
Saké et vin, si proches, si loin !
Entre vin et saké (nihonshu en japonais), c’est à s’y méprendre ! Comme pour le vin, il existe des sakés grands crus, des sakés secs, des sakés doux voir liquoreux, des sakés effervescents, peu alcoolisés et très branchés. Si certains sakés peuvent être vieillis (et livrés) en fûts de cèdre japonais (komodaru), des cèdres de la région de Yoshino (préfecture de Nara) ou en fûts d’émail, il existe aussi des Taru sakés en fûts de chêne, une rareté ! Le saké se sert traditionnellement dans un shuki, composé d’un pichet et de tasses en céramique (heishi étant la bouteille et masu, la tasse). En bois, la tasse est surtout utilisée pour des sakés servis chauds. Mais la qualité et la complexité de certains sakés poussent les amateurs à les boire dans des verres à vin (verre INAO). Last but not least, tel le Beaujolais nouveau arrivant immanquablement en novembre, le saké nouveau débarque maintenant chaque année début février. Ce « premier » Saké est appelé shinshu (saké nouveau)*, un saké plus frais, plus vif que le classique. Il est sans gluten, sans sulfite, et non pasteurisé. Il se consomme dans les 6 semaines suivant son tirage.

Le saké nouveau est arrivé !
*C’est une tradition au Japon, le saké est produit pendant l’hiver, lorsque le climat est frais pour assurer un meilleur contrôle de la fermentation du riz. Fin janvier donc, les producteurs japonais procèdent aux ultimes tirages et mises en bouteille. Le shinshu est ainsi le premier tirage de la production de l’année, à découvrir en primeur début février. Il est promu à Paris notamment par la Maison du Saké (11 Rue Tiquetonne 75002)*, Kinasé (Niigata), 28, rue du Dragon 75006 Paris, le restaurant Joël Robuchon-Dassai (le dernier projet du grand chef en association avec la brasserie Asahi Shuzo)…
*C’est d’ailleurs Youlin Ly, fondateur de la Maison du Saké à Paris, détenteur depuis 2015 du titre de Saké Samourai, qui a eu l’idée de lancer l’opération saké nouveau (shinshu).

L’équivalent d’un grand Bourgogne
Tout un monde est à découvrir pour percer le saké dont certains crus sont considérés comme l’équivalent de grands vins blancs. Partons donc à la découverte de ses principaux terroirs, ceux des préfectures de Niigata, Hyôgo (Kobé), Gifu (Takayama), Kyôto (Fushimi), Kanagawa (Mont Fuji), Iwate, Hiroshima, Yamaguchi (Iwakumi)… et de ses grands brasseurs. Voyons l’histoire du saké si profondément liée au shintoïsme (la voie des dieux). Mais aussi, comment peut-on s’y reconnaître dans le classement du saké qui semble aussi alambiqué que celui du vin ? Enfin, apprendre les mille et une manière de le déguster et surtout à quelle température. Aujourd’hui, il existe près de 1300 producteurs japonais de tailles diverses qui proposent plus de 10 000 sakés différents. Le saké est donc prêt à conquérir le monde. Il est déjà la boisson tendance, de New York à Londres, de Berlin à Sidney, il le devient à Paris. En France, on assiste à la naissance des premières micro-brasseries à saké. Alors, Kanpai ! (乾杯 = かんぱい) à votre santé !
*o-sake est le terme en japonais qui désigne une boisson alcoolisée. Il a un sens plus général qu’en France ; Nihonshu, alcool en japonais étant le terme utilisé pour désigner cet alcool de riz. Le saké, vin de riz ne doit pas être confondu avec le saké chinois, le Baiju, qui est un spiritueux (distillation de riz) ou le Shochu qui est aussi un spiritueux japonais (distillation de riz ou patate douce).
Actualité 2022
Le saké Sôke Ozakaya Junmai Daiginjyo si proche d’un grand vin blanc.
Si l’homme, le riz et l’eau font les meilleurs sakés, alors le saké Sôke Ozakaya junmai Daiginjyo (disponible en France) touche au sublime ! Un saké mi-sec qui titre 15,8 %. Il est brassé à partir d’un riz très poli (du riz Yamada Nishiki réputé pour sa qualité supérieure) ce qui donne un arôme riche et fruité et une saveur délicate. Ce saké est originaire de la ville de Nishinomiya (préfecture de Hyōgo) entre Kobe et Osaka, une terre qui jouit du meilleur riz et de la meilleure eau (une eau souterraine s’écoulant de la chaîne du Mont Rokko jusqu’à Nishinomiya). Ses minéraux en font un ingrédient clé dans la production d’un saké de qualité supérieure. Et c’est là, entre mer et montages que se trouve la brasserie Ozerki* fondée par Osakaya Chobei en 1711. Elle fut la première maison de saké à s’implanter aux États-Unis et la pionnière dans la nouvelle façon de déguster le saké en inventant « One Cup Ozeki », saké servi dans un verre.
*Jusqu’au 20ème siècle, l’appellation « Ozeki » correspondait au plus haut niveau parmi les lutteurs de Sumo, le sport national du Japon.

Les sakés font leur révolution bio
Les sakés Meguru sont les premiers sakés conçus selon les principes biologiques du zéro déchet dans le respect de l’écosystème et dans un mode éthique. Ils sont issus de la culture du riz *sans herbicide, sans OGM et autres engrais chimiques. Principe qui s’applique également à l’ensemble du processus de fabrication du saké jusqu’à la mise en bouteille, en privilégiant les circuits ultra courts.
*Le riz Yamadanishiki de la préfecture de Hyogo notamment est très recherché malgré les difficultés de le produire mais en raison de son potentiel de revenu élevé. Taux de polissage du riz 60 %.
Les premiers sakés SDG du Japon
Ces sakés sont les premiers sakés SDG* du Japon créés avec un minimum de déchets jusqu’à prévoir des bouteilles consignées à l’avenir.
* Sake for SDG (Sustainable Development Goals ou en français Objectifs de Développement Durable), projet visant à connecter les gens et la nature à travers un nouveau cycle de ressources. Meguru est d’ailleurs ce symbole de la « connexion ».
Les 4 sakés Meguru dégustés à Paris lors de la célèbre soirée professionnelle de l’APCIG
Les 4 sakés Meguru ont été dégustés lors de la soirée de l’APCIG, la plus importante association qui regroupe 450 journalistes et influenceurs du vin et de la gastronomie. Ils se retrouvent à Paris chaque année (en septembre en 2022) à l’occasion de la sortie de leur annuaire et de la remise du célèbre prix Curnonsky qui récompense chaque année deux journalistes (un pour le vin et l’autre pour la gastronomie).

Kobe Shushinkan « FUKUJU » (Junmai Ginjo-shu)
Le Shushinkan de Kobe « FUKUJU » se repère facilement à ses arômes frais et vifs de mandarine et de citronnelle. A servir bien frais dans un verre à vin avec de l’anguille grillée, une côtelette de porc ou un kinton (plat japonais composé de purée de patates douces et de châtaignes). Et pourquoi ne pas l’essayer avec fromage de chèvre.
Fukunishiki « FUKUSHINIKI » (Junmai Ginjo-shu)
C’est un saké brassé selon la méthode traditionnelle du « kami hashiwazukuri ». Ainsi, les saveurs du Yamadanishiki (le riz) et la légère acidité des bactéries lactiques naturelles apportée par la fermentation donnent à ce saké toute sa personnalité. Il peut être bu froid ou réchauffé à environ 30°. Il accompagnera des plats comme le Mizutaki au poulet* ou le “Yose-nabe” aux fruits de mer de la mer d’Harima, une fondue composée d’un bouillon clair, de tofu, de salade, de viande et de poisson.
*Ce plat généralement consommé de novembre à avril comprend du poulet, des poireaux, des champignons et des épinards en sauces et se présente comme une fondue à la japonaise.
Sanyo Hai Shuzo « BANSHU IKKON » (Junmai Ginjo-shu)
Voici un saké aux notes sucrées de pomme et de melon marqué par une légère acidité. Sa large gamme de saveurs se marient avec toute sorte de plats. A boire à environ 10°pour mieux apprécier sa saveur légère et rafraîchissante. À déguster avec de la bonite* ou des tempuras (plat de friture japonais, originaire du Portugal).
*Espèces de poissons de la famille des thons et des maquereaux.
Okada Honke « SEITEN » (Junmai Ginjo-shu)
Il a à la fois une belle acidité et des saveurs marquées. En bouche, on a une bonne présence avec un arrière-goût rafraîchissant. A servir frais. Avec l’anguille de mer. En France, la façon la plus courante de la cuisiner serait à la « matelote », c’est-à-dire cuite non dans du vin mais dans ce saké. Pour les Japonais, ce saké accompagne souvent le foie d’anguille de mer en ragoût sucré et épicé ou avec du Tsukudani (aliment bouilli dans de la sauce soja), une spécialité !


