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Chef de caves en Champagne, son rôle, son profil

S’il devait y avoir une aristocratie en Champagne, nul doute que les chefs de caves en seraient les princes. Mais l’apprentissage est long et méthodique. La plupart ont débuté comme second à ce poste. Par ce statut, ils acquièrent presque naturellement cette prestance qui fait d’eux, les ambassadeurs de la marque. Un chef de caves (beaucoup d’hommes mais de plus en plus de femmes) est le personnage clé d’un établissement de Champagne. Il est le garant du style de la Maison. Il est le détenteur de sa mémoire (du goût) qu’il transmet. Ainsi quand un chef de caves s’en va, la mémoire demeure. Il doit aussi incarner les valeurs de cette Maison. Voyez son programme. Il est partout : à la vigne, à la cuverie, dans son laboratoire, devant les distributeurs de la marque, devant les media.

Champagne Pol Roger. En premier plan, Damien Cambres chef ce caves de la Maison depuis 2018, Hubert de Billy (Directeur des Relations Publiques et du Développement), et Laurent d’Harcourt, président du directoire* lors d’une dégustation du Brut Vintage Magnum, millésimes 2008, 2006, 2004, 2002 et 2000 chez Pol Roger à Epernay. *Tous les 3 font partie du directoire avec Isabelle Gautier (Directrice Financière) Photo FC.

Il est « le faiseur » de champagne

Son rôle couvre la quasi totalité du processus champagne : contrôle des vignes, vendanges, assemblage, vinification, dégustations permanentes durant l’élevage (avec tenue de carnets de dégustation), gestion des stocks de vins de réserve, choix œnologiques, création de nouvelles cuvées, commercialisation jusqu’à la communication. Rien ne doit lui échapper. S’il est aussi un faiseur de millésime, ne pas oublier que près de 90 % des champagnes sont des Bruts sans année. Heureux, le chef de cave de Dom Pérignon qui ne concocte que le goût d’un millésime. C’est l’âme et la raison d’être de cette très grande marque. Richard Geoffroy (féru de philosophie zen, diplômé de médecine), son mythique chef de cave jusqu’en 2019, en a façonné 15 depuis 1990. Son successeur n’est autre que son plus proche collaborateur, Vincent Chaperon. Depuis qu’il a commencé à épauler Richard Geoffroy en 2005, Vincent Chaperon a participé à treize vendanges et déclaré quatre millésimes à ses côtés (2005, 2006, 2009 et, plus récemment, 2008).

Pas seulement des hommes

Sidonie Lalauze-Martin, chef de caves du Champagne Jeeper (maison qui célébrait en 2019 son 20e anniversaire). Sidonie Lalauze-Martin est titulaire BTS viticulture œnologie et d’un diplôme national d’œnologie obtenu à Dijon. Son expérience, elle l’a en partie acquise en Nouvelle-Zélande (Photo Champagne Jeeper)

D’abord les Bruts sans année (BSA) avant de s’attaquer aux cuvées de prestige

Les millésimes étant l’exception, au chef de caves d’élaborer avec son équipe, des vins qui doivent se ressembler d’une année à l’autre et cela malgré les aléas du climat et de la vigne, tout en se différenciant évidemment des autres maisons. Il va donc composer avec les crus et les cépages (chardonnay, pinot noir et meunier) de la vendange de l’année tout en ajustant son assemblage avec l’apport des vins de réserve. Le défi serait immense pour n’importe quel néophyte. Comment, quelques mois après les vendanges se projeter dans l’avenir alors que les vins tranquilles n’en sont qu’à leur première fermentation alcoolique et qu’il faut anticiper les résultats de la deuxième fermentation et du vieillissement en cave. Quand on assemble les cuvées, on doit se projeter de plusieurs années pour imaginer l’évolution du vin. Parfois, dans notre dosage, 1 % d’un certain cru ou d’une certaine année peut faire la différence pour trouver le bon équilibre précisait François Domi ancien chef de cave chez Billecart-Salmon à Mareuil-sur-Aÿ. Après 33 ans passés à la Maison Billecart-Salmon, il a transmis le relai à Florent Nys, le nouveau chef de cave qui fut son second depuis 2005.

