Les maladies du bois de la vigne (MDB), l’espoir d’une solution ! Les MDB représentent aujourd’hui la principale préoccupation de la filière viti-vinicole sachant que des facteurs tels que le changement climatique ne peuvent qu’accentuer cette pathologie. A titre d’estimation, les maladies du bois de la vigne touchent de 15 % à 20 % du vignoble français et qu’elles se focalisent surtout sur des vignes âgées de 15 à 20 ans. Les MDB sont dues à un complexe de champignons provoquant le dépérissement de la vigne. Les blessures de taille constituent les voies de pénétration des agents pathogènes dans le ceps. En France on en dénombre trois principales, l’Eutypiose, l’Esca et le Black Dead Arm (BDA) occasionnant chaque année une perte colossale estimée à 1 milliard d’€ sur le seul marché hexagonal (2,1 à 3,4 millions d’hectolitres de « manque à produire »). C’est sans compter le coût lié à l’achat de complants et à la prophylaxie, obligeant le viticulteur à couper les parties malades ou à remplacer les ceps morts avec comme conséquence, des parcelles qui deviennent de plus en plus hétérogènes.
Maladies du bois, pas de traitement efficace
Depuis 2001 et l’interdiction de l’arsenic de sodium pour des motifs de santé publique, il n’existe plus de moyens pour éliminer, réduire ou contenir ces maladies du bois. Malgré les nombreux efforts des chercheurs ces dernières années, aucune solution ne remplace à ce jour l’arsénite de sodium. Les MDB sont présentes dans la plupart des grands pays viticoles du monde. C’est en 2006 qu’elles apparaissent en France affectant dans un premier temps le sauvignon en Touraine et le savagnin dans le Jura pour s’étendre ensuite à l’ensemble du vignoble français. L’exemple de la région de Cognac est significatif. Entre 2004 et 2006, plus de 20 % des ceps d’ugni blanc montrait des symptômes foliaires (des zones desséchés et nécrosées et aspect tigré des feuilles).
Une lutte biologique utilisant des micro-organismes
Chaque année le nombre de ceps touchés augmente de 1 à 5 % en fonction de la région. Que reste-t-il alors pour se prémunir de ce fléau ? L’efficacité du Trichoma* dans une stratégie de bio-contrôle n’a pas été totalement démontrée afin de protéger les plaies de taille notamment. Une souche du Trichoderma atroviridae a pourtant été étudiée dans le laboratoire des pépinières Mercier à Vix pour vérifier son efficacité et ses caractéristiques contre plusieurs champignons. Conclusion, une efficacité qui se restreint pour l’instant au contrôle du Black Dead Arm dans l’attente d’études futures visant à évaluer le rôle protecteur de cette souche contre l’ensemble des MDB.
* Un champignon antagoniste utilisé pour endiguer les micro-organismes pathogènes. Il est connu pour son activité antifongique par mycoparasitisme ou par compétition trophique mais aussi comme stimulateur des défenses naturelles des plantes.
Le vignoble de Pasteur, premier site pilote mondial d’étude des maladies du bois de la vigne
L’Académie des sciences*, propriétaire des vignes du Clos de Rosières et Henri Maire (société emblématique du Jura) qui vinifie les quelques 47 ares de ce clos historique depuis plus de 70 ans, ont lancé un programme de recherche sur les maladies du bois de la vigne. Pasteur l’inventeur du vaccin contre la rage avait acheté en 1874 cette parcelle de 12 ares de vignes située à 2 km au nord d’Arbois dans le Jura, en bas du village de Montigny-les-Arsures, au lieu dit Rosières. Pour les chercheurs, il fallut d’abord établir un état des lieux du vignoble de Pasteur dans le but de cartographier les cépages présents et d’analyser l’état sanitaire de la parcelle. Celle-ci comptait 2 500 ceps de 8 cépages différents. Ils ont été arrachés et remplacés afin de créer le premier site pilote mondial d’étude des maladies du bois de la vigne.
*L’Académie des sciences a fondé la Maison de Louis Pasteur pour en perpétuer l’œuvre et la mémoire.
Un laboratoire de plein air dirigé par Patrice Rey
Ce site devint donc un laboratoire de plein air animé par un groupe de recherche national coordonné par Patrice Rey enseignant-chercheur de l’UMR (Unité Mixte de Recherche) « SAVE » (Santé et Agro-écologie du Vignoble), INRA/Bordeaux Sciences Agro depuis 2007. Sa mission est d’évaluer les facteurs déclenchant les maladies du bois et comparer le microbiome (la microflore colonisant le bois de la vigne) des cépages sains et des cépages malades et rechercher un éventuel effet protecteur. Pour Patrice Rey et son équipe : l’étude de la résistance naturelle de certains ceps aux agents responsables des maladies du bois devrait permettre de tester, à plus long terme, le potentiel d’agents microbiens pour lutter contre ce fléau.