Nomenclature du dossier
- I/Histoire du saké lié au shintoïsme
- II/Comment déguster un saké ?
- III/Riz et polissage du riz
- IV/Les très grands terroirs à saké du Japon
- V/La classification des différentes catégories de saké
- VI/Les 9 étapes pour produire du saké
- VII/Petit vocabulaire pour s’y retrouver
- VIII/Kura Master, premier concours de sakés japonais en France
- IX/Salon Européen du Saké

Japonismes met à l’honneur le saké
A l’heure de Japonismes à Paris* (2019), la plus importante série de manifestations culturelles japonaises jamais organisées hors des frontières du Japon et alors que se célèbre le début de l’ère Meiji*, question gastronomie, pourquoi ne pas mettre à l’honneur le saké encore trop peu connu ? C’est la boisson la plus ancienne (la plus vieille brasserie du pays a été créée en 1141) et sans doute l’une des plus consommées au Japon, celle qui associe rites religieux et gastronomie.
* L’ère Meiji s’ouvre en 1867-68 par la restauration impériale. La cour délaisse alors Kyoto pour s’installer à Edo rebaptisée Tokyo (Capitale de l’Est). Il a fallu moins d’une génération pour que l’Empire du Soleil levant s’ouvre alors au monde et se hisse parmi les puissances majeures de la planète.
*Japonismes fait évidemment référence à l’engouement des peintres français pour le Japon, influencés par les estampes japonaises du XIXe siècle.

Le saké à la conquête des français !
Alors qu’on célèbre aussi le 160e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon, quel rêve pour les brasseurs japonais de faire de la France, pays du vin et de la gastronomie, leur prochain terrain de bataille pour conquérir le marché de l’export (le marché fait état de 50 000 bouteilles vendues chaque année en France) ! Pour cela, précédés du 5e Salon Européen du Saké (à Paris les 6-7 et 8 octobre 2018) où 500 sakés sont présentés, ils vont s’appuyer sur des soirées de dégustation de saké organisées dans différents bars à vin et à saké de Paris en présence de sommeliers français (de novembre 2018 à février 2019). Possibilité donc de déguster une incroyable sélection de sakés venus des préfectures de Saga, Ishikawa, Niigata, Hiroshima, Nara et Shimané avec comme invité d’honneur, la préfecture de Hyôgo, située dans le Kansai au centre-ouest de l’île de Honshû et reconnue comme la plus importante région de production de saké. Alors, à quand l’engouement des français pour le saké à l’image de leur passion pour le whisky japonais ? Déjà des projets de micro-brasseries à saké commencent à naître en France comme il en existe aux Etats-Unis*, au Brésil, en Grande-Bretagne*, en Australie… ! Est-ce un signe ? Depuis 2017, est organisé Kura Master, premier concours de sakés japonais en France (voir plus bas, les résultats 2018). Et puis, preuve de cette nouvelle passion française, Le Salon européen du Saké fondé par Sylvain Huet, 1er français nommé saké samouraï par les producteurs lors d’une cérémonie officielle à Kyôto ! Ce salon est aujourd’hui devenu le plus important événement consacré au saké en dehors du Japon.
- * A Berkeley : Takara ; à Folsom : Gekkeikan. Takara est l’un des principaux producteurs de saké au Japon depuis plus de 150 ans. Il s’est établi à Berkeley en 1982 en utilisant pour ses sakés, l’eau pure de la fonte de neige de la Sierra Nevada et le riz de qualité supérieure de la vallée de Sacramento. La brasserie fabrique le Sho Chiku Bai, principale marque de saké à Berkeley ainsi qu’au Japon. C’est le saké le plus vendu aux États-Unis. Deuxième implantation, si en 1637, le fondateur de Gekkeikan, établissait sa brasserie de saké dans la ville de Fushimi, un lieu réputé pour la qualité de son eau, 352 ans plus tard, pour répondre à une demande croissante, Gekkeikan Sake (USA), Inc. était créée (en 1989) à Folsom, en Californie.
- *A Londres, Kanpai London Craft Sake, la première brasserie de saké en Grande-Bretagne, a été créée par Lucy Holmes et Tom Wilson. De toute petite taille, leur établissement lancé en février 2017 fait déjà beaucoup parler de lui.
La france, marché leader du saké en Europe : depuis 2013, les exportations de saké vers la France ont bondi de 161 % en volume et 238 % en valeur. La France est devenue en Europe leader de cette croissance, connaissant en 2017 une véritable explosion des volumes de 58 %. Les japonais ne s’y sont pas trompés en ouvrant pour la première fois en France, la seule et unique Boutique de saké de Niigata sous le nom de Kinasé, rue du Dragon à Paris en juillet 2018.
Un saké 100 % français
Le projet des frères Fernandez pour produire du saké à partir de riz planté en Camargue n’est plus un rêve. Il fallut d’abord trouver le riz idoine, le miyama nishiki, originaire de Nagano ou le Gimpu (Hokkaido), intéressant car il est à paille courte, léger, résistant au froid, aux maladies et cultivable sur un cycle court de 90 jours. En 2017, un riziculteur gardois, Bernard Poujol, fut donc le premier à produire du sakamai (riz à saké), en Camargue dont la récolte a rejoint dans le Tarn la micro-brasserie de Stéphane et Christophe Fernandez équipée d’une brasseuse japonaise pour produire un saké 100 % français.
Le saké, toute une éducation !
Comme pour le vin, tout est une question d’éducation et d’apprentissage à la dégustation. La réglementation de cette boisson est stricte. Elle définit ce que sont les sakés ordinaires et les sakés supérieurs essentiellement sur la base du polissage du riz. Pour faire simple, on dénombre 4 grandes catégories de sakés, et dans la catégorie supérieure, la dénomination Tokutei-meishoshu, regroupe différents types d’appellations contrôlées. Alors ce saké trouble voire nuageux au goût plutôt doucereux qui semblerait être non filtré (comme pour certains vins), s’agirait-il d’un nigorizake ? Est-ce vrai que pour le Daiginjô qui se brasse artisanalement, est ajouté de l’alcool de fermentation contrairement au Junmai-daiginjô (le nec plus ultra des sakés) ? Et qu’est-ce que ce Dassai 23 ?
Vous l’avez compris, pour devenir connaisseur, la meilleure façon d’apprendre à l’instar du vin, c’est encore avec le palais. Mais question saké, il faut en connaître les codes, l’histoire, la géographie, les principaux riz à saké, cette eau qui marque chaque saké et qui signe le terroir, les processus de fabrication, les catégories aussi complexes que pour le vin, les appellations et les différents noms des préfectures et des grands brasseurs (brasserie=kura) qui y sont établis depuis souvent plus de 2 siècles.

I/ Une très brève histoire du saké lié à la religion shintô
Le saké serait arrivé dans l’archipel vers le IIIe siècle, avec le développement de la riziculture. Sa fabrication était alors réservée aux prêtresses qui mâchaient le riz avant de le laisser fermenter, grâce aux enzymes contenues dans la salive. Ce sont les chinois qui à l’époque médiévale, apprirent aux Japonais à fabriquer le qû, dénommé au Japon kōji utilisé pour convertir l’amidon du riz en sucre, avant de réaliser la fermentation alcoolique grâce à l’action de levures. Ce premier saké fut ensuite fabriqué à la cour impériale par les moines shintoïstes. A partir du XIIe siècle, les méthodes de brassage évoluent. Les sanctuaires utilisent désormais des cuves dans lesquelles l’eau et le riz sont mélangés. Dès l’origine, le saké a été dans l’archipel japonais la boisson des dieux et des fêtes. Depuis les temps anciens, on voue au riz un grand respect. Le saké, qui est le fruit de sa fermentation, est considéré comme renfermant un pouvoir spirituel. Il a toujours été lié à la religion shintô, religion animiste qui considère que tous les êtres, les arbres, les animaux, les pierres sont des divinités. Il va donc servir d’offrande, mais aussi permettre de communiquer avec celles-ci. L’empereur qui selon la tradition shintoïste, est le descendant de la déesse du Soleil, l’une des deux principales divinités du shintô, dispose de sa propre cuvée spécialement préparée à son attention et produite à partir de sa rizière personnelle (depuis 1945, l’empereur n’est plus un « dieu humain visible »).

