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Mentzelopoulos (Corinne) Château Margaux

19 rue saint vincent de paul 75010 paris
Corinne mentzelopoulos en couverture du Wine Spectator (nov 2014)

Corinne Mentzelopoulos, c’est elle la Dame de Margaux*, celle qui faisait en novembre 2014, la « une » du Wine Spectator. Un majestueux château au milieu des vignes, une architecture néo-palladienne jusqu’aux colonnes ioniques, clin d’œil prémonitoire à un père venu de Patras ! Est-elle devenue la deus ex machina d’un vin de légende qu’elle incarne depuis 36 ans ? Cette Corinne Mentzelopoulos, qui ne connaissait rien au vin, a su conquérir les cœurs et l’estime de ses pairs dans le Bordelais. Qui douterait aujourd’hui que millésime après millésime elle ne perpétue pas l’art de l’élégance, de la finesse et de la rigueur, signature de château Margaux ? Cette réussite éclatante, elle la doit à son père, André Mentzelopoulos mort trop tôt en 1980 mais aussi à elle-même qui, à 27 ans s’est vu remettre le plus beau des héritages, un château dans le Médoc. Elle a évité les pièges, tous les pièges, elle s’est construite une stature, elle est infiniment respectée. Faudrait-il ajouter que Corinne Mentzelopoulos occupe la troisième place des fortunes du vin en France avec 630 millions d’€ en 2015, la plaçant derrière Frédéric Rouzaud et sa famille (Champagne Louis Roederer) et Philippe Sereys de Rothshild et ses frères et soeurs, propriétaire du château Mouton-Rothshild à Pauillac.

*Voir Château Margaux

Un hellène dans le Médoc

Joli titre du journal Le monde pour saluer l’arrivée du père de Corinne, André Mentzelopoulos à château Margaux, dans le Médoc. Il avait appris la vente du château dans le Financial Times. Ses colonnes lui rappelaient le Parthénon. Il eut le coup de foudre.  André Mentzelopoulos est né en 1915 en Grèce, à Patras, dans le Péloponnèse, d’un père hôtelier qui n’a de cesse d’enseigner à ses enfants plusieurs langues étrangères afin de réaliser le rêve de tant de Grecs : partir à l’étranger et… faire fortune ! André comble les attentes de son père ; après des études de littérature à Grenoble, il part en Extrême-Orient où, en Birmanie, en Chine, en Inde, au Pakistan enfin, il fait fortune dans l’import-export de céréales. De retour en Europe, il épouse une Française et acquiert, en 1958, la société Félix Potin, maison fondée en 1844 et qui possède 80 épiceries de quartier. André fait de cette société une importante maison de distribution moderne aux 1600 points de vente et au prestigieux patrimoine immobilier à Paris.

Il a fallu deux ans à Pierre et Bernard Ginestet pour vendre Château Margaux et, lorsque André achète la propriété en 1977*, le monde du vin est médusé. Mais en trois ans, cet homme exceptionnel va avec une rapidité presque spectaculaire, rétablir la qualité du vin et la réputation du domaine qui n’était plus que l’ombre de lui même.

*André Mentzelopoulos acheta château Margaux pour 72 millions de francs soit 11 millions d’€.

Château Margaux
Château Margaux au bout de sa majestueuse allée (Photo FC)
Corinne et André Mentzelopoulos son père devant château Margaux en 1980
Corinne et André Mentzelopoulos son père devant château Margaux en 1980

A 27 ans, héritière de Château Margaux

Mais en 1980, André Mentzelopoulos à l’âge de 65 ans est terrassé par une crise cardiaque. Sa mère Laura remariée en 1985 était partie vivre à Londres laissant à Corinne la responsabilité du château et le soin de relever cet immense défi. Rien ne la prédisposait à cet héritage. Après une licence de Lettres Classiques et le diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences-po), elle a débuté comme chef de produits à l’agence Havas. Au décès de son père, elle a déjà intégré le groupe familial comme contrôleur de gestion chez Primistères, la société qui gère les magasins Félix Potin.

Alors Corinne s’y met avec toute l’énergie d’un néophyte. Elle est soutenue par l’équipe de Margaux, dirigée alors par Philippe Barré et par l’œnologue Emile Peynaud. Ce sont eux qui formeront Corinne. Philippe Barré a été recruté par André Mentzelopoulos. Il sait qu’il faut redoubler d’efforts pour ne pas briser la formidable impulsion donnée. En 1983, Paul Pontallier, jeune ingénieur agronome et docteur en œnologie (il a 27 ans) rejoint l’équipe de Margaux. Il en devient son directeur au moment du départ à la retraite de Philippe Barré. Le programme d’investissements défini par André Mentzelopoulos est poursuivi, de sorte que Margaux est prêt à relever un autre défi, celui de l’extraordinaire explosion de la demande pour les vins de Bordeaux à partir de 1982.

