conduite moderne des vinifications, suivie par un élevage traditionnel en fûts dans les magnifiques caves voûtées du château. On voue chez les Laguiche, une fascination au vin jaune et à son mystère. Pour eux, c’est un des plus grands vins du monde doté par son exceptionnelle persistance d’une très grande aptitude à vieillir (un siècle et au-delà). En toute modestie (légende ou pas), doit-on rappeler que c’est un de leurs aïeux, un comte de Chalon d’Arlay qui aurait rapporté d’une croisade un nouveau cépage, le savagnin. Il offrait au Jura son vin le plus singulier. Un vin au goût à nul autre pareil qui se marie à merveille avec la gastronomie locale (volaille aux morilles, fromage de Comté …). Le vin jaune a surtout su transcender la grande cuisine avec des mariages époustouflants : caviar, oursons, curry, canard à l’orange, sushis japonais, fromages affinés de montagne … jusqu’au chocolat. Pas étonnant que la renommée de tels vins se soit établie aujourd’hui sur les cinq continents !
Le vin jaune, façon Château d’Arlay
Le vin jaune, vin sec et puissant aux arômes oxydatifs de noix est obtenu à partir du cépage local savagnin. Il est issu de vieilles vignes des années 1950 à faible rendements et élevé près de 7 années en fût de chêne sans ouillage. C’est cette absence d’ouillage qui laisse apparaitre un voile de levures naturelles caractéristiques, conférant une saveur unique au vin.
Ces cuvées de vin jaune « mélomanes » appelées Protéodies.
Voici une expérimentation très originale (depuis le millésime 2012) menée par le domaine ! Elle consiste à stimuler le vin par des ondes sonores. Ainsi, certains des fûts du Château destinés à l’élaboration du vin jaune sont élevés en musique, plus exactement, on les stimule par diffusion d’ondes sonores, deux fois 10 mn par jour. Cela va durer un mois dès que le vin est entonné et avant la formation du voile. Après, suivra le silence de la cave pendant sept longues années. A la dégustation, les cuvées Protéodies* qui portent sur l’étiquette une clé de sol, ont développées un voile plus vivant et épais, favorisant l’apparition d’arômes typiques beaucoup plus marqués. Aujourd’hui, ce procédé de musicothérapie est utilisé en France chez quelques vignerons comme chez le voisin, Stéphane Tissot dans le Jura, pionnier des vins sans sulfites ajoutés (le vin nature) à Montigny-lès-Arsures ou bien à La Romanée Conti en Bourgogne. Chez Michel Loriot en Champagne ou au domaine Jessiaume en Bourgogne (à Santenay, en Côte de Beaune), ce procédé est utilisé en caves comme assistant-vinificateur.
*La Protéodie (mot associant protéine et mélodie) fut brevetée en 2013 par Joël Sternheimer, chercheur en physique théorique et musicien. Cette technique repose sur une transcription des chaînes d’acides aminés constituant les protéines en une séquence musicale. Ainsi, chaque acide aminé correspond à une note, ce qui donne une fréquence ondulatoire intervenant sur la synthèse des protéines. Résultat : une stimulation des défenses immunitaires de la vigne l’aidant à mieux résister aux maladies du bois mais aussi au mildiou. On constate aussi une meilleure protection contre le gel de printemps et la sécheresse estivale tout en favorisant croissance et rendement.
La Percée du Vin jaune annulée en 2021 est reportée à 2022. Rendez-vous à Cramans (39600) les 5 et 6 février 2022. Si les vins jaunes 2014 sont sortis des barriques partout ailleurs, le Château d’Arlay embouteillait seulement son 2012, cette fameuse première cuvée baptisée Protéodie.