Ruinart, installé à Reims au 4, rue des Crayères, l’affiche en gros dès sa porte d’entrée : 1729. Une date qui fait de Ruinart la plus ancienne maison de Champagne ! Preuve déjà de son dynamisme, près de quarante ans plus tard en 1764, elle procédait à l’exportation d’un Champagne Rosé en Allemagne comme l’atteste le livre de comptes de la maison (le 250e anniversaire du Champagne Rosé Ruinart a été fêté en 2014). C’est aussi la première à s’installer sur la colline historique Saint-Nicaise à Reims et cela dès 1768. Saint-Nicaise est une sorte de promontoire culminant à 135 m d’altitude au sud-est de la ville avec ses crayères, anciennes carrières souterraines d’extraction de la craie. Elles fonctionnèrent de l’Antiquité romaine aux Moyen Âge. Profondes d’une cinquantaine de mètres, elles représentent un formidable atout pour le Champagne. Ruinart l’avait d’ailleurs pressenti en achetant cette année là des crayères au lieu-dit Le Moulin de la Housse et des terrains où affleuraient des têtes de crayères.
Sur la liste du Patrimoine Mondial de L’Unesco
Lorsque le 4 juillet 2015 étaient inscrits officiellement sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco dans la catégorie Paysage culturel, 3 sites de la Champagne : l’avenue de Champagne à Epernay, la colline Saint-Nicaise à Reims et les coteaux historiques autour d’Epernay, Ruinart se trouvait aux premières loges pour célébrer cette reconnaissance universelle. Sur la colline Saint-Nicaise, son sous-sol ne regorgeait-il pas de monumentales crayères d’une blancheur illuminée, véritables cathédrales souterraines ? Cette inscription va permettre à nos maisons de champagne ainsi qu’à la région toute entière de rayonner encore un peu plus dans le monde entier se félicitait aussitôt Frédéric Dufour directeur Général de Ruinart.
Ce fameux goût Ruinart
Ruinart est dans le giron des Maisons de champagne de Moët Hennessy (Groupe LVMH) avec Moët & Chandon, Veuve Clicquot Ponsardin, Krug, Mercier, Dom Pérignon). Depuis les années 1980 et notamment grâce à l’action de Jean-François Barot, le chef de cave de 1985 à 2002, Ruinart a fait le choix du chardonnay (voir l’emblématique Ruinart Blanc de Blancs, la benjamine des cuvées Ruinart créée en 2001, une cuvée peu dosée à moins de 9 g/l), ce fameux goût Ruinart si distinctif, dû à un approvisionnement de grands terroirs de la Côte des Blancs (Chouilly, Le Mesnil, Avize…) et de la Montagne de Reims dont Sillery, vignoble historique de la Maison. Le succès fut tel que la maison doubla ses volumes en 15 ans et qu’en 2001, toute la gamme passa en bouteille prestige. Et puis dans Ruinart, n’entend-on pas art ?
Ruinart, le monde de l’art et du design
Ne serait-ce que par son nom la Maison se devait d’entretenir d’étroites relations avec le monde de l’art et du design. Tout a commencé en 1896 quand André Ruinart engagea l’artiste tchèque, Alfons Mucha, pour créer une affiche publicitaire. Depuis, Ruinart travaille avec de nombreux artistes et designers du monde entier contribuant à les soutenir lors de différentes foires d’art (en 2015 : Art Basel, Miart, Pad Paris, Art Dubai, Art Basel Hong Kong) : chez nous, le langage artistique contemporain est lié à une forme d’élégance intemporelle et d’authenticité. Au-delà de ces collaborations, nous participons aussi à une vingtaine de foires d’art contemporain dans le monde entier aime à préciser Frédéric Dufour.
2016, Erwin Olaf, artiste de la photographie pour illuminer l’art des crayères
Qui de mieux pour célébrer l’inscription des crayères et des caves de la maison Ruinart au patrimoine mondial de l’Unesco que l’artiste photographe Erwan Olaf. A 57 ans, il est aujourd’hui reconnu internationalement. Ordonné, cet homme de lettres a pour habitude de visualiser les scènes dans sa tête, de les dessiner ensuite, puis de les figer de façon stricte et parfois austère sur papier glacé. Son travail chez Ruinart est un clin d’oeil au travail de Brassai qui photographiait les graffitis parisiens dans les années trente et dont les cartes postales que le jeune Erwan trouvait au Centre Pompidou, étaient envoyées à ses parents en Hollande.
Liste des dernières contributions d’artistes à la maison Ruinart
- Hubert Le Gall* et son Calendrier de Verre qui rend hommage au temps qui passe rythmé par les jours et par le travail de l’homme à travers cette série de 12 sculptures représentant les mois de l’année. *Designer et scénographe français né en 1961.