Bill Gates à Margaux ?

Très vite, il faut à Corinne Mentzelopoulos après la mort de son père trouver des appuis dans le développement d’un groupe qu’il lui paraît imprudent de gérer seule. En 1983, elle vend Felix Potin et prend une importante participation (qui devint majoritaire) chez Perrier contrôlant alors une bonne partie du marché des eaux minérales en Europe et aux Etats-Unis. Au début des années 1990, un échange de participations est réalisé entre Exor (sa holding) et Ifint, le holding d’investissements internationaux contrôlé par la famille Agnelli et dirigé par Gianni Agnelli, le président des automobiles Fiat. Après la mort du patriarche, le groupe alors en difficulté détient 75 % du capital de Margaux. Corinne Mentzelopoulos, directrice et codétentrice des 25 % restants du capital force la main. Elle réussit à obtenir un accord avec les héritiers en acquérant une participation majoritaire dans Margaux. L’époque fut troublée se rappelle-t-elle. Elle bruissa de rumeurs et de spéculation. Ainsi, parla-t-on de l’intérêt éventuel de Bill Gates, patron de Microsoft, l’homme le plus riche du monde, pour le château. On évoqua l’intérêt également du Duc de Westminster ou du conglomérat AXA Millésimes. Le jour où Corinne Mentzelopoulos devint l’unique actionnaire du domaine, ce fut professionnellement parlant le plus beau jour de sa vie.

Château Margaux
Château Margaux entouré de ses vignes

L’incroyable visite de Hu Jintao vice-président de la République populaire de Chine à Château Margaux

On est en novembre 2001, un voyage officiel d’une délégation chinoise en France. Elle est menée par Hu Jintao qui n’est encore que vice-président de la République populaire de Chine. Il décide à l’improviste de visiter avec toute la délégation le légendaire vignoble de Château Margaux*  : Mais pourquoi êtes-vous venu ici, monsieur le vice-président ? lui demande Corinne Mentzelopoulos. Mais parce que vous êtes tellement célèbre, madame, lui aurait répondu Hu Jintao avant de goûter au millésime 1982. Deux ans plus tard, Hu Jintao était nommé président, il le restera de 2003 à 2013. Depuis, pour les touristes chinois, Château Margaux est devenu un passage obligé et tremper ses lèvres dans un grand millésime du Château, est signe d’un avenir radieux.

*Soyons précis, il commença son périple médocain par une visite  de la Cave Grand Listrac (ouf, les apparences étaient sauves, il s’agit d’une cave coopérative !)

Un directeur d’exploitation débauché par Francis Ford Coppola

Paul Pontallier
Paul Pontallier Directeur Général de château Margaux, un partenariat de plus de 30 ans avec Corinne Mentzelopoulos

Le renforcement de l’équipe de direction du domaine est marquée par l’arrivée, dés 1990, de Philippe Bascaules, ingénieur agronome comme Paul Pontallier et par le recrutement en 2000, d’un responsable recherche et développement avec un seul but : être digne de l’histoire de Margaux tout en progressant sans cesse-dans les moindres détails, pour ne jamais décevoir les amateurs du monde entier. En 2011, le directeur d’exploitation, Philippe Bascaules, présent à Margaux depuis 21 ans était débauché par le réalisateur américain Francis Ford Coppola (Le Parrain, Apocalypse Now…). Grand amateur de vin, il fit l’acquisition en 1975 dans la Napa Valley (Californie) de parcelles du célèbre domaine Inglenook (Rutherford), dont il racheta l’appellation. Un seul objectif : produire avec Philippe Bascaules, vigneron de génie, les meilleurs vins du « Nouveau Monde » (tout au moins aux Etats-Unis !). Bel hommage pour Château Margaux ! Il fut remplacé à la direction du château par Thomas Do-Chi-Nam, l’ancien directeur technique du château Pichon Comtesse de Lalande (appellation Pauillac, Deuxième Cru).

Après le départ de Thomas Dô Chi Nam, Paul Pontallier nommait en 2015 Sébastien Vergne, 37 ans, directeur technique de Margaux*. Sébastien Vergne a suivi (comme Paul Pontallier d’ailleurs) les cours de viticulture et d’œnologie à SupAgro Montpellier. Son stage de 9 mois qu’il effectua au Château Cheval Blanc, le mit en contact de Kees Van Leeuwen, spécialiste des sols de Saint-Emilion et ingénieur agronome, en charge du vignoble et de Pierre-Olivier Clouet, directeur technique du Château.