Ces sakés fruités, pétillants, sans alcool pour séduire les jeunes
Au Japon, on aime boire le saké sous la lumière de la lune, un astre qui porte bonheur. Mais difficile à croire ! Dans sa propre patrie, le marché du saké n’est pas dans une forme florissante. Il est battu en brèche chez les jeunes par les alcools forts, le vin et la bière*. Le Japon est confronté d’abord à la baisse des producteurs de saké (une quinzaine d’entre eux concentre la moitié de la production annuelle). Leur nombre est tombé sous la barre des 1500. A cela, il faut y ajouter la difficulté de recruter des jeunes pour la récolte du riz. Mais si la production diminue, la qualité augmente et se diversifie notamment à destination des jeunes générations en élaborant des sakés fruités, des sakés pétillant, des sakés sans alcool (un peu comme pour le vin). Le défi pour les brasseurs serait de reproduire pour le saké, l’immense succès planétaire des whiskies japonais.
*Alors que la consommation annuelle totale d’alcool par adulte japonais est en moyenne de 94 l, la consommation de saké japonais n’est que de 11,55 l. Le Japon de plus, n’exporte que 4 % de sa production de saké.
Saké et vin, si proches !
Saké et vin, tout semble les rapprocher, la fermentation qui dégradent l’amidon du riz en sucre puis par l’action de levures, en alcool* ; le degré d’alcool très proche (entre 14° et 18°) ; la notion de terroir ; des familles de riz considérés comme de grands cépages ; une classification extrêmement alambiquée ; le pourcentage presque identique d’eau contenue dans les deux (80 % pour le saké, et près de 90 % pour le vin) ; l’art de l’assemblage (comme pour le Champagne), ainsi le saké Kenbishi (préfecture de Hyôgo) assemblé à partir de 300 sakés de lieux et d’années différentes ; le millésime inscrit sur les bouteilles, celui de l’année de récolte du riz suivi de celle du procédé d’élaboration du saké et, jusqu’à la notion mystique des deux alcools. Le vin depuis la genèse apparaît 173 fois dans l’Ancien Testament et 41 fois dans le Nouveau Testament. Je suis la vraie vigne, et mon père est le vigneron dit le Christ jusqu’à la transsubstantiation du vin en sang du Christ. Et puis, n’oublions pas la symbolique du pressoir mystique thème récurrent dans l’iconographie chrétienne.
*Pour la fermentation, une seule différence ! Le vin contrairement au saké ne nécessite qu’une simple fermentation. Le raisin contient glucides et glucose (des sucres fermentescibles). Il n’est donc pas nécessaire de le convertir en sucre avant l’étape de fermentation. Il suffit simplement d’ajouter de la levure et de laisser la fermentation se faire naturellement.

II/ Comment déguster un saké ?

Des sakés qui titrent entre 14 et 18°
En général, le saké titre entre 14 et 18°, à peine plus élevé que le vin. D’ailleurs il rentre pleinement dans la catégorie des vins (un vin de riz) puisque issu de la fermentation du riz (nihonshu) et non pas de la distillation. On parle d’ailleurs de sakéification comme de vinification pour le vin. Quant à la température de dégustation, on l’évalue sur une échelle de 10, allant du vraiment chaud (55°C) à la fraîcheur de la neige (Yuki hie) soit 5°C. Tout dépend de la finesse et des sensations recherchées. La règle veut que plus le grain de riz est poli, moins on le sert froid (voir plus bas). En général, les sakés les plus aromatiques (les plus modernes) se consomment frais alors que les sakés marqués par leurs qualités gustatives (les plus traditionnels) sont meilleurs chauds.
Tableau des températures de dégustation du saké
- Tobikiri kan : « Saké chauffé au point de nous faire partir pour de bon » (égal ou supérieur à 55°)
- Atsu kan : « Saké chauffé vraiment chaud » (50°)
Un saké chaud se sert soit dans une petite carafe en aluminium (chirori) ou réchauffé au bain marie, dans un tokkuri. - Jo kan : « Saké chauffé à température supérieure » (45°)
- Nuru kan : « Saké chauffé tièdement » (40°)
- Hitohada kan : « Saké chauffé à la température de la peau » (35°)
- Hinata kan : « Saké chauffé par les rayons du soleil » (30°)
- Jo on : « À température normale » (ambiante) (20°)
- Suzu hie : « À la fraîcheur rafraîchissante » (15°)
- Hana hie : « À la fraîcheur d’une fleur » (10°)
- Yuki hie : « À la fraîcheur de la neige » (5°)
Le saké lorsqu’il est servi chaud est contenu dans une petite bouteille en terre cuite, le tokkuri 徳利 placée dans de l’eau chaude jusqu’à ce qu’il atteigne la température idéale de 50°C. Il est alors bu dans de petites coupes nommées sakazuki 杯.
Pour bien le déguster
Lors de la dégustation et contrairement au vin, la recherche se fait plutôt dans la pureté et la délicatesse des arômes que dans leur trop grande expression. Les experts ont ainsi pu déceler dans le saké près de 600 arômes* contre 300 pour le vin. Donc, on va d’abord juger les aspects visuels (pureté, brillance), puis olfactif et gustatif. Mais comme pour le vin, le saké a besoin de s’oxygéner pour développer ses arômes. Il faut donc le faire tourner dans le verre pour découvrir l’ensemble de ses nuances. N’oublions pas que le saké est un exhausteur de goût et que là où le vin se marie avec la nourriture, le saké la sublime. On dit que «le saké aime le gras et le sel». Sur cette constatation, Manuel Da Motta Veiga, sommelier parisien et ambassadeur de la marque Dassai ouvre toutes les possibilités : évidemment tous les plats iodés (donc fruits de mers et poissons) mais aussi les viandes qui ne sont pas trop sèches. Un saké très complexe sur une blanquette de veau ou un bourguignon de bœuf, avec sa sauce au vin rouge: c’est déroutant. Il faut le goûter pour le croire: le saké allège le plat. Ainsi qu’avec des plats de cuisines exotiques, Maroc, Inde ou Thaïlande. Alors, Itadakimasu (頂きます ) dit-on en japonais avant de commencer un repas !
*Les 3 termes à connaître :
- Saveur (ajiwai)
- Arômes (kaori)
- Sensation en bouche (shitazawari)

Saké, de sec à doux, de plat à acide : les quelques mots qu’il faut savoir
Le saké est-il doux ou sec ? Cette valeur (nihonshu-do) est indiquée au Japon par le sakéomètre ou SMV ((Sake Meter Value) dont la graduation va généralement de -15 à +15 (de plus sec à plus doux). Il mesure également l’acidité du saké sur une échelle qui va de 1,0 à 2,0. Plus le chiffre est bas moins le taux d’acidité est élevé. Irions-nous pour décrire l’acidité d’un saké comme pour le vin, de : plat, creux, maigre, équilibré, frais, nerveux, vif, acidulé jusqu’à vert, acerbe, agressif, acide ?
Votre saké est-il plutôt doux (ama-kuchi) ou sec (kara-kuchi) ?
- Tanrei : goût rafraîchissant
- Nojun : goût moelleux, riche et robuste
- Tanrei kara-kuchi : goût sec et rafraîchissant
- Nojun uma-kuchi : riche et robuste, plein de corps
Une cinquième saveur !
Les japonais ont pour décrire le goût, une cinquième saveur à leur disposition : l’umami «うまみ ». Elle complète le sucré, le salé, l’acide et l’amer. Ce terme japonais, qui se traduit généralement par goût savoureux, est devenu un terme commun utilisé dans toutes les langues. L’umami permet d’arrondir et d’équilibrer la saveur du plat. On pourrait le décrire comme une saveur plaisante, durable, appétissante qui recouvre la langue. Plus scientifiquement, cette 5e saveur se retrouve dans les aliments contenant essentiellement du glutamate*.
*On trouve du glutamate notamment dans le sel, le poivre, l’huile, les conserves de légumes, le poissons, la sauce soja, les plats de la cuisine asiatique… C’est un additif alimentaire.
III/ Les grands riz à saké et le polissage du riz
Les très grands riz à saké

On parle de riz sakéifaires. A vouloir les dénombrer, il en existerait presque 100 de la variété japonica enregistrés officiellement et développés pour le Saké, la plupart étant le fruit de croisements sur plusieurs générations. A l’instar de la vigne, il existe aussi des cépages de riz marqués par des arômes différents. Pour le saké, on utilise une catégorie spéciale appelée sakamai qui contient beaucoup d’amidon. Et c’est le Kôji (champignon microscopique de type aspergylus orizae, sorte de moisissure qui se développe sur le riz) qui va dégrader l’amidon en sucre permettant la fermentation en alcool sous l’action des levures. Sur l’étiquette, à l’identique du cépage, la variété du riz utilisé y figure. A titre d’information, les trois principaux riz à saké sont :
- Yamada Nishiki (préfecture de Hyôgo),
- Gohyakumangoku (préfecture de Niigata),
- Miyamanishiki (préfecture de Nagano).
Le polissage du riz s’affiche toujours en %. Il indique ce qu’il reste du grain de riz après polissage (Seimai-buai). Plus le chiffre est bas, meilleur sera le saké. Ainsi, par exemple un Seimai-buai de 40 % signifie que le riz a perdu 60 % de son poids au terme de l’étape de polissage. Des riz sont particulièrement recherchés pour leurs très grandes qualités. Ils proviennent des préfectures d’Hyôgo (Kobé), d’Okayama et de Niigata. On peut citer également le Hattan-nishiki et le Senbon-nishiki de la préfecture de Hiroshima. A titre d’exemple, un saké Junmai Ginjô, nécessite 2 kg de riz (50 % de taux de polissage) pour produire 1 litre de saké.
Le Yamada Nishiki, sans doute le meilleur riz à saké
Le Yamada Nishiki a pour terroir, le district Fujita à Katô (préfecture de Hyôgo) dans l’ouest de Honshû, là où il est né il y a plus de 80 ans ; un district classé en zone spéciale A qui équivaudrait à un terroir de grand cru classé. Il faut dire que dans le district de Fujita, toutes les conditions sont réunies (climat et sol*) pour une croissance optimale et une pleine maturation des épis. Ainsi, la proximité de la mer intérieure de Sétouchi (surnommée la mer Egée du Japon) avec des hivers doux et des étés chauds garantit un ensoleillement et une humidité stables tout au long de l’année. A cela s’ajoute l’apport d’une bonne fraîcheur nocturne venue des monts Rokkô qui séparent la région de cette mer intérieure. A croire que le climat méditerranéen s’est transposé au pays du soleil levant ! Ultime détail, comme la vigne, l’exposition des rizières dans un axe est-ouest leur permet de bénéficier d’heures d’ensoleillement prolongées.
*Un sol particulièrement riche en magnésium qui favorise la bonne croissance du riz, la grosseur des grains et leur concentration en amidon.
IV/ Les très grands terroirs de production du saké au Japon
(liste non exhaustive)

