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Mildiou (maladie de la vigne) et ses conséquences

Le mildiou* est l’une des principales maladies de la vigne qui occasionne chaque année d’énormes dégâts nécessitant dans tous les cas plusieurs traitements fongicides (entre 5 et 10 traitements par an). On traite avec des cadences resserrées, en fonction de la fréquence des précipitations (en règle générale tous les 10 jours). Originaire d’Amérique, le mildiou est présent partout dans le monde où la vigne est cultivée et où les conditions climatiques sont favorables.

* Francisation phonétique de l’anglais downy mildew qui évoque la substance collante sécrétée par les pucerons.

Le mildiou
Les attaques du mildiou se manifestent par l’apparition de plages colorées, jaunâtre et d’aspect huileux sur la face supérieure de la feuille avant de voir la formation d’un duvet blanc
© Vadym Zaitsev / 123RF

2016, une attaque historique

Ludivine Griveau
Ludivine Griveau, Régisseur du Domaine Viticole des Hospices de Beaune : une attaque historique (Photo FC)

2016 (après 2007, 2008 et 2012) annus horribilis ! Elle a vu ce fléau s’abattre sur le vignoble d’une manière particulièrement virulente. Certaines zones ont connu cette année là gel, grêle, orages et déluge de pluie (avec 80 à 92 % de pluie en excédent de mai à juin notamment en Bourgogne) rendant la vigne partout plus fragiles. Un terrain oh combien propice au mildiou ! Une année où le moindre défaut de pulvérisation ou le moindre trou dans les cadences ne pardonna pas. En Bourgogne, Ludivine Griveau, Régisseur du Domaine Viticole des Hospices de Beaune parle d’une attaque historique avec feuilles et inflorescences touchées. Contre le mildiou, en lutte raisonnée et réfléchie, il fallut réagir à temps parcelle par parcelle (117 aux Hospices de Beaune) avec parfois bien des difficultés pour y pénétrer. Beaucoup affichèrent en Bourgogne et ailleurs une cadence de traitement jusqu’à 20 passages. 12 lui suffirent, les 3 premiers et les 3 derniers en traitement bio, les 6 intermédiaires en produits de synthèse. Pari gagné pour Ludivine Griveau, pas de mildiou sur les grappes ! La vigne a témoigné d’une incroyable résistance suivie il est vrai par un été particulièrement sec. Résultat, un millésime à rebondissements pour ne pas dire un grand millésime en devenir (pour les blancs et les rouges).

En bio, contre le mildiou, un choix cornélien, cuivre ou pas cuivre ! 

Choix cornélien ! Beaucoup de viticulteurs convertis au bio durent se résigner à traiter chimiquement leurs vignes. Même l’incontournable cuivre fongicide autorisé en bio* qui apporte pourtant une couverture efficace contre le mildiou se révéla insuffisant. Il fallut dans l’urgence une fois que la maladie se portait sur les grappes, utiliser des produits de synthèse avec pour conséquence, la perte de la certification bio. Beaucoup donc s’attendent à perdre, pour le millésime 2016, leur certification sachant qu’il faut trois ans d’attente pour la récupérer.

* Depuis 2002, la réglementation européenne limite l’usage du cuivre à 6 kg/ha/an avec un lissage possible sur 5 ans (en cumulé sur 5 ans, cela fait 30 kg de Cu métal/ha). Les produits utilisés contre le mildiou en viticulture biologique sont : le cuivrol (intéressant en début de saison, contient des oligo-éléments, classé parmi les engrais foliaires), la bouillie bordelaise, les hydroxydes de cuivre (Héliocuivre).

A l’origine, une algue-champignon microscopique

Le mildiou (Plasmopara viticola) a pour agent pathogène, les oomycètes, algues-champignons microscopiques qui appartiennent au groupe des stramenopiles* (regroupant également les algues brunes), des algues ayant perdu la capacité de faire la photosynthèse. Elles sont responsables du mildiou de la vigne aux épidémies potentiellement fulgurantes ; une maladie qui se développe sur tous les organes verts : rameaux, feuilles, grappes, vrilles. Elle infecte la plupart des espèces du genre Vitis. Les cultivars de l’espèce vinifera y sont très sensibles alors que les espèces sauvages y sont relativement résistantes.