*Les vinifications sont suivies par l’oenologue Eric Boissenot.

La mort de Paul Pontallier, une perte immense

Paul Pontallier est mort le 28  mars 2016 à l’âge de 59 ans alors que les ventes en primeurs allaient débuter (millésime 2015) au château. C’était son 33e millésime. Ainsi s’achevait une longue collaboration avec Corinne Mentzelopoulos. Elle l’avait nommé en 1990, directeur général de Château Margaux au départ à la retraite de Philippe Barré. La longueur de ce partenariat est unique parmi les Premiers Grands Crus. La totale confiance, voire cette complicité qu’il nouèrent ensemble fut exemplaire pour la gouvernance de château Margaux. Toutes ces années furent une quête de l’excellence et la volonté commune  de mieux exprimer le grand terroir de Margaux sans pour autant renoncer aux nouvelles technologies.

Un avenir nommé Alexandra

Alexandra Petit Mentzelopoulos
Alexandra Petit Mentzelopoulos lors d’un dîner de gala en l’honneur du Château Margaux en 2014 à Bombay en Inde (Photo Vogue India)

De son premier mariage avec Pierre Petit, Corinne a deux enfants, Nathalie née en 1982 et Alexandra en 1985. Nathalie qui vit à Londres montre peu d’intérêt pour château Margaux. En attendant la décision d’Alexis né en 1993 d’un second mariage avec Hubert Leven, c’est donc Alexandra, la troisième génération des Mentzelopoulos à Margaux à s’impliquer dans la gestion du château. On lui doit le troisième vin du château, Margaux de Château Margaux* dont le début de la commercialisation date de 2013 pour un millésime 2009, un projet soutenu dans son lancement par Aurélien Valance, directeur commercial de Château Margaux.

*Enfin un vin de Château Margaux accessible à un plus large public ! Margaux de Château Margaux fut même un sujet d’étude de la Harvard Business School concluant à une superbe réussite marketing.

Un nouveau chai signé Norman Foster inauguré en 2015

L’avenir s’inscrit également dans l’architecture du château au service du vin. En 2009 Corinne Mentzelopoulos décidait de confier au célèbre architecte britannique Lord Norman Foster (l’architecte du viaduc de Millau) la conception d’un nouveau chai dans le prolongement des anciens : nous avions besoin de plus d’espace pour notre département Recherche et développement. Nous voulions également que les caves de notre vin blanc, le Pavillon Blanc du Château Margaux, reviennent au cœur de nos installations. Enfin, nous avions également besoin de cuves de différentes tailles afin d’améliorer la sélection très rigoureuse que nous faisons à partir de nos différentes parcelles. Le résultat est étonnant. Ce nouveau chai est le seul bâtiment neuf visible de l’extérieur donnant une incroyable impression de se fondre dans cette architecture bicentenaire : même toiture traditionnelle mais reposant sur une structure métallique contemporaine et présence de larges baies vitrées faisant entrer toute la technologie du XXIe siècle. Son inauguration en juin 2015 coïncida avec le bicentenaire architectural du Château.

Le domaine n’avait pas connu de tel chantier depuis 200 ans ! Un projet qu’André Mentzelopoulos eut approuvé assurément ! N’avait-il pas lui même dessiné les plans d’un nouveau chai souterrain achevé en 1982 ?

Rien de superflus, tout est d'une pure cohérence dans un vrai hommage aux anciens chais.
Rien de superflus, tout est d’une pure cohérence dans un vrai hommage aux anciens chais.

L’idée du bonheur

Château Margaux 1953
Château Margaux 1953

Après près de 500 ans d’histoire, Corinne Mentzelopoulos se sent à juste titre, la digne héritière de la longue lignée des Margaux, de ce qui fut à l’origine la Mothe de Margaux et de toutes les familles qui s’y succédèrent : les Lestonnac (du XVIe au XIXe siècle), les Pillet-Will, le Duc de la Tremoille, les Ginestet au XXe siècle. « Mon idée du bonheur ? Un château-margaux 1848 », aurait dit Friedrich Engels, le philosophe et le théoricien socialiste allemand, grand ami de Karl Marx. Mon idée de bonheur ? aurait pu dire André Mentzelopoulos, un château Margaux 1953, année de naissance de Corinne, un grand millésime qui nous émeut encore. Un de ceux qui à l’instar de 1961* sont bâtis pour l’éternité.

*un millésime porté il est vrai par le professeur Riberau-Gayon et le docteur Emile Peynaud.

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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