- Georgia Russell* (Collection Blanc de Blancs). Ce coffret Blanc de Blancs est un ornement d’un blanc immaculé, incisé de multiples entailles, en hommage aux somptueuses caves de la Maison Ruinart. *Artiste écossaise née en 1974.
- Piet Hein Eek* (Collection Blanc de Blancs). À la caisse en bois* de 1769, l’artiste répond par une caisse individuelle, adaptée à chacun des flacons de champagne. La forme si caractéristique de ces flacons lui inspire un écrin trapézoïdal. Naturellement, l’objet est conçu en bois de pin recyclé. Ancien élève de la prestigieuse Design Academy d’Eindhoven aux Pays-Bas, Piet Hein Eek est né en 1967. * Ruinart fut dès 1769, la première maison de Champagne à expédier ses bouteilles dans des caisses en bois. Ainsi, 2 500 bouteilles du Blanc de Blancs Ruinart ont été commercialisées dans le coffret bois de Piet Hein Eek ainsi que 550 magnums et 150 jéroboams.
- Hervé Van Der Straeten* (Collection Blanc de Blancs). Le rafraîchissoir « Miroir », entièrement réalisé à la main, est édité à seulement cinquante pièces. Chaque pièce est numérotée et recensée dans le Grand Livre d’Or de la Maison Christofle, afin de garantir son authentification ultérieure. * Hervé Van der Straeten est un designer français né en 1965. Il a été formé à l’École des Beaux-Arts de Paris.
- Maarten Baas*. Le Bouquet de Champagne est le nom de ce saisissant lustre sculpture pour table d’apparat réalisé pour Dom Ruinart par Maarten Baas en 2008. Dans les arts de la table, il fait déjà date. *Designer né en Allemagne en 1978 et vivant aux Pays-Bas. Il a étudié à la Design Academy d’Eindhoven.
- Gideon Rubin* (Collection de Portraits Ruinart). Gideon Rubin explore les grandes figures emblématiques de l’univers Ruinart, des pères fondateurs aux personnalités incarnant aujourd’hui la Maison. *Peintre né en Israël en 1973, il vit et travaille à Londres peignant des portraits privés de visage.
Une histoire champenoise qui commence au siècle des lumières, au début du règne de Louis XV
Ruinart est sans conteste la plus ancienne maison de Champagne. C’est le 1er septembre 1729, au Siècle des Lumières que sous la plume de Nicolas Ruinart, négociant en drap à Epernay, la Maison Ruinart est officiellement fondée. Son livre de compte mentionne à cette date des ventes de vin. Etrange pour un drapier ! Ce commerce profitait en effet d’un arrêté royal qui autorisait pour la première fois le transport du vin de champagne en bouteilles (des bouteilles il est vrai devenues plus résistantes). Cet arrêté royal du 25 mai 1728 signé par Louis XV autorisait en effet le transport du vin mousseux en paniers de 50 à 100 bouteilles.
Sous le patronage de l’oncle moine, Dom Thierry Ruinart
Nicolas Ruinart fut influencé par son oncle, le moine bénédictin Dom Thierry Ruinart (contemporain de Dom Pérignon), un grand érudit de la congrégation de Saint-Maur, décédé en 1709, à l’abbaye de Hautvillers. Il avait observé au cours de ses voyages, l’enthousiasme que suscitait le vin de Champagne auprès des grandes cours d’Europe. Pour lui rendre hommage, 230 années après sa fondation, Ruinart créait une cuvée de prestige qui porte son nom (Dom Ruinart) suivie aujourd’hui de 22 millésimes (voir plus bas le dernier, le millésime 2004).
Le succès fut vite au rendez-vous. Dès 1735, l’élaboration de Champagne et son négoce deviennent l’unique activité de la maison Ruinart : 170 bouteilles sont vendues en 1730, 3 000 bouteilles en 1731, 36 000 en 1761. Au nom de Dieu et de la Sainte Vierge, écrit Nicolas Ruinart en tête de son livre de comptes. On le voit, le neveu est resté fidèle jusqu’au bout à son oncle bénédictin.
La craie, le miracle de la Champagne
En 1764, la maison est transférée à Reims, sur la butte Saint-Nicaise, au dessus de crayères, les seules à avoir été classées en 1931 au titre des sites et monuments naturels à caractère artistique, historique, scientifique ou pittoresque. Elles furent transformées en de gigantesques caves à l’initiative de Claude Ruinart, petit-neveu du moine. Il avait eu l’idée d’acheter ces anciennes carrières de craie exploitées depuis les Gallo-Romains pour la construction de Reims et plus tard pour fortifier la ville. Ruinart est ainsi la première maison de Champagne à entreposer son vin et à l’élever dans la profondeur de la craie à l’abri de la lumière et des vibrations avec une température constante, autour de 10° et un taux d’humidité idéal entraînant une prise de mousse lente. En 1820, après y avoir stocké ses bouteilles, Ruinart entreprend de creuser les caves actuelles sous la butte du Moulin de la Housse.