Tous les oomycètes (anciennement classés avec les champignons), sont des micro-organismes aquatiques proches des algues brunes qui parasitent entre autres la vigne mais aussi les animaux. Ils ne sont pas au sens strict des champignons.

*Au sein du groupe des stramenopiles, il existe d’après l’INRA : environ 800 espèces saprophytes (micro-organisme vivant aux dépens des matières organiques) ou parasites d’oomycètes. Ces derniers ont longtemps été classés dans les phycomycètes ou « champignons inférieurs » (eumycètes). Cette classification a été révisée il y a quelques années car leur ultra structure, leur biochimie et leurs séquences moléculaires indiquaient qu’ils appartenaient à un groupe d’organismes incluant surtout des algues (vertes et brunes), des diatomées (micro-algues unicellulaires). Source  INRA : http://ephytia.inra.fr/fr/C/6094/Vigne-Mildiou-Plasmopara-viticola

Les conditions de son développement

Les oomycètes, agent pathogène du mildiou, se conservent en hiver sous forme d’œufs (ou oospores) dans les feuilles mortes tombées à terre, au niveau des parties nécrosées. Au printemps, ces oospores germent dès que les conditions d’humidité sont favorables et que la température atteint 11°c. Cette germination donne naissance à des macroconidies (spores issues de la multiplication végétative) qui émettent elles-mêmes de nombreuses spores. Ces dernières, après formation de filaments mycéliens capables de pénétrer entre les cellules du tissu foliaire, provoquent la contamination primaire avec ensuite, une phase de propagation explosive de la maladie.

Un champignon tueur d’oomycètes, un espoir pour lutter contre le mildiou

Aurait-on trouvé un champignon mortel pour les oomycètes, comme possible agent de biocontrôle ? Un champignon qui inhibe la croissance des oomycètes. Plus encore, il possède des propriétés oomycides efficaces sur tous les oomycètes étudiés, quelle que soit leur nature et leur hôte végétal ou animal.  Ce champignon miracle pourrait ainsi constituer une alternative naturelle aux produits phytosanitaires actuellement utilisés et renforcer l’arsenal des produits de biocontrôle.

Cette découverte majeure est due aux chercheurs de l’Institut Sophia Agrobiotech du centre Inra PACA. Ils ont découvert qu’une souche particulière d’un champignon est en mesure de bloquer le développement des oomycètes, parasites de plantes à l’instar de la vigne, à l’origine de maladies particulièrement dévastatrices comme le mildiou. La molécule produite par ce champignon résulte d’un mécanisme de défense propre au champignon. Elle offre une piste sérieuse pour être utilisée comme une solution de biocontrôle alternative à des traitements chimiques.

Près de 140 ans de lutte contre le mildiou

Se rend-t-on compte qu’en1893, le mildiou avait cette année là anéanti 50 % de la récolte. Sa première apparition en France date de 1878. Depuis, le mildiou constitue une menace pour le vignoble français. Le premier foyer de mildiou fut détecté près de Libourne. Jusqu’en 1892, les dégâts occasionnés furent relativement peu importants. Ce n’est qu’en 1893 que les dégâts causés par le mildiou eurent l’ampleur d’une catastrophe nationale avec 50 % de la récolte anéantie. Dès lors, années à mildiou et années sans mildiou se succédèrent selon les conditions climatiques avec un leitmotiv : le mildiou aime les années humides, le mildiou n’aime pas le beau temps.

Mildiou
Cycle sur une année des attaques du mildiou

Les dégâts du mildiou

Le mildiou peut causer des dommages directs à la vigne en provoquant la déformation des pousses, des vrilles et des grappes ou en provoquant la chute prématurée des feuilles, ce qui retarde le mûrissement des fruits et augmente la vulnérabilité de la vigne après les blessures dues à l’hiver. Heureusement, de nos jours, la biologie de ce champignon-algue est de mieux en mieux connue et des outils adaptés permettent de proposer une protection, efficace et moins consommatrice de produits phytosanitaires (voir plus bas).