Des brasseries dans toutes les préfectures
Le Japon est couvert par des centaines de brasseries de saké implantées dans toutes les régions productrices de riz à l’exclusion de Hokkaidô* où prédomine le blé et dont la spécialité est tournée plutôt vers la bière et le whisky ; des brasseries qui pour la plupart existent depuis l’époque Edo (ancien nom de Tokyo) allant de 1603 à 1868 et qui précède la restauration Meiji (1868-1912). Pour les reconnaître (s’il le fallait !), c’est simple, à leur entrée, elle se signale par une sugitama, sorte de boule brune de feuilles de cèdre qui éloigne les impuretés et les insectes.
*L’île d’Hokkaidô. Cette île gravement touchée par le tremblement de terre du 6 septembre 2018 possède une importante production rizicole mais consacrée au riz de table (uruchimai et mochigome). Pour le riz à saké, la préfecture a longtemps été à la traîne malgré la présence d’anciennes brasseries (sakagura) dont Kobayashi à Sapporo ouverte en 1878 et Takasago à Asahikawa en 1899. Bien qu’en hiver la température atteigne régulièrement les -20°, l’île a réussi à produire un saké à longue maturation, à la texture plus souple et à la saveur plus légère à partir de 3 variétés de riz à saké : le ginpû apparu en 2000*, le suisei en 2007 et le kitashizuku en 2014. Pour l’anecdote, certains brassent leur saké avec l’eau des icebergs flottant sur la mer d’Okhotsk (qui s’étend entre la péninsule du Kamtchatka, les îles Kouriles et l’île de Hokkaidô). Ils leur arrivent de creuser des “caves à saké” dans des congères de plusieurs mètres d’épaisseur ou même de bâtir des igloos où règne une température constante de 3° avec un taux d’humidité de 90 %. C’est d’ailleurs dans ces « dômes de glace » que le brasseur Takasago à Asahikawa (« la Nada du Nord » en référence à Kobé connue pour l’excellence de son saké) fabrique son saké daiginjo (appelé Ichiya Shizuku) dans des conditions sanitaires idéales.
*Grâce notamment au ginpû, les brasseurs locaux produisent aujourd’hui un saké 100 % Hokkaidô.

Les grands terroirs à saké, une question d’eau !
Faire une sélection des meilleurs brasseurs reviendrait à classer cette dizaine de terroirs très particuliers qui s’enorgueillissent de produire peut-être le meilleur saké du Japon. Dans l’excellence de ces terroirs, la qualité de l’eau (miyamizu) joue un rôle essentiel au point que deux termes sont utilisés pour la décrire : forte (kosui) ou faible (nansui). Une eau forte, riche en potassium et phosphore, va donner un saké aux arômes riches et persistants. Une eau faible aboutira à la création d’un saké plus clair et doux.

1/Kobé, peut-être la plus anciennes et la plus importante région de production
Kobé (préfecture de Hyôgo, sur l’île de Honshû proche d’Osaka), ville connue pour son bœuf wagyu, le fameux bœuf de Kobé qui attire des touristes du monde entier. Mais Kobé tient aussi sa réputation au saké. Elle est considérée comme l’une de ses plus importantes et anciennes régions de production. Ainsi, le quartier des brasseries de Nada (Nada-Gogo soit cinq villages de Nada) correspond-il aux cinq zones de production du saké dans les villes de Kobé et de Nishinomiya. L’eau (miya-mizu) assez calcaire y est d’une très grande qualité. Elle donne un saké sec et fort. Ici, la concentration des brasseries forment un ensemble qui s’étend sur environ 3 km d’est en ouest dont 2 très réputées : Hakutsuru et Kikumasamune. Pour les amateurs, elles offrent des espaces d’exposition ainsi que de bonnes explications en anglais (l’entrée est gratuite).



2/Takayama, haut lieu du saké
Takayama (préfecture de Gifu, au cœur des monts Hida dans les Alpes japonaises*). Ce petit Kyôto des Alpes japonaises possède des sources qui alimentent une dizaine de brasseries réunies dans les ruelles centrales de la ville. Takayama est réputé dans tout le Japon pour être un des hauts lieux du saké. Sa production à partir d’un riz local appelé Hidahomare, conjuguée à l’eau souterraine et à la rigueur du froid hivernal, donne d’excellents sakés plutôt secs. Si la production débuta véritablement vers le XVIIe siècle (Takayama compta plus de 60 brasseurs), il ne reste aujourd’hui qu’une poignée de brasseurs dont : Harado, Kawajiri, Hirata, Hirase, Niki, Funasaka. Les dégustations y sont gratuites.
*les Alpes japonaises se situent au centre du japon et sont constituées de trois chaînes de montagnes étalées sur six préfectures avec une vingtaine de sommets à plus de 3000 m d’altitude.
3/Fushimi, sanctuaire dédié à la déesse du riz Inari
Fushimi (préfecture de Kyôto) se situe dans la banlieue sud de Kyôto près du célèbre sanctuaire de Fushimi Inari, le plus grand sanctuaire shintô du Japon. Erigé en 711, il est dédié à la déesse du riz Inari. C’était autrefois le port fluvial approvisionnant la capitale d’où l’installation des brasseurs. La Brasserie Gekkeikan, l’une des plus anciennes de Fushimi près de Kyôto dispose de son propre musée retraçant l’histoire de la maison ainsi que l’univers de l’ancien Fushimi et de ses canaux.


4/Les pentes du Mont Fuji
Les pentes du Mont Fuji (Odawara, Shizuoka, Préfecture de Kanagawa). La plupart des brasseries profitent de l’eau de source pure coulant du volcan mais aussi de la sainteté du lieu. Elles se trouvent dispersées sur une vaste zone allant de Shizuoka à Odawara. La Brasserie Fuji Takasago à Fujinomiya propose des tours avec dégustations au pied du mont Fuji qui culmine à 3776 m (on est à environ 100 km à l’ouest de Tokyo).

5/Iwate et ses célèbres Toji de Nambu

Iwate, préfecture qui se situe au nord-est de Honshû (à 2h10 de Tokyo en Shinkansen) est recouverte à 80 % d’arbres et de forêts. Elle est connue pour sa gastronomie et son artisanat traditionnel (ferronnerie de Nambu avec notamment ses théières en fonte et ses laques de Joboji et de Hidehira). Mais cette Terre d’Or d’Iwate est surtout une terre à saké grâce à ses maîtres brasseurs, les célèbres Toji* de Nambu, à son eau et à son riz. A Iwate, on utilise pour le saké 3 sortes de riz :
- 1/Gin Ginga : un riz développé pour les sakés Ginjô ;
- 2/Gin Otome: un riz cultivé au centre et au nord d’Iwate pour la fabrication du Junmai et du Hon-Jôzo ;
- 3/Yui no Ka : le meilleur riz à saké d’Iwate. Il a nécessité 10 ans de développement pour ne contenir que très peu de protéines. Il est destiné au saké Daiginjô.
Une dizaine de brasseurs tous très réputés sont présents à Iwate dont Akabu à Morioka, Senkin à Shimohei, Tsukinowa à Shiwa-gun, Nanbu bijin à Ninohe-shi, Washinoo à Hachimantai-shi…
*Les Toji de Nambu. Le toji est le plus haut responsable lors de la production de saké (au rang de Chef de cave ou Maître de chais). Les Toji de Nambu trouvent leur origine, ici même à Iwate, au début du XVIIe siècle. Ils ont créé le style Nambu, aujourd’hui l’un des 3 grands courants de fabrication du saké au Japon avec les Echigo-toji de Niigata et les Tamba-toji de Hyôgo. Iwate est partout connue pour être la terre des brasseurs de saké. Voir plus bas, la liste et la carte des 8 grandes guildes de toji.