Hervé Deschamps 37 ans comme chef de caves chez Perrier-Jouët, où il créa des cuvées comme le Perrier-Jouët Belle Époque Blanc de Blancs ou le dernier Perrier-Jouët Blanc de Blancs. Il a passé la main et une partie de son savoir-faire en 2020 à Séverine Frerson-Gomez qui devient la 8e chef de caves de Perrier-Jouët. Ici, à Epernay, lors de l’inauguration après restauration de la Maison Belle Epoque (Photo FC)
Séverine Frerson-Gomez est devenue en 2020 la 8e chef de caves de Perrier-Jouët : diplôme National d’Œnologue et DESS Œnologie à l’Université de Reims ; 16 ans à bâtir son expérience notamment chez Piper-Hiedsick puis et 2 ans à travailler au côté d’Hervé Deschamps pour préparer cette transition (Photo Perrier Jouët)

Un calendrier qui semble être un perpétuel recommencement

Dès décembre, dégustations de pré-assemblage. Il faut au chef de caves mémoriser, tous les crus selon les années, les cépages et les terroirs (lieux-dits) ou parcelles. C’est un travail de dégustation de deux heures quotidiennes à partir de plusieurs dizaines d’échantillons ; étape très importante qui précède l’assemblage. Il commence en janvier. C’est presque de l’alchimie puisqu’à partir d’échantillons prélevés en cuverie, il faut, éprouvettes et pipettes en mains, marier plusieurs dizaines de vins et quelques fois jusqu’à 50 vins clairs différents pour reproduire la bonne formule. Le but en effet est de trouver l’harmonie parfaite, c’est-à-dire l’assemblage de divers crus, et parfois de différentes années ; et cela pour élaborer chaque cuvée dans l’esprit et l’identité de la maison. Quand tout est validé, le chef de caves va alors donner l’ordre de passer à l’assemblage grandeur nature. Il s’effectue dans d’énormes cuves équipées de mélangeurs qui assurent la parfaite homogénéité souhaitable.

Aujourd’hui, un chef de caves, œnologue et communicant

Le « nouveau » chef de caves est arrivé il y a une bonne dizaine d’années. Oui il continue de faire les assemblages, de mémoriser ses cuves, c’est bien sûr la base du métier. Mais à partir de là, la fonction diverge. Certains se concentrent davantage sur le vignoble, (n’est-il pas est le socle de la qualité des vins ?). Ceux-là sont plutôt dans la discrétion. Ils assurent souvent la direction des vignes. D’autres se tournent vers la communication. Leur expérience, ils l’ont acquise en Californie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Argentine… Diplômés en œnologie, ils ont fait agro, une école de commerce, HEC… Leurs premières armes se sont faites dans des coopératives ou au sein de bonnes maisons champenoise.  Ils sont polyglottes, ils portent la bonne parole partout dans le monde où la marque est présente. Combien sont-ils à tenir la dragée haute dans ce microcosme champenois où tout le monde se connaît. A les recenser, ils seraient une bonne quarantaine, véritables stars du champagne. Pour les débaucher, dirions-nous qu’il existe une sorte de mercato entre les grandes maisons ! Mais modérons le propos, chez Veuve Clicquot, depuis la fondation de la Maison en 1772, seulement onze chefs de cave se sont succédé. Didier Mariotti est le 11e (depuis 2019). Autre exemple, depuis quatre générations, la famille Jaeger, chefs de caves de père en fils, veille sur le style du Champagne Alfred Gratien. Aujourd’hui, c’est au tour de Nicolas Jaeger.

Frédéric Panaïotis est chef de caves de la Maison Ruinart (la plus ancienne maison de champagne, fondée en 1729) depuis 2007. Sa formation : agro-viti-œno à Montpellier. Expérience en Californie comme chef de cave dans une jeune winery (dans Anderson Valley), spécialisée dans les méthodes traditionnelles avant de revenir chez lui, d’abord chez Veuve Clicquot puis chez Ruinart. Le chardonnay étant au cœur du style de la maison, on lui doit ce Rosé non millésimé, la cuvée de prestige, le Dom Ruinart Blanc de Blancs 2007, et le R de Ruinart du même millésime. Il a été élu vigneron de l’année du Guide Hachette des vins 2020 (Photo FC)

Il existe une Association Amicale des Chefs de Caves de Champagne (AACCC) qui regroupe plus de 70 membres. Elle est à l’écoute des nouvelles technologies et à tout ce qui touche aux nouvelles réglementations administratives. Ses membres participent aux dégustations des vins clairs de l’année, des assemblages et des millésimes en cours de commercialisation (agréments officiels INAO et suivi aval de la qualité CIVC. Après Hervé Deschamps (Perrier Jouët) qui en assurait la présidence depuis 1999, c’est au tour de Laurent Fresnet depuis 2019, (ex Henriot, maintenant chez Mumm) de prendre le relai.

