Noah pour Noé, père mythique de la vigne, cépage miracle, cépage écologique mais interdit. C’est fou non !
Noah, ce cépage blanc américain symbole à lui seul de tous les ressentiments. Que n’a-ton pas dit du noah (pour Noé, le père mythique de la vigne) ! C’est un cépage hybride producteur direct (hpd) de vitis riparia et vitis labrusca, donc hybride américano-américain. Il vient de l’Illinois. Il fut interdit dès 1935 pour raison sanitaire. On alla même jusqu’à le prohiber comme cinq autres du même groupe : le clinton, l’herbemont, l’isabelle, le jacquez et l’othello avec arrachage obligatoire et prime à l’appui. A titre d’information, cette obligation d’arrachage sous peine de sévères poursuites fut une des premières mesures agricoles édictée par l’occupant nazi en Alsace dès 1940. Pourtant lorsqu’il fut importé en France pendant la crise phylloxérique, ce fut une petite révolution dans le monde viticole. On détenait enfin la perle rare, un cépage de toutes les qualités. N’a-t-on pas loué à l’époque sa résistance aux maladies (donc pas de traitement phytosanitaire. Ecologique dirait-on aujourd’hui !), son développement et sa fructification étonnantes, son très haut degré alcoolique (15-16°). Il était en plus facile à cultiver, pas besoin de le greffer, il débourrait tard évitant ainsi le gel et en plus il était très productif.
Le noah, il rend fou et aveugle !
L’interdiction qui le frappa était sans doute argumentée. Dans l’Ouest, il avait la réputation de rendre fou et aveugle. On lui imputait la responsabilité de l’alcoolisme paysan. Il est vrai qu’on constata plus tard sa forte teneur en méthanol (mais pas beaucoup plus que dans ceux issus des cépages autorisés). Le noah ne fut-il pas d’ailleurs surnommé vin de trois, car l’on prétendait qu’il fallait deux personnes pour soutenir le buveur impénitent. Mais derrière tant de bonnes raisons, ne se cachait-il pas une arrière-pensée économique : faire de la place aux vins du midi et surtout aux flots incessants de ces vins d’Algérie qui se déversaient alors dans la métropole pour couper bien des vins locaux.
Ce fameux goût foxé du noah
On le décrit comme à grappe moyennes, à gros grains, d’un blanc verdâtre, à pulpe molle se détachant en bloc de la pellicule. Le vin issu du noah est dit foxé car son goût est typique et plus ou moins désagréable en finale. D’ailleurs les Américains eux même qualifient ce cépage de fox-grape (allusion à l’odeur du renard). Il possède également un goût de framboise lui aussi plutôt désagréable. Son décret d’interdiction a été abrogé en 2003. Alors que les vignes à base d’hybrides américains couvraient 20 500 ha en 1958, il n’en reste que 1500 ha aujourd’hui, essentiellement localisés dans l’Ardèche, les Cévennes et la Vendée. Sans doute subsiste-il encore un peu partout quelques plants de noah pour donner du degré aux vins paysans à titre évidemment de consommation familiale ou bien faut-il s’attendre à un prochain retour en grâce de ce cépage maudit ?
Elles s’en souviennent !
A Ercé, dans l’Ariège, quelques anciennes se souviennent de ce vin qui mettait de l’ambiance dans les veillées (enquête Agnès Fine) dialogue tiré de « La vigne animale » de Christiane Amiel : … Et alors on goûtait le vin nouveau avec des châtaignes. Oui, oh ! que c’était bon, du bon vin blanc, là, de Noah, vous vous rappelez, le vin de Noah, qui saoulait, là… C’est défendu maintenant. Oh oui ! On n’en plante plus. Du vin de Noah ? C’était du raisin qu’on ne mangeait pas… On ne pouvait pas en manger. Parce qu’il n’était pas bon. Mais pour faire le vin, il était très bon. Il paraît que ça rendait fou… Alors c’est pour ça qu’on en fait plus.
A titre de conclusion, il résiste !
Le résistant baco blanc est un croisement des cépages folle-blanche X noah réalisé en 1898. C’est d’ailleurs le seul hybride producteur direct faisant partie de l’encépagement d’une AOC en France (l’Armagnac). Il couvre environ 2000 ha. Aujourd’hui, le cépage noah est toléré, certains vignerons de France reprennent la production et militent pour sa réintroduction.