6/Hiroshima, l’un des 3 hauts lieux du brassage du saké
Hiroshima (préfecture d’Hiroshima) est située au cœur de la région Chugoku, à l’extrémité de l’île principale de Honshû, face à la mer intérieure du Japon (Sito). Hiroshima est actuellement l’un des trois hauts lieux du brassage du saké du Japon abritant l’Institut national de recherche sur le saké où est organisé à chaque printemps la réunion d’évaluation des nouveaux sakés élaborés dans tout le Japon, ce qui fait en quelque sorte d’Hiroshima la ville du saké (dans le quartier Saijô, se tient tous les ans en octobre le festival du saké). N’oublions pas que c’est à Hiroshima qu’est né le saké de style très raffiné et aromatique Ginjo. Hiroshima est connue aussi pour produire un saké doux, de caractère moelleux, ce qui en fait l’opposé complet des sakés raffinés et secs de la Préfecture de Niigata. Sur l’île de Kurahashi dans la mer intérieure de Seto, la brasserie Enoki produit un saké de catégorie Kijô-shu de couleur ambre réputé pour être le meilleur du monde (il mûrit dans des tonneaux en chêne). Principales brasseries : Chugoku, Enoki, Fujii, Kamoizumi, Kamotsuri, Miyake, Morikawa, Suishin Yamane, Umedo.
7/Niigata, le secret de son saké, la neige !
Niigata (préfecture de Niigata) est située au nord de Honshû, face à la mer du Japon dans la région centrale du Chûbu (Honshû étant l’île principale du Japon). Cette région très montagneuse qui possède la deuxième plus grande superficie de parcs naturels au Japon, subit un enneigement de 2 à 3 fois supérieur à la moyenne annuelle. De là vient le secret de l’extraordinaire qualité de ses sakés : la neige ! Elle produit une eau très pure s’écoulant des montagnes. De plus, la neige qui domine constamment le climat hivernal est un purificateur d’air. Ainsi, le processus de brassage du saké se déroule dans une atmosphère qui ne contient pratiquement pas de polluants, de germes ou d’autres microbes transportés par l’air.

Grâce au riz koshi tanrei, un daiginjo 100 % Niigata
Ajoutez-y la grande qualité du riz de Niigata comme le koshihikari et cette nouvelle variété très prometteuse appelée koshi tanrei que les producteurs consacrent à leurs meilleurs sakés Daiginjô et Ginjô. Le koshi tanrei n’est autre qu’un croisement entre le gohyakumangoku*, excellent riz local et le yamada nishiki (variété phare des producteurs de Niigata). Il combine les avantages techniques de ses parents. Ainsi, du gohyakumangoku, il a cette faculté de se transformer en riz koji, un riz cuit à la vapeur avec des spores de moisissures koji. Il est également plus facile à polir que le yamada nishiki. Autre caractéristique, il peut vieillir pour produire du saké libéré en automne. Enfin, grâce au koshi tanrei, les brasseurs peuvent maintenant produire un saké 100 % Niigata.
*Le gohyakumangoku est la variété de riz la plus utilisé pour la production de saké au Japon. Le nom signifie littéralement 500 000 «goku». Le « goku » de riz est l’étalon pour exprimer l’importance territoriale, un goku correspondant à 180 litres.
Niigata en tête des sakés haut de gamme
On comprend mieux pourquoi, à elle seule, la préfecture de Niigata regroupe 90 maisons de Saké dont les plus connues sont Kubota (久保田), Koshinokanbai (越乃寒梅) et Hakkaisan (八海山). A elles toutes, elles produisent 8 % du saké fabriqué au Japon (et encore de manière artisanale). Niigata au niveau national est le troisième producteur de saké en volume derrière les préfectures de Hyôgo (32 %) et Kyôto (14 %). Mais Niigata arrive en tête avec 18 % sur le marché des sakés haut de gamme (Ginjô et Daiginjô). Enfin, Niigata a vu émerger au XVIIIe siècle le célèbre Echigo Toji (« Echigo » étant un ancien nom de Niigata encore utilisé), une guilde de Toji (maîtres du saké), l’une des 3 plus importantes et des plus influentes du Japon. Avec la mécanisation et l’introduction de l’informatique, les méthodes de contrôle du brassage de saké ont évidemment changé. Mais l’expérience et l’intuition de ces brasseurs de saké continuent toutefois à jouer un rôle important dans la fabrication du saké.
Ah le goût unique du saké de Niigata !
On le dit « croustillant et sec« . Il est moins sucré avec un goût plus léger que la moyenne des autres sakés. Il contient moins d’extraits et d’acides aminés. Il possède aussi une couleur plus claire. Pendant des siècles, les maisons de saké de Niigata ont été réputées pour leur art dans l’utilisation du koji, contribuant ainsi à donner aux sakés de Niigata un goût très reconnaissable. Le taux de polissage est de 62 % (62 % du grain est enlevé ne laissant que 38 % de sa taille d’origine) alors que la moyenne nationale pour le daiginjo (le saké super premium) n’est que de 50 %. Ce taux de polissage exceptionnellement élevé du saké de Niigata entraîne l’élimination des substances pouvant causer des saveurs et des arômes désagréables. Il laisse ainsi un amidon de haute qualité qui apporte une saveur légère et rafraîchissante.

Niigata accueille l’Institut de Recherche du Saké
Cet institut créé en 1930 est à l’origine du développement d’une nouvelle souche de riz à saké appelée Ipponjime. C’est aussi l’Institut de saké de Niigata qui a mis au point une souche rouge de moisissure de koji qui produit un saké rouge brillant et chatoyant avec un arôme frais de petits fruits. On lui doit également le développement de nouvelles variétés de levures de saké ou d’avoir mis au point un protocole de contrôle de température dans le processus de fermentation.
Le saké et sa première AOC Niigata

Autre rapprochement spectaculaire entre saké et vin, la notion d’AOC inspirée directement de la législation française. Mais attention, s’il existe des sakés de terroir, il n’existe pas encore véritablement de terroirs du saké. Cette notion est apparue pour la première fois au Japon dans la préfecture de Niigata (région montagneuse, à 300 km au nord-ouest de Tokyo), il y a une vingtaine d’années sous le nom de Niigata-o-c. Niigata est le troisième producteur de saké derrière les préfectures de Hyôgô et de Kyôto et le deuxième producteur de riz derrière Hokkaidô. Ce label qui fut proposé par l’intermédiaire de son association des brasseurs* combine tout à la fois des critères de lieu de production, d’origine des ingrédients (le riz et l’eau), de technique de fabrication et de qualité minimale du produit. Alors, Kinasé (bienvenue en dialecte de Niigata) au pays du saké !
*Inspiré de l’Oktoberfest en Allemagne, le Festival Sake no Jin de Niigata a été lancé en 2004 à l’occasion du 50e anniversaire de l’Association des brasseurs de saké de Niigata. L’événement annuel de deux jours se tient le deuxième week-end de mars. Une bonne occasion pour découvrir les sakés locaux de Niigata !
8/Iwakuni, berceau de la célèbre maison Dassai
C’est d’Iwakuni (préfecture de Yamaguchi) que provient le mythique Dassai 23 (on prononce Dassaï), élaboré au milieu des montagnes à l’extrême ouest de Honshû, l’île principale du Japon. Ce célèbre 23, est-ce donc un code ? Non, il s’agit d’un raffinement supplémentaire avec un grain de riz, le yamada nishiki poli à 23 % (d’où le nom). Record absolu ! Il est débarrassé de 77 % de son volume offrant sans doute le saké le plus raffiné du monde. C’est lui qui a propulsé la maison parmi les plus grandes sakagura japonaises (sakagura ou kura : maison de production de saké). Ainsi, cette « cave » de Yamaguchi est en passe d’acquérir une notoriété mondiale. Ne la surnomme-t-on pas déjà le Château Latour des sakés ! Avec cette marque Dassai, qui fut introduite en 1990, la maison laissait tomber la fabrication du saké ordinaire, une tradition pourtant vieille de plus de 2 siècles pour se concentrer sur le nec plus ultra des sakés : le Junmai daiginjô. C’est un saké pur riz et sans ajout d’alcool de fermentation. Il est élaboré avec un riz poli au maximum plus, un ajout de kôji bien sélectionnés et surtout de l’eau extrêmement pure puisée sur place (au Japon, le lieu d’implantation d’une brasserie dépend essentiellement de la présence d’une eau très pure).

La brasserie Yamaguchi Asahi Shuzô qui élabore la prestigieuse gamme Dassai, est la success story de l’industrie du saké. Depuis que Hiroshi Sakurai a repris les rênes de l’entreprise familiale en 1984, la brasserie Asahi Shuzô est passée d’une production très modeste de 700 koku aux 12 000 koku (unité de mesure de la production d’une brasserie de saké, un koku équivalant à 180 litres de saké). Toute la production est composée exclusivement de junmai daiginjo. En d’autres termes, dans une industrie où des brasseries ferment chaque année, ce type de croissance est inconnu.
Le Dassai 23, l’équivalent d’un grand chardonnay
Le Dassai 23 est un très grand saké, l’équivalent d’un grand cru. Il possède une complexité, une longueur étonnante, des notes de fleurs blanches et de poudre de riz, de poire, de minéral et une finale de noisette grillée, de yuzu (citron du japon) et de rhubarbe. Se rapprocherait-il d’un grand chardonnay ? Alors, pourquoi ne pas l’accorder à un foie gras accompagné d’un chutney, à un comté de 24 mois ? Mais rien ne vaut un mariage avec un grand chocolat à forte teneur en cacao ! A servir à 13-14°. A la suite, vient le tout dernier, Dassai Beyond (Junmai Daiginjo) vendu 420 € la bouteille de 72 cl, création ultime de la maison Dassai, un saké (polissage à 23 %) aussi pur que le cristal aux notes de rhubarbe, de prunelle acidulée, de miel avec un gras et une longueur en bouche étonnante…, à déguster évidemment avec du caviar !

