Les maladies du bois, principales causes du dépérissement de la vigne. Elles sont connues depuis des siècles et constituent aujourd’hui, la principale cause identifiée du dépérissement de la vigne*. Ce sont des maladies très dommageables pour la pérennité du patrimoine viticole. Les champignons responsables de ces maladies attaquent les organes pérennes de la vigne provoquant des nécroses du bois avec présence en son sein, de pourriture blanche (l’amadou). Les effets à l’œil nu se manifestent par des anomalies dans la coloration des feuilles et leurs dessèchements. Elles entraînent à plus ou moins long terme la mort du cep sous forme lente ou apoplectique (en quelques jours). La plupart des champignons impliqués dans les maladies du bois se propagent par le matériel végétal. Ils sont présents dans pratiquement tous les vignobles du monde. Ils peuvent être aussi disséminés par d’autres plantes hôtes.
* les recherches montrent aujourd’hui que les maladies du bois de la vigne apparaissent de plus en plus tôt, dès la 3e ou 4e année après la plantation. Il semblerait que les vignes plantées il y a une trentaine d’années seraient plus résistantes.
Les 5 plus importantes maladies du bois de la vigne
- L’esca, est la plus répandue. Elle est due à des champignons de type Phaeomoniella chlamydospora et Phaeoacremonium aleophilum.
- Le BDA (Black Dead Arm) dont les agents sont des champignons de type Diplodia seriata, Diplodia mutila…
- Le pied noir est dû aux Ilyonectria liriodendri, Dactylonectria macrodidyma
- L’excoriose a pour responsable le Phomopsis viticola
- L’eutypiose* dont le champignon responsable est l’Eutypa lata. Il se conserve sur le bois mort sous forme périthèces (https://fr.wikipedia.org/wiki/perithece)
*L’eutypiose est la dernière maladie du bois identifiée en France à la fin des années 1970. Elle se traduit par la mort d’un bras. Cette maladie de dépérissement est causée par le développement dans le bois du champignon lignicole (qui vit dans le bois) Eutypa lata. On rencontre l’eutypiose dans la plupart des grands pays viticoles. Cette maladie a longtemps été classée parmi les court-noués, un terme courant pour désigner toutes les manifestations chétives de la végétation. Elle sévit dans tous les vignobles où le niveau de pluviométrie est supérieur à 250 mm/an.
Les cépages résistants, les cépages sensibles
Parmi les cépages les plus fragiles notamment à l’esca et au black dead arm, on recense le cabernet sauvignon, le colombard, le sauvignon blanc, l’ugni blanc, le gewurztraminer ou le trousseau. Le pinot noir, le cot, le chardonnay et le merlot sont enregistrés comme les moins sensibles. Il faut aussi tenir compte des nombreux facteurs biotiques (cépage, âge, agressivité des champignons) ou abiotiques (sol, fertilisation, climat, pratiques culturales…) qui entrent en jeu dans la progression de la maladie.
Parmi les cépages, un gradient de sensibilité
Il existe donc un gradient de sensibilité. Le projet Tolédé dans le Plan National Dépérissement du vignoble a pour objectif de mettre en évidence les mécanismes permettant à certains cépages de limiter les impacts néfastes des champignons. Alors, cette tolérance de certains cépages vient-elle de propriétés intrinsèques du bois (un composant chimique ou une propriété particulière ?), d’une capacité pour certains d’élaborer des barrières afin de limiter la progression des champignons dans le bois ?
Pour Jean-Pierre Péros (Inra Montpellier), l’objectif principal du projet Tolédé est bien : de comprendre les
bases moléculaires et génétiques de la tolérance des cépages aux maladies du bois. Le terme de tolérance ici signifie l’aptitude des cépages à réduire les effets aggravants des champignons.
Quelles techniques pour lutter contre les maladies du bois ?