  • Aux stades du débourrement et de la préfloraison : pendant les périodes prolongées de pluie, par temps frais (11-24 °C), les lésions de mildiou apparaissent sous forme de petites taches jaune verdâtre sur la face supérieure de la feuille. De nombreuses lésions se fondent pour former des zones tachetées de brun. Sur le revers des feuilles, se forme un feutre blanc duveteux. Les feuilles gravement infectées peuvent se rider, s’enrouler, puis tomber au sol.
  • Au moment de la préfloraison : une fois infectées, les jeunes pousses et les grappes deviennent souvent rabougries et tordues. Le tissu atteint blanchit à cause de la sporulation et se vrille ou se tord en tire-bouchon. Les grappes et les pousses gravement infectées finissent habituellement par se rider et dépérir.
  • Après la floraison : des spores provenant des pousses et des feuilles à proximité peuvent être projetés sur des grains au moment où le fruit n’est pas plus gros qu’un pois. Les jeunes grains deviennent brun clair, ramollissent, puis s’égrènent ou se détachent facilement de la rafle. Les grappes fortement infectées sont recouvertes d’une sporulation blanchâtre et sont tordues en tire-bouchon, une caractéristique de la maladie.
  • En fin de saison : les feuilles infectées par le mildiou comportent souvent de nombreuses lésions et tombent prématurément. Le fruit exposé peut souffrir d’échaudage et ne pas parvenir à maturité normalement. Les grains infectés ne ramollissent pas et ne se couvrent pas d’un feutre mycélien. Ils prennent plutôt une coloration de vert terne à pourpre brunâtre et restent fermes. Le fruit infecté peut se rider et s’égrener, ce qui donne à la grappe un aspect clairsemé.

    Mildiou
    Les attaques de mildiou peuvent survenir dès le début de la floraison. La rafle prend alors une couleur brunâtre et se déforme en crosse. Les inflorescences se dessèchent et tombent (crédit photo : Christelle Stef)

Comment traiter le mildiou ?

Mais d’abord imaginons l’avenir avec de nouveaux cépages résistants au mildiou (regent, prior et bronner) qui vont être mis sur le marché. Attention cependant ! En comparant l’agressivité de différentes populations de mildiou, des chercheurs de l’Inra montrent que le mildiou est capable de s’adapter en quelques années à ces cépages, diminuant ainsi l’efficacité de leurs résistances (érosion). Elle est calculée par rapport à un cépage sensible comme le cabernet sauvignon sur la base de la sporulation du mildiou, un paramètre majeur dans la dissémination de la maladie.

La bouillie bordelaise, le remède miracle !

Au départ, une première parade fut trouvée grâce à la bouillie bordelaise, le plus ancien des fongicides de contact anti-mildiou. Contrairement à l’oïdium qui se développe à l’extérieur de la vigne en la recouvrant de mycélium, le mildiou vit à l’intérieur des tissus de la plante. Seul traitement efficace, le sulfate de cuivre. Celui-ci, employé seul, brûle les feuilles de la vigne. Pour neutraliser son acidité, ou la diminuer, on mélange le sulfate de cuivre avec une base, généralement de la chaux ou du carbonate de soude, ce qui forme une sorte de bouillie. La fameuse bouillie bordelaise n’est autre que ce mélange de sulfate de cuivre, de chaux grasse et d’eau à la différence de la bouillie bourguignonne qui remplace la chaux par du carbonate de soude.

Trois traitements au moins sont nécessaires

  • Lorsque les pousses ont atteint 10 à 15 cm,
  • Aussitôt après la floraison,
  • Au commencement de la véraison.

On peut aussi sulfater une quatrième fois au mois d’août, ce qui permet de conserver les feuilles jusqu’au bout pour favoriser un bon mûrissement. Si la saison est humide, il faut sulfater presque chaque semaine, et l’on peut arriver au total de 7 ou 10 sulfatages dans l’année.

Contre le mildiou et l’oïdium, le bicarbonate de sodium !