Joël Robuchon-Dassai, dernier projet du plus grand chef français
Joël Robuchon, une légende de la gastronomie mondiale, 32 étoiles Michelin, est décédé en août 2018, à l’âge de 73 ans, alors qu’il venait d’ouvrir Joël Robuchon-Dassaï, 184, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris. Amoureux de la culture nippone, (pays où il détenait sept étoiles Michelin), il avait monté ce dernier projet avec Hiroshi Sakurai et son fils Kazuhiro, aujourd’hui président de la maison de saké Dassai (Asahi Shuzo). A la carte un répertoire japonais et français. Côté Robuchon : spaghettis de homard canadien et saké Kasu, bar grillé aux sel et aromates, saumon en fines lamelles à la tomate, basilic et roquette, veau en paillard à la roquette et artichaut, filet de bœuf au poivre noir de Malabar ; côté japonais : boulettes de crevettes aux shiitakés/bouillon ramen de nouilles à la volaille, au tofu, à l’œuf mollet, gingembre et brocoli/le black cod mariné/le blanc de volaille vapeur au curry vert/ entrecôte au wasabi et légumes… le tout se mariant à l’extraordinaire collection de sakés Dassai.
Dassai-Robuchon : bar-à-saké-restaurant et boutique 184, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris
V/ La classification des différentes catégories de saké

A la base, le saké peut être classé en deux catégories celles avec ou sans ajout d’alcool. Le premier est appelé alcohol tenka-shu (saké avec ajout d’alcool). Le second Junmai (Pur Saké) fabriqué uniquement avec de l’eau, du riz et du Kôji (Aspergillus oryzae) et de la levure. Mais notons que de plus en plus de brasseries se convertissent à la méthode ultra traditionnelle dite Kimoto. Elle préconise l’utilisation de bactéries naturelles comme le choix de levures indigènes pour le vin. C’est alors un saké à consommer chaud.
Pour la sommelière Sandô Atsuko*: les sakés les plus parfumés sont ceux entrant dans la catégorie des ginjô, daiginjô ou junmai daiginjô, qui sont élaborés à partir de riz à haut degré de polissage. Le ginjô et daiginjô sont également connus pour leur goût raffiné et délicat. Le saké honjôzô, qui est confectionné avec une petite quantité d’alcool distillé, a souvent une saveur légère et douce. Le saké junmai, en revanche, est apprécié pour sa saveur umami riche et corsée.
*Sandô Atsuko est une rédactrice réputée dans le domaine de la gastronomie, du vin et des spiritueux. Elle est sommelière titulaire de la JSA (Association japonaise des sommeliers), et sommelière de saké.
La catégorie de sakés avec alcool
Le saké avec alcool ajouté se classe parmi les catégories
- Futsû-shu (saké standard, ou de table)
- Tokutei-meishoshu (saké en appellation contrôlée, de qualité supérieure) qui comprend les sakés Daiginjô-shu, Ginjô-shu et Honjôzô-shu, chacun ayant ses propres spécificités concernant le taux de polissage du riz, ainsi la quantité d’alcool ajoutée.
Pourquoi l’ajout d’alcool ?
Dans l’histoire du saké depuis les origines, il n’est nulle question d’ajout d’alcool. Il n’existait alors que du saké Junmai (Pur Saké). L’ajout d’alcool se fit lors de la Seconde guerre mondiale en Mandchourie pour remédier à la pénurie de riz et augmenter la quantité de saké brassé. Après la guerre, l’habitude est restée. Elle permettrait non seulement d’augmenter la quantité produite, mais surtout de réduire les différences de saveur entre les sakés ordinaires et les sakés supérieurs comme les Ginjô-shu.
Les sakés ordinaires (Futsû-Shu)
Le Futsû-shu constitue la majorité de la production du saké au Japon, la plus commune et la plus consommée. Il représente plus de 80 % de l’ensemble du marché du saké et est largement consommé au Japon et dans le monde. Dans cette catégorie de saké, pas de taux de polissage exigé, possibilité aussi de l’additionner avec de d’alcool*. Un saké ordinaire peut recevoir également des ajouts d’acides aminés, de conservateurs ou de rehausseurs de goût. Si pour ce saké il n’y a pas de règles pour la production, cela ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’un produit de qualité inférieure pour autant.
*De l’alcool pur, éthanol à 95° dans la limite de 280 litres/tonnes du poids du riz après polissage. Pour les additifs, la quantité autorisée en kg : maximum 50 % du poids du riz après polissage.

Les sakés supérieurs (Tokutei Meisho Shu)
Ils sont répertoriés et nommés selon leurs critères de fabrication.
1/ les honjôzô et les junmai
Parmi les sakés japonais dits supérieurs, on retrouve deux catégories : les honjôzô et les junmai.
- Les honjôzô sont des sakés où le maître brasseur (Toji) ajoute de l’alcool (qui peut être n’importe quel alcool, généralement un alcool pur de canne à sucre, mais pas n’importe quelle quantité).
- Les junmai sont les sakés purs* sans ajout d’alcool. Un junmai a, en général, plus de corps et plus d’acidité qu’un Honjôzô. Il est aussi plus fin avec des arômes plus prononcés. Ce pur Saké est réalisé à partir d’ingrédients simples : de l’eau, du riz, du Kôji (Aspergillus oryzae) et de la levure. Le taux de polissage du riz n’est pas spécialement spécifié mais le riz utilisé est un riz de très grande qualité et la proportion de kome-kôji (ferment de riz) doit être au minimum de 20 à 25 % du poids du riz après polissage. Pour produire un Junmai de qualité, souvent des enzymes exogènes peuvent être ajoutées pour assurer une fermentation correcte.
* Pur Saké (PureSake©) : Pur Saké signifie saké Junmai. Ce label a été créé afin de promouvoir les meilleures méthodes de fabrication de ce saké à partir des meilleurs ingrédients et d’assurer ainsi une production de sakés de qualité optimale. Ce nouveau label réunit aujourd’hui la plupart des brasseurs de saké Junmai.

2/ Ginjô / Junmai Ginjô (taux de polissage au moins 60 %)
Pour produire un bon saké, il faut polir le riz et plus il est poli, plus le saké est fin.
- Ginjô (pour des sakés de type honjôzô) est un saké où le taux de polissage (seimai-buai) est d’au moins 60 % (taux qui peut varier). Ce 60 % indiquant qu’il ne reste que 40 % du grain de riz d’origine après le polissage.
- Junmai ginjô : si le saké est un junmai, il a lui aussi un taux de polissage de moins de 60 % et on l’appellera junmai ginjô. Il aura plus d’arômes qu’un simple junmai. Au nez, l’arôme du riz sera très présent. Un ginjô aura un palais plus riche qu’un honjôzô, avec souvent des arômes floraux. Rappel : les junmai sont les saké purs sans ajout d’alcool.
3/ Daiginjô / Junmai Daiginjô (taux de polissage au moins 50 %)
- Le Daiginjô qui subit un brassage selon le mode Ginjô a un taux de polissage du riz (seimai-buai) de moins de 50 %. Un Daiginjô est un saké très subtil et délicat, mais avec toujours beaucoup de complexité par rapport aux honjôzô et ginjô.
- Le Junmai Daiginjô qualifie un saké de type junmai qui aura un seimai-buai de 50 % (ou moins). Un Junmai Daiginjô est un saké souvent sec et très complexe avec des arômes très prononcés. Rappel : les junmai sont les saké purs sans ajout d’alcool.

Les sous-catégories de saké
Les sakés peuvent aussi être classés en sous-catégories, non exclusives les unes par rapport aux autres.
- Nama : saké non pasteurisé
- Nama-zume : saké pasteurisé une seule fois, puis vieilli.
- Nama-chozo : saké vieilli, puis pasteurisé une seule fois.
- Nigori : saké non-filtré, ou filtré très grossièrement. Il présente un aspect laiteux et est légèrement pétillant.
- Muroka : saké non-clarifié, seulement filtré.
- Taru : saké vieilli en fûts de cèdre japonais
- Ko-shu : saké vieilli en fût ou en cuve au moins trois ans. L’appellation koshu désigne des sakés qui peuvent avoir vieillis involontairement. Pour des sakés vieillis intentionnellement, on utilise parfois le terme choki jukusei-shu.
- Gen-shu : saké non-réduit (ou très peu, il peut être réduit de 1%), le brasseur n’ajoute pas d’eau à la fin de la fermentation, le Genshu a un niveau d’alcool de 20° environ.
- Genmai : riz non-poli
- Orizake : clarification grossière
- Happo-shu *: saké pétillant
- Bihappo-shu : saké légèrement pétillant
- Kijo-shu : saké dans lequel le maître brasseur a stoppé la fermentation en ajoutant du saké. Le résultat donne une boisson très douce.
* Le saké effervescent est très tendance. Voir le succès du saké Moi* vendu en bouteille de 30 cl titrant 5° d’alcool, un taux à peu près équivalent à toute cette catégorie de sakés pétillants. En fait ce Sho chiku bai Mio sec se compose tout simplement d’eau gazéifiée et de saké pur. Mais la méthode Charmat de fermentation en cuve close est aussi utilisée pour piéger le gaz carbonique dans le saké. Autre technique, l’ajout de levure dans la bouteille ce qui entraîne une seconde fermentation en bouteille à l’instar de la méthode champenoise mais sans dégorgement, d’où un saké à l’apparence trouble et plus sauvage.
*Moi en japonais est l’écume blanche que laisse un bateau derrière lui.