Face aux maladies du bois, 6 techniques sont utilisées pour lutter contre le dépérissement de la vigne :
- de nouvelles techniques de taille,
- la complantation,
- le curetage,
- le recépage,
- le regreffage,
- l’endothérapie*
*L’endothérapie est l’injection directement dans le tronc de produits phytosanitaires, d’activateurs de défense de la vigne ou de fertilisants, parfois appelée endothérapie végétale. Le produit de traitement est injecté dans le tissu vasculaire, permettant une application précise et une diffusion rapide dans les tissus végétaux. Cette technique, ciblée, permet aussi de limiter les risques pour l’applicateur et l’environnement.
L’arsénite de soude interdit depuis 2001
Aujourd’hui, depuis l’interdiction en 2001 de l’arsénite de soude qui était la seule molécule capable de contenir l’esca, la profession viticole n’a plus aucun moyen de freiner sa progression notamment dans les parcelles qui y sont très sensibles (interdit en Italie dès 1977 car cancérogène). Faudrait-il alors attendre la découverte d’un produit aussi efficace et moins dangereux que l’arsénite de soude. Mais c’est loin d’être le cas d’autant plus que l’arsénite n’avait aucun effet sur l’eutypiose*, l’autre grande maladie du bois qui ravage tout autant les vignobles.
Un espoir, comment voir à travers le bois pour mieux soigner ?
Les symptômes des maladies du bois sont difficiles à relier avec la présence des champignons pathogènes, car ils ne s’extériorisent pas de la même manière en fonction des années. Pour pouvoir tout de même étudier leur action dans le bois, sans détruire les plants, le projet Viti mage va utiliser des techniques d’imagerie comme en médecine. Ainsi, ces images vont permettre de mesurer si la propagation des champignons est plus ou moins rapide dans tel ou tel génotype. Elles fourniront donc un appui supplémentaire dans la sélection d’individus plus tolérants aux maladies du bois.
Contre les maladies du bois, les 5 techniques les plus utilisées par les vignerons
- 1/ L’entreplantation à 92 % ;
- 2/ L’élimination des sources d’inoculum à 73 %. Les plants de vigne peuvent constituer des sources d’inoculum contenant des champignons qui se conservent sur et dans le bois de vigne. Ainsi, les opérations de taille sur la vigne peuvent contaminer les outils et contribuer à la propagation de la maladie. Dans les parcelles malades, les bois de taille laissés au sol constituent une autre source d’inoculum.
- 3/ Le recépage à 60 % ;
- 4/ Le regreffage à 60 % ;
- 5/ Une taille spécifique à 59 % en évitant notamment les grosses plaies, en adaptant la taille (une taille trop courte peut provoquer des plaies plus grosses l’année suivante). Donc, mieux vaut tailler plus long et ébourgeonner plus sévèrement ; pratiquer la taille en période sèche en taillant le plus tardivement (en sève montante) les parcelles les plus sensibles : les plaies qui coulent ne sont pas réceptives…
La taille, une véritable plaie ! Cause principale de propagation des maladies du bois
La taille pourrait-on dire est une véritable plaie pour la vigne ; les plaies de la taille sont les voies d’entrée préférentielles des principaux champignons entraînant les maladies du bois. La vigne ne recouvre pas ses plaies de taille qui représentent la source principale de contamination et de dépérissement. Celles-ci sont occasionnées lors de la plantation de la souche puis annuellement lors des tailles de renouvellement ou tout simplement par des lames des outils interceps mal réglées qui blessent les ceps.
Des pseudo-champignons pour stimuler les défenses naturelles de la vigne
Un nouvel agent de biocontrôle est sur le point de voir le jour pour stimuler la défense de la vigne contre les maladies du bois. Les chercheurs bordelais dont Patrice Rey et son équipe ont montré l’intérêt de l’oomycète (Pythium oligandrum). Voir plus bas. Patrice Rey, professeur à Bordeaux Science Agro et directeur adjoint de l’UMR SAVE (INRA Bordeaux), est le coordinateur du Projet Casdar V1302 sur le thème : Microflores pathogènes et protectrices du bois de la vigne et réponses adaptatives de la plante. Développement de marqueurs de tolérance et de diagnostic.
