Un cépage est une variété de vigne. L’étude des cépages qui se fait à partir de leurs caractéristiques morphologiques et physiologiques relève de l’ampélographie (du grec ampelos, vigne et graphein, écrire). A l’instar de beaucoup de végétaux, il n’existe pas une variété de vigne mais des milliers. Le rôle de l’ampélographie est de les distinguer en observant leurs bourgeons, leurs feuilles, leurs nervures, leurs baies, la forme de leurs grappes, leurs couleurs, etc.
14 descripteurs pour les distinguer
Ainsi, pour permettre une rapide identification des variétés de vignes, 14 descripteurs primaires prioritaires (les plus faciles à repérer) ont été retenus par l’OIV (Office International du Vin) sur un total de 160. La plupart d’entre eux sont faciles à noter. En prenant l’exemple des baies (l’observation se fait à maturité), la distinction se fonde sur la couleur de leur épiderme. Est-il vert jaune, rose, rouge, gris, rouge foncé violet ou alors bleu noir comme le pinot noir ? Quant à la forme, serait-elle sphérique aplatie, sphérique elliptique, courte elliptique, longue cylindrique, ovoïde arquée, fusiforme… ? Prenons l’exemple du cépage carmenère*. Il fut longtemps (jusque dans les années 1990) confondu avec le merlot au Chili, le cabernet franc en Italie ou en Californie. Il put enfin être identifié par des experts en ampélographie grâce à ces descripteurs. En 2009, des tests génétiques révélèrent que le carmenère était en fait le fruit d’un métissage intraspécifique entre le gros cabernet et le cabernet franc (le gros cabernet étant un métis entre deux cépages noirs, le servadou et le txakoli d’origine basque).
* Le Carmenère qui avait presque disparu de l’encépagement traditionnel bordelais, retrouve aujourd’hui un certain intérêt. Il est surtout présent au Chili sur plus de 6800 ha.
Uniquement des cépages de type vitis vinifera
La réglementation européenne n’autorise que la commercialisation des vins produits avec les cépages de type vitis vinifera à l’origine de très nombreux cépages (cabernet, merlot, pinot, sauvignon, chenin etc.) auxquels sont apparentées les nouvelles vignes résistantes ou cépages interspécifiques (entendu dans le sens où vitis vinifera est le principal géniteur). Le vitis vinifera, rappelons-le, serait originaire de Transcaucasie, mais c’est dans le bassin méditerranéen qu’il s’est particulièrement développé et où il fut domestiqué par les premières civilisations. Il comprend de très nombreuses variétés (cépages) qui ont une tendance naturelle à se reproduire et à se croiser par pollinisation. Chaque cépage donne également un parfum et un goût différents aux vins, ce que les œnologues appellent l’expression variétale du cépage, par exemple le goût de musc caractéristique du muscat.
Qu’apporte le séquençage du génome de la vigne ?
Le séquençage de la totalité du génome de la vigne a été obtenu en 2007. Sur les 30 000 gènes répertoriés, les chercheurs ont constatés qu’une grande quantité de ces gènes produisent des molécules essentielles aux arômes du vin. Ainsi, vitis vinifera est-il parmi toutes les autre plantes à l’ADN connu, celle qui possède le plus de gènes codant pour des tannins ou des terpènes (contribuant aux nuances florales et fruités des vins). Grâce aussi à ce décryptage, les chercheurs sont sur le point (vers 2016) de rendre des variétés plus résistantes aux maladies comme notamment le mildiou, l’oïdium ou le court-noué. L’objectif serait évidemment d’obtenir des génotypes les plus proches possibles des variétés emblématiques des appellations mais qui seraient porteuses de plusieurs gènes de résistance à ces maladies. Egalement par sélection génomique, il sera envisageable de sélectionner des variétés pour leurs caractères qualitatifs.