D’autres traitements plus écologiques existent, tels le romarin à cinéole, une huile essentielle qui donne de bons résultats (20 gouttes pour 5 litre d’eau). Mais surtout le bicarbonate de soude (2 à 3 grammes par litre d’eau) à vaporiser sur les feuilles, aurait un effet fongicide pouvant se révéler efficace sur un début de mildiou. Aux États-Unis, Kenneth Horst de l’université de Cornell a d’ailleurs observé que le bicarbonate de sodium causait des dommages sur les parois des spores de l’oïdium, parvenant à la mort des cellules.

Les mesures prophylactiques pour lutter contre le mildiou

Le vigneron doit par tous les moyens réduire les conditions favorables à la formation de foyers primaires par la suppression des zones humide, lieu d’où se propage en général la maladie ; l’épamprage* précoce pour éliminer les feuilles basses, la destruction des jeunes plantes issues de semis naturels ; le palissage et rognage doivent être soignés.

*L’élimination de tous les rejets et pampres à la base des souches est une mesure prophylactique essentielle pour limiter le développement du mildiou. En effet, lors des pluies contaminatrices, les œufs d’hiver qui ont germé sont projetés sur la vigne. L’épamprage permet donc de limiter l’installation des foyers primaires à la base des ceps qui participent au développement de l’épidémie.

Mildiou
Epamprer la vigne pour limiter l’impact des foyers primaires du mildiou

La lutte chimique en dernier recours

Le marché des anti-mildious est important. Le nombre de traitement est bien entendu en relation avec l’importance et la fréquence des précipitations. N’oublions pas que la pression épidémique a souvent été importante ces dernières années et notamment en 2016. Mais malheureusement la lutte chimique est aujourd’hui encore, le seul moyen efficace comme mesure essentiellement préventive contre le mildiou. Ainsi, en appliquant un fongicide sur les organes sains avant toute contamination (même si certains produits ont une action curative), il est possible de se prévenir de la maladie. Le nombre et l’époque des traitements sont déterminés par les caractéristiques des produits et l’estimation du risque de contamination. Pour cette lutte, les viticulteurs disposent aujourd’hui de trois grandes familles de produits :

  • Les produits de contacts : ils sont appelé contact car ils se déposent sur les feuilles. Avec leur action préventive, cette famille se compose de produits minéraux tel le cuivre et de produits organiques de synthèse tel le mancozebe et le folpel. Les produits de contact ont cependant deux inconvénients majeurs : ils sont lessivables, c’est à dire qu’ils disparaissent quand il pleut plus de 20 mm et leur durée d’action n’excède pas 8 jours.
  • Les produits pénétrants : ces produits, comme leur noms l’indique, entrent et se positionnent à l’intérieur des feuilles, ce qui les met ainsi à l’abri du lessivage. Dans cette famille de produits, on trouve entre autre le diméthomorphe et le cymoxanil.
  • Les produits systémiques : dans cette famille, on trouve des matières actives comme le phoséthyl-aluminium ou le métalaxyl. Ces types de produit pénètrent eux aussi dans les feuilles et sont donc à l’abri du lessivage mais contrairement au produits pénétrants, ils circulent dans la sève ce qui permet de protéger les jeunes pousses. Leur persistance d’action est de 12-14 jours.

    Lutte contre le mildiou
    La qualité de pulvérisation est un facteur clé pour lutter efficacement contre le mildiou (depuis 2009, le contrôle des pulvérisateurs est obligatoire tous les 5 ans)

Attention, résistance !

Beaucoup de familles de molécules anti-mildiou sont affectées par des résistances. Il est donc important d’avoir de nouvelles familles pour diversifier le portefeuille des produits anti-mildious de la vigne. On a également besoin de préparations fongicides permettant de gérer correctement les résistances, le cas échéant, c’est-à-dire qui garantissent l’efficacité même en situation dégradée.

Le système EPI (Etat Potentiel d’Infection)

Aujourd’hui la lutte contre le mildiou est modélisée selon le système EPI (Etat Potentiel d’Infection) qui permet de prévoir l’agressivité du mildiou dès la phase hivernale. Complétée par les observations sur le terrain des réseaux de lutte raisonnée, cette prévision offre au vigneron une marge de manœuvre certaine qui lui permet d’affiner sa stratégie afin de ne pas abuser des produits de traitement.

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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