Les cinq actions du Projet Casdar
- Action 1 : Etude des communautés microbiennes colonisant le bois de différents cépages de vigne ayant des sensibilités différentes aux Maladies du bois (MDB).
- Action 2 : Comprendre le mode d’action de certains microorganismes impliqués dans ces pathologies ou exerçant une protection contre les MDB (nouveaux agents de biocontrôle).
- Action 3 : Effet de la diversité des Botryosphaeriaceae sur la tolérance de divers cépages et génotypes : utilisation de marqueurs physiologiques et d’état de défense.
- Action 4 : Développement de marqueurs physiologiques et moléculaires de tolérance à Eutypa lata responsable de eutypiose .
- Action 5 : Recherche de sources de tolérance à 3 pathogènes au sein de la diversité génétique de Vitis vinifera
Des résultats avec :
- La mise en évidence des microflores pathogènes typiques associées à certains cépages sensibles et des microflores « protectrices » sur des ceps asymptomatiques (en absence de symptôme) et l’obtention du génome complet de plusieurs champignons pathogènes ;
- L’identification et l’utilisation de micro-organismes colonisateurs des racines (un oomycète) ou du tronc (bactéries) pour protéger les plants contre les MDB avec des résultats sur plants greffés-soudés (en serre ou en vignoble) ;
- L’établissement de corrélations entre l’expression ou la répression de différents marqueurs génomiques et l’état de défense et/ou de tolérance des ceps aux Botryosphaeriaceae (famille de champignons fongiques) ;
- La mise en évidence de source de tolérance à 3 pathogènes : Eutypa lata, Botryosphaeria obtusa et Neofusicoccum parvum au sein de la diversité génétique de Vitis vinifera L. (clonale et variétale). Les génotypes tolérants seront plantés au vignoble dans un dispositif consacré à ce projet.
Enfin, pour disposer à terme de matériel végétal moins sensible aux maladies du bois, il est prévu le développement de nouveaux outils de sélection plus performants avec une approche génétique de la sensibilité qui doit permettre la mise en évidence de gènes impliqués, puis d’élaborer une stratégie innovante de sélection.
L’interaction entre la vigne et un pathogène oomycète
L’interaction entre la vigne et un pathogène oomycète a été l’objet d’une thèse*publiée en 2002 et défendue devant le Département de Biologie Unité de Biologie Végétale de l’Université de Fribourg (Suisse). Pour l’auteur, les oomycètes sont de redoutables pathogènes pour la vigne particulièrement. Leur biologie est très différente de celle des champignons. Ainsi, il n’est pas aisé de les combattre et il n’existe que peu de fongicides capables de stopper une épidémie de manière durable. Leur biologie particulière, encore peu connue, rend ces organismes très intéressants à étudier de même que les mécanismes régissant les interactions avec leurs hôtes respectifs.
*Arabidopsis-Phytophthora, un pathosystème modèle pour la caractérisation d’une interaction entre une plante et un pathogène oomycète.
La vigne pourrait activer ses mécanismes de défense
La résistance des plantes envers un pathogène donné est souvent déterminée par l’arrière-fond génétique de ces dernières. En effet, lors des interactions impliquant les oomycètes et leurs hôtes, la résistance est souvent dûe à une interaction dite « gène pour gène ». Ce mécanisme implique la présence d’un gène de résistance chez l’hôte et d’un facteur d’avirulence (faible capacité de multiplication) chez le pathogène, si ces deux composantes sont présentes, il y aura reconnaissance de la part de l’hôte et ce dernier pourra activer ses mécanismes de défense.
Un espoir donc de trouver des solutions rapides face aux dépérissements quand on sait que 10 % du vignoble est aujourd’hui improductifs dû en grandes parties aux maladies du bois (MDB).