Sous la colline Saint-Nicaise, 57 km de galeries
Sous la colline, ont été creusées de gigantesques crayères qualifiées de cathédrales souterraines aux essors de 35 m de haut. Ce sont ces essors autrement dit ces puits qui intéressent les maisons de Champagne car permettant l’aération des galeries. À la fin du XIXe siècle, on recensait près de 3 000 essors sous les quartiers Saint-Nicaise et Saint-Remi. Ils avaient été creusés par les carriers et descendaient jusqu’à la craie compacte en s’évasant pour former en fin d’exploitation d’immenses crayères. La colline compte 57 km de galeries. Le réseau souterrain de la Maison Ruinart regroupe des crayères de l’époque médiévale et des galeries creusées aux XVIIIe et XIXe siècles à 38 m de profondeur sur 3 étages de galeries qui se croisent sur plus de 8 km de long.
Ruinart, d’abord une histoire de famille
Dès 1773, Ruinart commence à acquérir des terres. La maison possède aujourd’hui environ 17 ha en propre sachant que 90 % de ses approvisionnements proviennent de récoltants champenois.
En 1817, la famille est anoblie. Elle prend le nom de Ruinart de Brimont et pendant près de deux siècles, continue à prospérer dans l’esprit des fondateurs. Il y eut Irénée l’administrateur, Edmond l’américain parti dès 1830 à la conquête des Etats-Unis. Il fut d’ailleurs reçu par le président Jackson ; Edgar le russe qui ouvrit ce marché à la Maison. Il y eu la « régente » la vicomtesse charlotte, L Mary Kate Charlotte Riboldi, vicomtesse Ruinart de Brimont qui marqua l’histoire de la Maison. A la mort de son époux André Ruinart, cette Anglaise d’origine modeste, dirigea en femme de tête Ruinart de 1919 à 1925 en attendant que leur fils soit en âge de lui succéder. C’est elle qui remit sur pied après les destructions de la guerre, la maison Ruinart entièrement détruite. Elle fit reconstruire à l’identique les bâtiments de surface par l’architecte Thiérot dans le respect de l’architecture d’origine, sur le modèle des quartiers de cavalerie en U. Mais les difficultés engendrées par les deux conflits mondiaux poussent Ruinart à s’unir à Moët & Chandon en 1963 pour entrer en 1988, dans le giron de LVMH. Ainsi, depuis 2003, la grande majorité des bouteilles de Ruinart sont produites par Moët. Le site historique de Reims continue de produire les bouteilles de prestige.
Le goût Ruinart
Le Chardonnay est l’âme de la maison Ruinart. Il illumine le Champagne de cette maison. Il est issu principalement de la Côte des Blancs et de la Montagne de Reims. D’une grande fraîcheur aromatique, vif, pur, lumineux, le chardonnay est le fil conducteur de tous les assemblages de la maison. Deux cuvées sont notamment élaborées exclusivement à base de chardonnay, le Ruinart Blanc de Blancs et le Dom Ruinart cuvée de prestige et expression ultime du chardonnay. Impossible de ne pas évoquer ce cépage star de la maison sans mentionner son gardien du temple, le chef de cave Frédéric Panaïotis (né en 1964), arrivé chez Ruinart en 2007 (Il succédait à Jean-Philippe Moulin). Il est ingénieur-agronome et oenologue de formation. Après un passage en Californie, il va intégrer d’abord le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne puis la maison de champagne Veuve Clicquot.
Un Champagne mythique
C’est sous sa surveillance que s’élabore cette cuvée prestigieuse qu’est Dom Ruinart, hommage à ce moine érudit qui fut au XVIIIe siècle, le ferment de la maison. Après la seconde guerre mondiale, Gérard Ruinart de Brimont avait demandé à Bertrand Mure* une idée pour développer les ventes. Il créa la cuvée Dom Ruinart 100 % chardonnay Grands Crus, dans un flacon XVIIIe siècle, inchangé depuis, seul l’habillage a été modernisé. La première commercialisée en 1969 fut le millésime 1959.
* Bertrand Mure a consacré l’essentiel de sa vie à Ruinart. Il était entré chez Ruinart en 1938 pour aider son cousin Ruinart de Brimont. C’est à lui que l’on doit le rapprochement de la maison auprès du groupe Moët-Hennessy (devenu LVMH). Il est mort en 2009 dans sa 95e année. N’oublions pas non plus qu’il a été le président-fondateur de VINEXPO.