Le gouais, une incroyable source de diversification variétale
Un autre exemple significatif est le gouais, cépage aujourd’hui quasiment disparu. Il connut au Moyen Âge un développement important tant en France qu’en Europe. Grâce à l’analyse moléculaire et à l’aide de marqueurs microsatellites (type de marqueur d’ADN), on s’est aperçu que non seulement par hybridation, il était apparenté au pinot mais que par lien génétique, il est le géniteur de 78 cépages différents dont le riesling, le furmint, le dimiat, le limberger,…
Plus de 6000 cépages à travers le monde
Au fil du temps, nombre de cépages – on en a répertorié plus de 6 000 à travers le monde – s’adaptèrent si particulièrement bien à la terre de France que très vite furent oubliées leurs origines. Partout, pinot signifie Bourgogne, un cépage unique qui fut pour la première fois identifié et nommé en 1375. Chaque région, chaque vignoble, semble illustrer ce que proclamait au XVIe siècle Olivier de Serres : Le génie du vin est dans le cépage, et dans son terroir, faut-il ajouter, avec comme autre facteur déterminant le climat. On en arrive alors à ces mariages heureux Rhin et riesling, Loire et chenin blanc, Médoc et cabernet sauvignon, Champagne et chardonnay et pinot noir, Jura et mondeuse, etc. Une trentaine de cépages seulement sont reconnus pour donner des vins de qualité. Ils sont qualifiés de cépages nobles.
Le diktat des 6 grands cépages
Le vignoble français comme partout dans le monde est marqué par l’irrésistible ascension des six grands cépages :
- 1/cabernet sauvignon
- 2/pinot noir
- 3/chardonnay
- 4/merlot
- 5/chenin blanc
- 6/syrah
Cette suprématie a établi un véritable « diktat » sur le monde, éliminant nombre de petits cépages qui pourtant forgent leur caractère à bien des vins régionaux. Aujourd’hui, les plants de vignes sont pratiquement tous obtenus par greffage depuis le phylloxéra (insecte qui détruit les racines). Des variétés américaines très résistantes sont utilisées comme porte-greffes et les variétés européennes comme greffons. Cette technique permet ainsi d’associer la qualité des cépages français et la résistance des vignes américaines à ce parasite. Un beau symbole !
L’évolution du vignoble
En trente ans la composition du vignoble en France a radicalement changé. Ainsi entre 1979 et 2009, certaines progressions ont été fulgurantes. Voici les résultats en % :
- Le carignan : 20,7 % contre 6,9 %
- Le grenache : 7,8 % contre 11,13 %
- Le cinsault : 5,2 % contre 2,6 %
- Le merlot : 3,8 % contre 13,6 %
- Le gamay : 3,4 % contre 3,7 %
- Le cabernet sauvignon : 2,3 % contre 6,7 %
- Cabernet franc : 2,3 % contre 4,4 %
- Le pinot noir : 1,7 % contre 3,4 %
- La syrah : 1,2 % contre 8,1 %
Autres cépages rouges : 20,4 % contre 9,2 % et autres cépages blancs : 31,2 % contre 30,1 %
Les principaux cépages par grand vignoble
Vallée de la Loire
- cabernet franc ou breton (N) ;
- grolleau ou groslot (N) ;
- cabernet sauvignon (N) ;
- gamay (N) ;
- pinot noir (N) ;
- cot ou malbec (N) ;
- gris meunier (N) ;
- pineau d’Aunis (N) ;
- pinot gris (G) ;
- chenin blanc ou pineau de la Loire (B) ;
- muscadet ou melon de Bourgogne (B) ;
- gros plant ou folle blanche (B) ;
- sauvignon (B) ;
- chardonnay (B) ;
- chasselas (B) ;
- romorantin (B).
Bordeaux :
- cabernet sauvignon (N) ;
- merlot (N) ;
- cabernet franc (N) ;
- malbec ou cot (N);
- petit verdot (N) ;
- carmenère (N) ;
- sémillon (B) ;
- sauvignon (B) ;
- muscadelle (B).