Pour résumer :
- Junmai : Junmai signifie « riz pur ». Par définition, le saké junmai n’a pas d’alcool fermenté ajouté.
- Honjozo : Jozo signifie « fermentation ». Par définition, le saké Honjozo contient de l’alcool fermenté pour alléger la saveur et accentuer l’arôme unique. La quantité d’alcool fermenté ne doit pas dépasser 10 % du poids du riz
- Ginjo : Ginjo est souvent confondu avec le taux minimum de polissage du riz, mais le gouvernement japonais définit le ginjo comme un saké fabriqué selon la méthode du ginjo. Il s’agit du processus d’utilisation du riz hautement poli et de la fermentation à froid.
- Tokubetsu : Tokubetu signifie « spécial ». Si le saké est brassé dans un processus spécial, il est appelé tokubetsu. Les brasseries doivent indiquer la description du procédé sur l’étiquette.
VI/ Les 9 étapes pour produire le saké
(selon la méthode traditionnelle)
Les principales guildes traditionnelles de Tôji

La plupart des sakés sont préparés avec du riz, des moisissures de kôji, de l’eau et de la levure. N’étant pas distillé, le parcours de production s’arrête donc à la fermentation. Mais au Japon, parmi les quelques 47 préfectures qui possèdent un terroir à Saké, il existe des traditions de production propre à chacune d’elles à partir notamment du riz local. Il a donc été formé des générations de spécialistes, des maîtres sakéificateurs qui se transmettent des savoir-faire ancestraux en cercle fermé et qui ont transmis leurs méthodes jusqu’à nos jours. On compte une petite dizaine de guildes traditionnelles de Toji très influentes à l’heure actuelle, parmi lesquelles Echigo Tojo (Niigata) ou Nambu Toji (Iwate), par exemple.
1/ Le polissage du riz
(on enlève sa couche extérieure)
Cette première étape a pour but d’enlever la couche extérieure du grain de riz, c’est-à-dire son enveloppe. L’écorce extérieure du riz est en effet riche en protéines et en lipides. Ces composants empêchent les arômes du saké de s’exprimer. L’écorce extérieure du grain de riz va donc être polie afin de n’en garder que le cœur le shinpaku, (cœur blanc), pur concentré d’amidon. La qualité et la finesse du saké dépendent du degré de polissage (seimaï) des grains. Plus les grains sont polis, plus le saké sera fin et complexe. Opération hautement délicate ! Pour éviter de briser le grain, on fait circuler le riz dans de larges meules verticales. Les grains vont s’user contre la pierre et les couches externes seront désagrégées en fine poudre. Le diamètre du grain se réduit progressivement. Le contrôle du polissage doit être parfait. Il ne doit pas être trop rapide pour ne pas échauffer le grain sous l’effet des frottements (risque de cuisson du grain ou de brisure) ce qui affecterait le goût du saké. Pendant cette étape, la température et le taux d’humidité sont rigoureusement contrôlés.
2/ Le lavage
(ce qui permet d’enlever les résidus de coque et de faire absorber l’eau au riz)
A l’issue du polissage (environ 80 heures), et avant sa mise en fermentation, le riz subit un lavage qui permet de maîtriser l’humidité entre 0,1 % et 0,4 % (taux d’absorption d’eau du riz). Cette étape qui a pour but d’amollir l’amidon, s’effectue habituellement à la machine. Laver 5 tonnes de riz par jour, à la machine, cela représente le travail d’un ouvrier pendant une heure ; à la main comme chez les très grands brasseurs, c’est un travail effectué par six à sept personnes pendant une journée. En contrôlant avec minutie le taux d’humidité du riz, on facilite ainsi la saccharification de l’amidon du riz par le kôji-kin, ce champignon source d’enzymes.
3/ La cuisson à la vapeur
(ce qui permet de faire proliférer le champignon kôji et de faciliter la dilution)
Après le lavage, le riz est cuit à la vapeur dans des chaudières traditionnelles avant qu’il ne soit transporté vers la salle du kôji (riz ensemencé). Ce cuiseur vapeur est appelé koshiki. L’utilisation du bois pour un cuiseur traditionnel permet de limiter la condensation en absorbant l’humidité résiduelle.
4/ La fabrication du kôji
(le kôji est saupoudré sur le riz cuit pour ensuite proliférer)
Le riz ne contenant pas de glucose, mais de l’amidon, pour le décomposer en glucose, il faut donc le rendre apte à la fermentation opérée par la levure. Il est alors ensemencé dans la salle du kôji (kôji-muro). Le processus va prendre entre 48 et 56 heures. Ici, les murs sont en acier inoxydable pour une maîtrise parfaite de la température (maintenue à 38°C), de l’humidité avec un risque zéro de contamination bactérienne. Le tanekiri est l’opération qui consiste à saupoudrer manuellement sur le riz étuvé entreposé sur de longs plateaux, une semence d’aspergillus oryzae* (Kôji-kin), champignon microscopique (moisissure noble) responsable du kôji. Il se manifeste par des filaments qui se développent à l’intérieur du grain de riz jusqu’au shinpaku, le cœur blanc du grain. C’est la garantie d’un kôji de bonne qualité. Cette étape se déroule pendant trois jours, sous une surveillance permanente. Aujourd’hui le contrôle s’effectue par ordinateur (qui calcule l’indice du potentiel de transformation en glucose) mais aussi grâce à l’intervention humaine précise Fumiya Miura qui orchestre cette opération chez Dassai : quand la semence devient active, une chaleur se dégage, qu’il faut maintenir dans des limites très précises, ainsi que l’humidité. Pour ça, on hume, on goûte. On surveille le riz par le nez, par la langue.
* La Société de Brassage du Japon a reconnu Aspergillus oryzae (champignon microscopique de la classe des ascomycètes, originaire du sud-est asiatique et faisant partie des moisissures dites « nobles ») comme un trésor national. En se propageant, il décompose l’amidon du riz et fabrique ainsi une grande quantité d’acides aminés et d’enzymes. En 2005, les chercheurs japonais ont réussi à décoder tous ses gènes.

5 et 6 / Pré-ferment et Moût d’amorçage
(le kôji est mélangé au riz cuit et à l’eau puis, est ajoutée la levure pour faire fermenter le tout)
Le Kôji, le riz cuit à la vapeur et la levure vont composer le moût (moromi). Versé dans de grandes cuves couvertes à l’aide de petits seaux en bois appelés dakidaru, le moromi va fermenter longuement à basse température (à 5°C) sous l’œil du tôji (le maître de saké, équivalent du Maître de chai). Tout dépendra ensuite du contrôle de la température du moût (moromi) jusqu’à l’apparition de quelques bulles à la surface et que se dégage une odeur fruitée de pomme verte. C’est la preuve que l’enzyme du kôji est en train de décomposer l’amidon du riz en glucose. Puis sous l’effet de la levure, ce moût se transforme en éthanol. Et c’est ainsi que très lentement, le moromi devient saké. De ce long processus de fermentation va faire naître un grand nombre d’arômes et de saveurs, donnant au saké son charme particulier. A la fin du processus de fermentation, il est possible d’atteindre des taux d’alcool jusqu’à 20°, les plus hauts du monde pour un ce style de brassage.
Le rôle des levures : les méthodes sokujo et kimoto
Autrefois, c’était simple. Les cuves de fermentation étaient exposées à l’air libre pour que des levures naturelles se déposent dans les cuves et permettent ainsi au mélange de débuter sa fermentation.
- Méthode Sokujo : aujourd’hui, on utilise des levures cultivées et préservées avec soin (méthode sokujo). Le Shubo (ou moto) est ce mélange d’eau, de riz cuit à la vapeur, de koji, de levures et d’acide lactique (acide lactique servant à éliminer bactéries et germes)*. Ce mélange forme le moût d’amorçage. Il sert à concentrer la production de glucose permettant aux levures de se multiplier et à la culture de gagner en acidité (pour la protéger des bactéries ambiantes). Pendant 2 semaines environ, les levures vont se développer dans un mélange qui a un aspect de yaourt. Ces levures ont été sélectionnées avec soin pour influencer le goût du saké, tout comme le koji-kin, le riz et l’eau. Elles sont toutes différentes les unes des autres. Elles n’ont pas le même comportement au cours de la fermentation. Certaines par exemple sont plus résistantes que d’autres à l’alcool et permettent à la fermentation de durer plus longtemps, donnant des sakés moins doux. *Bactéries et germes aériens sont les grands ennemis de la propagation des levures.
- Méthode kimoto. C’est l’autre méthode, une méthode ancestrale appelée kimoto. Elle consiste à laisser se développer naturellement les bactéries lactiques sans chauffer ce qui prend deux fois plus de temps (un mois). Aujourd’hui en effet, avant la fermentation, les brasseurs ont l’habitude d’ajouter de l’acide lactique, pour favoriser le développement des levures en évitant la pousse bactérienne alors que la méthode Kimoto permet le développement naturel de ces levures sans avoir à ajouter de l’acide lactique. Un saké kimoto/yamahai va ainsi offrir des saveurs plus puissantes, plus rustiques avec une plus belle acidité que les sakés modernes.
*Le pied de cuve : quand le riz-koji est prêt, on crée alors dans une petite cuve, une puissante culture levurienne. Cette mixture que l’on peut définir comme un pied de cuve, est appelée shubo. Une fois prête, elle sera ensuite transvasée dans des cuves de plus en plus grandes en y ajoutant à chaque étape de l’eau, du riz cuit et du riz-koji afin d’augmenter le volume du moût.
Les 4 jours pour augmenter le volume du moût
Ajouter les ingrédients principaux (eau, koji et riz cuit) en une seule fois dans ces grandes cuves (voir plus bas) risquerait d’affaiblir la culture. Pour cette raison, cette opération se fait en trois fois sur quatre jours. Augmenter le volume de moût graduellement en trois étapes est un principe fondamental de la production de bon saké.
- 1er jour (soé) : premier ajout (koji + riz cuit + eau). Après une journée complète de fermentation dans une cuve moyenne, la vanne du fond est ouverte permettant au moût de s’écouler dans de grandes cuves situées à l’étage inférieur.
- 2ème jour (odori) : le moût repose sans aucun ajout
- 3ème jour (naka) : second ajout (koji + riz cuit + eau). Ce deuxième ajout dans les grandes cuves représente environ 2 fois le volume du précédent.
- 4ème jour (tome) : troisième ajout (koji + riz cuit + eau). Après le troisième ajout (le moût à ce stade est appelé moromi), la fermentation va se poursuivre pendant 25 à 30 jours.
Lorsque le volume de moût désiré est atteint, soit environ 2,5 tonnes de riz et 4 tonnes d’eau, la fermentation principale peut véritablement commencer. En grande cuve, le koji continue à transformer l’amidon en sucres, qui à leur tour se convertira sous l’action des levures en alcool et en esters à l’origine des arômes du saké.