Frédéric Dufour, 15e président de la plus ancienne Maison de Champagne
En 2009, le Champagne Ruinart voyait Roland de Calonne, qui avait sextuplé le chiffre d’affaires de la maison en 20 ans, passer le témoin à Bernard Peillon. Trois ans plus tard, en 2011, celui-ci quittait Ruinart. Il est aujourd’hui remplacé par Frédéric Dufour devenu le 15e président de la plus ancienne maison de Champagne. Frédéric Dufour vient du même groupe, ayant été depuis 2008, Directeur international de Veuve Clicquot. Ruinart vend aujourd’hui 3,3 millions de bouteilles. La Maison lui doit d’avoir augmenter substantiellement les exportations. A son arrivée, elles ne comptaient que pour 25 % des ventes. En 2014, elles représentaient 45 % : dans les dix prochaines années, je compte renverser la tendance et vendre 65 % de notre production à l’étranger.
La gamme Ruinart
- « R » de Ruinart Brut : assemblage de 40 % chardonnay, 57 % pinot noir et 3 % pinot meunier, incluant 20 à 25 % de vins de réserve des 2 années précédentes. Vinification : vendanges manuelles, fermentation alcoolique en cuves inox thermorégulées et fermentation malolactique. Dosage : 9 g/l.
- Ruinart Blanc de Blancs : assemblage 100 % chardonnay de différentes années (20 à 25 % de vins de réserve des 2 années précédentes) avec une très forte majorité de Premiers Crus issus de la Côte des Blancs et de la Montagne de Reims complétés par des vins du Sézannais (connus pour apporter de la rondeur). Enfin, quelques vins du nord de la vallée de la Vesle pour une touche de fraîcheur et de légèreté. Vinification : vendanges manuelles, fermentation alcoolique en cuves inox thermorégulées et fermentation malolactique. Dosage : 9 g/l.
- Ruinart Rosé : assemblage élaboré sur une base de chardonnay et de pinot noir majoritairement classés en Premiers Crus, avec de 20 à 25 % de vins de réserve des 2 années précédentes ; 45 % de chardonnay de la Côte des Blancs et de la Montagne de Reims ; 55 % de pinot noir de la Montagne de Reims et de la Vallée de la Marne, dont 18 à 19 % vinifiés en rouge. Vinification : vendanges manuelles, fermentation alcoolique en cuves inox thermorégulées et fermentation malolactique. Dosage : 6 g/l.
- Dom Ruinart 2004. Cette cuvée d’exception rend hommage à Dom Thierry Ruinart, esprit visionnaire à l’origine de la fondation de la Maison. Dom Ruinart 2004 est intégralement composé de chardonnay Grands Crus : 69 % de la Côte des Blancs (dominante Chouilly, Le Mesnil et Avize) et 31 % du versant nord de la Montagne de Reims (dominante Sillery et Puisieulx).
- Dom Ruinart Rosé 2002 : assemblage de 80 % de chardonnay des grands crus de la côte des Blancs pour 72 % (Avize, Cramant, Le Mesnil-sur-Oger) et de la Montagne de Reims pour 28 % (Sillery, Puisieulx) et de 20 % de pinot noir vinifié en rouge, issu des crus de Sillery et Verzenay. Vinification : degré potentiel : 10,5° (10,7° pour les chardonnays) et acidité totale : 7,2 g H2SO4/l ; vendanges manuelles ; fermentation alcoolique en cuves inox thermorégulées (18 – 20°C) et fermentation malolactique. Dosage : 5,5 g/l. Nul doute qu’une longue garde supplémentaire lui permettra de rejoindre les plus grands millésimes de Dom Ruinart Rosé comme 1996, 1990, 1988 ou le mythique 1976.
- « R » De Ruinart 2007 (2007 est une année atypique, l’une des rares en Champagne où les vendanges ont débuté en Août comme 2003 et 2011). Assemblage : 55 % de pinot noir et de 45 % de chardonnay, tous issus de grands et de premiers crus de la Côte des Blancs et de la Montagne de Reims. Dosage : 7 g/l.
Comment mieux cerner les arômes du Ruinart Rosé ?
Tout simplement en faisant appel au service d’un parfumeur : International Flavors and Fragrances. C’est ce que fit Frédéric Panaïotis, chef de cave de Ruinart. Le parfumeur a rendu son verdict. Le Rosé Ruinart possède huit senteurs. Sa finesse et sa subtilité, il les doit à deux fruits exotiques : la goyave et le litchi ; les petits fruits rouges (cerise et framboise) fournissent la rondeur ; le pamplemousse rose et la menthe poivrée offre la fraîcheur ; la grenade assure la couleur de la robe et la rose de Damas apporte ce parfum de notes pâtissières.