Bollinger, Gilles Descôtes La Grande Année 2005
Gilles Descôtes Chef de Cave de Bollinger dégustant La Grande Année 2005 (70 % pinot noir et 30 % chardonnay issus de 13 crus). Photo FC

Liste des chefs de caves en activité (par ordre alphabétique)

(La plupart sont membres de l’Association Amicale des Chefs de Caves)

Alice Tétienne toute jeune trentenaire est depuis début 2020 chef de cave de la maison Henriot fondée en 1808. C’est sans doute la plus jeune chef de caves de la Champagne (auparavant, elle était œnologue chez Krug).

  • Sébastien BARBIER : Champagne H. Blin
  • Xavier BERDIN : Champagne Palmer
  • Christophe BONNEFOND : Champagne Mercier
  • Odilon de Varine : Champagne Gosset
  • Cyril BRUN : Champagne Charles Heidsieck
  • Damien CAMBRES : Champagne Pol Roger
  • Vincent CHAPERON : Dom Pérignon
  • Bruno CHARLEMAGNE : Champagne Bauchet
  • Sylvie COLAS : CIVC
  • Jérôme CORBON : Champagne La Ruche
  • Hervé DANTAN : Champagne Lanson
  • Michel DAVESNE : Champagne Deutz
  • Philippe DESLESCOT : Champagne Edouard Brun
  • Hervé DESCHAMPS : Champagne Perrier-Jouët
  • Arnaud DESCÔTES : CIVC
  • Gilles DESCÔTES : Champagne Bollinger
  • Cyrille DINIZ : Champagne Lallier
  • Philippe DUPUIS : Covama
  • Laurent ETIENNE : Champagne Esterlin
  • Floriane EZNACK : Champagne Jacquart
  • Michel FAUCONNET : Champagne Laurent-Perrier
  • Laurent Fédou : Champagne Canard-Duchêne
  • Emmanuel FOURNY : Champagne Veuve Fourny
  • Séverine FRERSON-GOMEZ : Champagne Perrier-Jouët
  • Alice TÉTIENNE : Champagne Henriot
  • Arnaud GALLOIS : Champagne La Vigneronne
  • Thierry GARNIER : Champagne Philipponnat
  • Benoît GOUEZ : Champagne Moët & Chandon
  • Laurent GUYOT : Champagne Bruno Paillard
  • Hervé DANTAN : Champagne Lanson
  • Cédric JACOPIN : Union Champagne
  • Nicolas JAEGER : Champagne Alfred Gratien
  • Gilles DESCÔTES : Champagne Bollinger
  • Caroline LATRIVE : Champagne Ayala
  • Jean Baptiste LECAILLON : Champagne Louis Roederer
  • Julie Cavil : Champagne Krug
  • Sébastien LE GOLVET : Champagne Henri Giraud
  • Charlotte ESCHBACH : Champagne J. de Telmont
  • Sandrine LOGETTE-JARDIN : Champagne Duval-Leroy
  • Didier Mariotti : Champagne Veuve Clicquot
  • Sébastien MONTCUIT : Champagne Mailly Grand Cru
  • Franck NICAISE (ancien chef de caves) : Champagne Abelé
  • Florent NYS : Champagne Billecart Salmon
  • Yanick OLIVIER : Les Viticulteurs d’Avize
  • Michel PARISOT : Union Auboise
  • Alain PAILLEY : Champagne Alexandre Bonnet
  • Frédéric PANAÏOTIS : Champagne Ruinart
  • Dominique PICHART : Champagne Vranken-Pommery
  • Clément PIERLOT (et Directeur Général Vignobles) : Champagne Vranken-Pommery
  • Alexandre PONNAVOY : Champagne Taittinger
  • Guillaume ROFFIAEN : Champagne Nicolas Feuillatte
  • Elisabeth SARCELET : Champagne de Castelnau
  • Isabelle TELLIER : Champagne Chanoine
  • Philippe THIEFFRY : Champagne Veuve Clicquot
  • Franck THOMAS : Fleury la Rivière
  • Edouard TISSIER : Champagne Mont-Hauban
  • Nicolas Uriel : Champagne Thiénot
  • Laurent VAILLANT : Champagne Lombard & Médot
  • Odilon de VARINE : Champagne Gosset
  • Sébastien WALASIAK : Champagne Collet
Christophe Bonnefond chef de caves de la Maison Mercier depuis 2006. Il est diplômé en ingénierie agronome, spécialisé en viticulture et œnologie et d’un MBA de la Reims Management School. Après plusieurs années au sein de la Direction de Production de Moët & Chandon, il a rejoint la Direction Œnologie grâce à ses compétences de manager et d’homme de terrain, tourné vers l’élaboration des vins « de la vigne aux consommateurs ». (Photo FC)

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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