Le tibouren, un goût de Côte d’Azur. Pour beaucoup, si le rosé a une patrie, c’est la Provence. Et pour nombre d’amateurs, il n’est de rosé que de tibouren, le tibouren varois, un cépage si intimement lié à sa terre qu’il en a pris les senteurs de garrigue brûlée acquises sur les schistes du massif des Maures. Le tibouren a tout simplement le goût de la Côte d’Azur, du soleil et des vacances: quel bonheur, ce rosé à la teinte claire, légèrement saumonée, qui se déguste au soleil couchant face au golfe de Saint-Tropez !
N’être jamais très loin de la mer
Le tibouren est reconnaissable à ses baies de forme arrondie, avec la présence assez fréquente de certaines, petites, qui restent vertes. Il est aujourd’hui cultivé sur 433 ha. Ses origines sont floues. Peu importe! On aime à entendre qu’il débarqua en France vers la fin du XVIIIe siècle, introduit à Saint-Tropez par un capitaine de la marine dont le nom d’Antiboul fut transformé en tibouren*. Depuis, il n’a pas bougé. Il a un point de convergence : n’être jamais loin de la mer! Vous le trouverez donc dans les environs de Hyères, de Saint-Tropez et de Fréjus. Mais avant, pour faire son trou, il a dû batailler ferme contre les autres cépages: syrah, grenache, mourvèdre, carignan …Et surtout, il lui a fallu survivre au phylloxéra.
* Pour le CREA à Turin (équivalent italien de l’INRA), le tibouren présenterait des similitudes organoleptiques avec le rossese di Albenga, cultivé en Italie, notamment en Ligurie et qui fait songer à un Fleurie.
Sous la protection du bien nommé Clos Cibonne
Par bonheur, le tibouren trouva un protecteur (qui devint son propagateur), le bien nommé Clos Cibonne (devenu cru classé en 1955), et un havre de paix dans les collines argilo-schisteuses du Pradet, les fameux coteaux de la Colle Noire. Dominant la rade de Toulon, ceux-ci s’étendent autour d’une gentilhommière du XVIIe siècle. Ah, le fameux tibouren du Pradet, une légende à lui tout seul! Il doit tout à André Roux qui, dans les années 1930, décida de le replanter et d’en faire son cépage emblématique. Il le fit connaître à ses amis du show business de l’époque – Raimu, Gabin, Fernandel- et à bien d’autres qui ne jurèrent plus que par ce rosé exceptionnel. En Provence le tibouren n’occupe que 2 % des surfaces produites. Mais au Clos Cibonne, c’est le cépage roi. Brigitte et Claude Deforges le préservent amoureusement, et le vinifient en rosé et en rouge. Ils en cultivent 11,5 ha, perpétuant la tradition familiale dans l’élaboration de ce vin qu’on trouve maintenant en cuvées de prestige* et qui sont élevées en barriques de 300 L ainsi qu’en cuvée Tendance, plus technologique et sans goût oxydatif (pressurage direct et mise au froid). Dernière précision, le tibouren y entre à hauteur de 90 % (le complément étant en grenache). Et oui, un tibouren pur n’est toujours pas autorisé en appellation Côtes-de-Provence.
*Caroline et Olivier, arrières petits-enfants d’André Roux (décédé en 1989) ont prêté leur prénom à deux Cuvées, déclinées en rosé et en rouge. La 5ème génération du Clos Cibonne offre une belle évolution de l’esprit « Tibouren », marqué par un élevage en barriques de 300 litres. Olivier est œnologue et ingénieur agro et leur fille Caroline, diplômée d’une école de commerce.