Sud-Ouest :
- cabernet sauvignon (N) ;
- merlot (N) ;
- cabernet franc (N) ;
- malbec ou cot (N) ;
- petit verdot (N) ;
- tannat (N) ;
- duras (N) ;
- braucol (N) ;
- fer servadou (N) ;
- manseng (B) ;
- négrette (N) ;
- abouriou (N) ;
- gamay (N) ;
- syrah (n) ;
- sémillon (B) ;
- sauvignon(B) ;
- muscadelle (B) ;
- mauzac (B) ;
- len de l’el (loin de l’œil) (B) ;
- ondenc (B) ;
- gros et petit manseng (B) ;
- arrufiac (B) ;
- courbu (B) ;
- ruffiat (B) ;
- camaralet (B) ;
- ugni blanc (B).
Champagne :
- pinot noir (N) ;
- pinot meunier (N) ;
- chardonnay (B).
Bourgogne :
- pinot noir (N) ;
- gamay (N) ;
- césar (N) ;
- chardonnay (B) ;
- aligoté (B) ;
- sauvignon (B).
Languedoc-Roussillon :
- carignan (N) ;
- aramon (N) ;
- grenache noir (N) ;
- cinsault (N) ;
- cabernet sauvignon (N) ;
- merlot (N) ;
- syrah (N) ;
- mourvèdre (N) ;
- picpoul (B) ;
- terret noir (N et B) ;
- lladoner pelut (N) ;
- grenache blanc (B) ;
- chardonnay (B) ;
- ugni blanc (B) ;
- mauzac (B) ;
- muscat (B) ;
- bourboulenc (B) ;
- picpoul (B) ;
- macabeu (B) ;
- malvoisie (B) ;
- vermentino (B) ;
- clairette (B) ;
- marsanne (B) ;
- roussanne (B)
Alsace et Est :
- gewurztraminer (B) ;
- riesling (B) ;
- pinot blanc (B) ;
- sylvaner (B) ;
- pinot gris (B) ;
- muscat (B) ;
- chasselas (B) ;
- müller-turgau (B) ;
- pinot noir (N) :
- gamay (N) ;
- pinot meunier (N).
Jura :
- savagnin (B) ;
- chardonnay (B) ;
- trousseau (N) ;
- poulsard (N) ;
- pinot noir (N).
Savoie et Bugey :
- gamay (N) ;
- poulsard (N) ;
- mondeuse (N) ;
- pinot noir (N) ;
- gamay (N) ;
- Jacquère (B) ;
- altesse (B) ;
- molette (B) ;
- roussanne (B) ;
- chasselas (B) ;
- chardonnay (B),
- aligoté (B).
Vallée du Rhône :
- grenache (N) ;
- carignan (N) ;
- cinsault (N) ;
- syrah (N) ;
- mourvèdre (N) ;
- terret noir (N) ;
- picardan (N) ;
- muscardin (N) ;
- roussanne (B) ;
- marsanne (B) ;
- grenache blanc (B) ;
- clairette (B) ;
- ugni blanc (B) ;
- viognier (B) ;
- picpoul (B) ;
- bourboulenc (B).
Provence-Côte-d’Azur :
- grenache (N);
- carignan (N) ;
- cinsault (N) ;
- syrah (N) ;
- cournoise (N) ;
- mouvèdre (N) ;
- cabernet sauvignon (N) ;
- tibouren (N) ;
- braquet (N) ;
- ugni blanc (B) ;
- clairette (B) ;
- sémillon (B) ;
- rolle (B)
Corse :
- carignan(N) ;
- cinsault (N) ;
- nielluciu (N) ;
- sciacarellu (N) ;
- grenache (N) ;
- mourvèdre (N) ;
- barbarossa (N) ;
- cinsault (N) ;
- vermentinu ou malvoisie de Corse (B) ;
- biancolella (B) ;
- genovese (B) ;
- grenache blanc (B) ;
- ugni blanc (B).