Coup de pousse de la Maison Hennessy, une dotation de 600 000 €
Fidèle à son engagement historique aux côtés du vignoble charentais, la Maison Hennessy* face à cette crise sanitaire souhaitait apporter sa contribution au service de la filière et en complément des programmes institutionnels. A l’occasion de son 250e anniversaire (en 2015), elle a donc lancé un appel à projets de recherche, doté de 600 000 € : un budget inédit pour un programme financé par des fonds privés et ouvert aux experts du monde entier. Il y eut 23 dossiers déposés, impliquant 13 nationalités. Le projet le plus conforme aux attentes fut celui mené par Patrice Rey intitulé : Influence de facteurs environnementaux et de pratiques culturales sur l’expression des maladies du bois et interaction plante-microbiote (ensemble des micro-organismes comme les bactéries, les levures, les champignons, les virus qui vivent dans un environnement spécifique appelé microbiome).
* Hennessy est au tout premier rang dans l’univers des Spiritueux dans le monde. Cette Maison, fleuron du groupe LVMH, fêtait en 2015 ses 250 ans. Elle s’est développée à partir de son terroir français de Cognac depuis 7 générations, liant deux familles, les Hennessy et les Fillioux, à travers les cinq continents.
Des réponses aux 3 interrogations sur les maladies du bois
Un projet qui a pour objectif d’apporter des réponses aux 3 interrogations essentielles sur ces maladies du bois :
- 1/l’influence des facteurs environnementaux (climat, pratiques culturales : mode de taille, curetage…) sur le développement des maladies du bois de la vigne.
- 2/la tolérance de certains cépages aux MDB et l’identification de marqueurs moléculaires chez la plante liés à ce phénomène de moindre sensibilité à 2 pathogènes.
- 3/la composition, la localisation et le fonctionnement du microbiote colonisant le bois de ceps de variétés plantées en France en Charentes notamment et dans différents vignobles mondiaux.
Une large collaboration internationale
Si en France l’ensemble de la filière vini-viticole est impliquée aussi bien publique que privée (par exemple les Pépinières Mercier Frères à Vix), l’équipe de Patrice Rey a également fait appel à de nombreux partenaires étrangers : Technische Universität Muenchen (TUM, Allemagne), Austrian Institute of Technology (AIT), Université du Chili (Chili), Université de Debrecen (Hongrie), Université de Florence (Italie), Université de Stellenbosch (Afrique du Sud), USDA (Davis, Californie, USA), etc.
Maladies du bois, des résultats sous 3 ans !
Chacun attend avec impatience que ce programme apporte des outils et des méthodes transférables à la viticulture pour lutter efficacement contre les différentes maladies du bois et cela dans un délai de 3 ans (2019-2020). Le programme porte sur 5 points majeurs avec une demande de réponses concrètes :
- 1/Le développement de solutions culturales, pratiques et rapidement accessibles à la filière viticole comme l’influence du mode de taille ; le curetage chez les plants malades avec des observations disponibles à court terme sur l’impact du greffage.
- 2/La connaissance des conditions culturales les plus favorables à l’expression pathologique des champignons pour permettre de préconiser des mesures susceptibles de ralentir les nécroses dans le bois et donc les dépérissements.
- 3/ La définition des zones à risque élevé en tenant compte de facteurs abiotiques (température, statut hydrique du sol) qui ont une forte influence sur les maladies du bois.
- 4/ L’apport de connaissances et de marqueurs génétiques pour la création variétale.
- 5/Des itinéraires culturaux favorisant les fonctions de pathogénie du microbiote sur la plante et l’émergence d’interactions positives ou négatives entre micro-organismes qui pourront servir d’outil de pilotage dans la conduite du vignoble.
- 6/Des marqueurs liés à la « rupture » d’équilibre au sein du microbiote, c’est-à-dire au basculement des ceps vers la pathogénie vont être proposés.
- Une communication au fil des avancées
En parallèle des communications lors de congrès scientifiques et de la publication des résultats de la recherche dans des revues internationales, un séminaire spécifique, à destination de la profession viti-vinicole, se tiendra à mi-parcours et à la fin du projet. Un site Internet sera dédié au projet, il y aura une partie scientifique et une autre à destination de la profession. Tous attendent des solutions à cette grave crise sanitaire qui touche dramatiquement la planète viticole.