7 et 8/ Le pressage et la filtration
(le moût est pressé après fermentation pour extraire le saké avant d’être filtré)
Dernière étape, le pressurage (shibori) qui consiste à séparer le saké d’un côté et le marc (mormon) de l’autre. Ce pressurage peut aujourd’hui s’effectuer de deux manières :
- 1/soit par une centrifugeuse. Le saké étant séparé de la lie sans pression mécanique, la fragrance et la rondeur sont préservées et peuvent s’exprimer pleinement.
- 2/L’autre procédé, plus classique, utilise la machine à pressurer Yabuta. Le moromi est pressé et filtré lentement dans des pressoirs horizontaux à travers un tissu, à basse température (5°C).
Il convient ensuite de filtrer le saké et de le clarifier (clarification qui s’effectue souvent au charbon, pour ajuster le goût et la couleur). Mais attention, trop de filtration inhibe le goût et détériore la couleur du saké.
9/ Entreposage et mise en bouteille
(le saké est laissé au repos avant qu’il ne soit pasteurisé et mis en bouteilles)
Après filtration, le saké est conservé cru jusqu’à ce que le travail des enzymes lui ait donné sa rondeur optimale et que son caractère propre se prononce naturellement. Cela prend au maximum une semaine. S’il y a lieu le toji (maître brasseur) peut procéder alors à une réduction en ajoutant de l’eau pure pour faire redescendre le degré d’alcool aux alentours des 15°. Puis, il est embouteillé à froid (sans aucun filtrage au charbon ou au gaz carbonique pour les meilleurs sakés). Une fois remplies à froid, pour certaines cuvées, les bouteilles sont très rapidement pasteurisées par arrosage d’eau à une température très précise de 65°C. Puis, à la suite, par un autre arrosage d’eau à 20°C. Les flacons sont alors refroidis et entreposés dans un espace réfrigéré jusqu’à la livraison. Ils seront conservés pendant une période qui varie selon les brasseries et le type de saké voulu, environ 6 mois. Depuis une cinquantaine d’années certains sakés sont millésimés et vieillissent plus longtemps. Les cuvées de saké en général se consomment dans l’année qui suit leur élaboration, donc aucun avantage à la garde. Il existe cependant des sakés de vieillissement appelés Koshu.
VII/ Le saké et son petit vocabulaire de base
- Kura = maison de saké
- Kuramoto = propriétaire
- Toji = maître de chais
- Kijoshu = saké fait de saké
- Shinshu = saké nouveau
- Shiboritate = Tout juste pressé
- Nama = non pasteurisé
- Muroka = non filtré
- Genshu = non dilué
- Kimoto = pied de cuve à l’ancienne (processus traditionnel de culture du shubo, voir plus haut)
Comment lire une étiquette de saké ?
(Source : Saké Passion 2, rue Saint-Hubert 6700 Fouches +32(63)233214 sakepassion@gmail.com)
- Seishu (清酒) : terme légal du saké
- Shu (酒) : alcool, saké
- Futsushu ( 普通酒 ) : saké de table
- Honjozo (本醸造 ) : résidu de polissage de riz de 70% maximum, ajout d’alcool distillé
- Junmai (純米) : fabriqué à partir de riz, de levure et d’eau uniquement. Pas d’ajout d’alcool distillé après fermentation.
- Ginjo (吟醸) : résidu de polissage du riz de 60% maximum, ajout d’un faible pourcentage d’alcool distillé.
- Junmai Ginjo (純米吟醸) : résidu de polissage de riz de 60% maximum, pas d’ajout d’alcool
- Daiginjo (大吟醸) : résidu de polissage du riz de 50% maximum, ajout d’un faible pourcentage d’alcool distillé.
- Junmai Daiginjo (純米大吟醸) : résidu de polissage du riz de 50% maximum, pas d’ajout d’alcool
- Nigori saké (にごり酒) : saké semi-filtré, opaque, contient des lies de riz
- Nama saké (生酒) : saké non pasteurisé
- Namachozo (生貯蔵) : saké pasteurisé une seule fois quand il est embouteillé.
- Koshu (古酒) : saké vieilli
- Shochu (焼酎) : alcool distilé
- Genshu (原酒) : saké brut, sans adjonction d’eau après fermentation.
- Tokubestu (特別) : saké spécial
- Koji (麹) : riz à saké dont l’amidon est transformé en sucre .
- Karakuchi (辛口) : saké sec
- Seimaibuai (精米歩合) : résidu de polissage du riz. Le pourcentage de ce qu’il reste du riz après polissage.
- Degré (d’alcool) (度) : le chiffre précédant ce kanji correspond au degré d’alcool. A ne pas confondre avec le pourcentage qui correspond au Seimaibuai (résidu de polissage du riz) et qui est la plupart du temps supérieur.
- Yamahai (山廃) : méthode traditionnelle qui laisse le démarrage de la fermentation (après ajout des levures) se faire naturellement.

VIII/Kura Master, premier concours de sakés japonais en France
2018 était la deuxième édition de ce Kura Master*, concours dont le comité est présidé par Xavier Thuizat (Peninsula Paris) : Kura Master montre que le saké est adopté aujourd’hui par les plus grands professionnels de la sommellerie, du vin et de la cuisine. Une superbe opportunité pour le développement du saké en France !
3 catégories de saké concouraient en 2018
- Catégorie Junmai Daiginjo et Junmai Ginjo (moins de 60 % de riz résiduel après polissage (60 % inclus)
- Catégorie Junmai (supérieur à 60 % de riz résiduel après polissage)
- Catégorie Nigori (se mariant avec les desserts). L’étiquette doit mentionner « Saké Nigori », et Sans mousse.
Résultats : https://kuramaster.com/fr/concours/comite-2018/laureats/
*Le Président de l’association Kura Master (qu’il a créé) est Keiichiro Miyagawa, directeur du restaurant Suntory Paris des Champs-Elysées. Il a participé également en tant que directeur général de l’Hôtel de Yoshino au lancement du restaurant français en 2006 à Wakayama (Japon). Keiichiro Miyagawa est membre de l’Association des Sommeliers de Paris-Ile de France depuis 1990, il devient parallèlement kikisake-shi (sommelier en saké) diplômé du SSI (Sake Service Institute).
IX/Salon Européen du Saké

Salon du Saké 2018, 5e édition, le plus important événement consacré au saké en dehors du Japon
Ce 5e Salon Européen du Saké à Paris (6/7/8 octobre 2018) accueille cette année 7 grandes régions de saké du Japon. La Préfecture du Hyôgo, située dans le Kansai au centre-ouest de l’île de Honshû, reconnue comme la plus importante région de production de sakés est l’invitée d’honneur 2018. Partenaires officiels du salon, les Préfectures de Mie et Hiroshima, situées également sur l’île de Honshû, sont présentes ainsi que les associations de producteurs de saké de Saga, Gifu et Fushimi, arrondissement historique du saké de Kyoto. Autre invité à ce salon, la seule et unique Boutique de sakés de Niigata, qui vient d’ouvrir sous le nom de Kinasé à Paris, rue du Dragon.
