Chine 2018, le vin, année de tous les records ! Voici un empire qui n’en finit pas d’asseoir sa puissance. La Chine est aujourd’hui le deuxième vignoble mondial, le septième producteur de vin au monde et bientôt la première puissance économique du monde. Un dossier qui vous permettra de mieux percer un pays totalement engagé dans une grande marche vers le vin, industrie clé comme l’a décrétée le gouvernement dès 2010. Voyez les cépages, beaucoup sont étonnants ; les 2 lourds handicaps que traîne le vignoble chinois ; les grandes régions viticoles (Shandong, Hebei, Ningxia…) ; la sociologie des quelques 50 millions de consommateurs, jeunes pour la plupart et… surtout des femmes ; la puissance d’internet qui accapare le marché du vin ; la France acteur majeur du développement viticole chinois ; l’histoire marqué par l’année 1980 qui vit la Chine s’éveiller au vin. Oui, il y a du vin bio en Chine, oui les vins chinois ont fait d’énormes progrès ; oui il y a cette fascination des chinois pour Bordeaux au point de s’accaparer près de 150 châteaux dans le Bordelais. Oui, la nouvelle route de la soie passe par Bordeaux !
Mais commençons par une belle histoire, une histoire très emblématique d’un vin au pays du Tibet qui s’épanouit sur les rives du Mékong, à 2600 m d’altitude. En deux millésimes, il est devenu l’un des vins rouges chinois parmi les meilleurs du monde.
Ao Yun le rouge s’est envolé au-dessus des nuages
Connaissez-vous le Ao Yun (Au-dessus des nuages), vin qualifié déjà de mythique : 90 % de cabernet sauvignon, 10 % de cabernet franc ? Ao Yun vient d’un lieu stupéfiant, au milieu de ravins vertigineux, à un endroit où la culture de la vigne relève de l’exploit. 30 ha furent plantés en 2002, à 2600 m d’altitude, dans la province de Yunnan, sur les contreforts de l’Himalaya, sous la montagne sacrée de Meili. Peut-on imaginer qu’ici même, entre ces trois fleuves parallèles (aires aujourd’hui protégées par l’Unesco), le Yangtze, le Mékong et le Salween furent plantées en 1846 les toutes premières vignes par les prêtres des Missions étrangères de Paris. Elles furent laissées en friches, après les persécutions de 1905, jusqu’à la fin des années 1990 où on découvrit que ces vignes qui couvraient le Yunnan à partir de Cizhong (village tibétain catholique), étaient issues d’un cépage français aujourd’hui disparu, le miel de rose (Rose Honey) réputé pour le vin de messe.
A Shangri-La, le meilleur vin rouge de Chine
Aujourd’hui, la superficie totale des vignobles qui bordent les trois fleuves (Yangtze, Mékong et Salween) est de 500 ha. Mais quel symbole ! Le vignoble du Ao Yun est tout proche de la ville de Shangri-La, nom donné par les autorités chinoise en souvenir de cette vallée paradisiaque évoquée dans le roman publié en 1933 : Lost Horizon de l’auteur britannique James Hilton. Ce lieu perdu au bout du monde, Moët Hennessy Estates & Wines (groupe LVMH qui a créé la Winery Shangri-La) a mis 4 ans à le découvrir (il est localisé sur le 27e parallèle nord). Le climat ici est idéal, très proche de celui de Bordeaux (pas de mousson, un air sec, et des températures moyennes). Il est aujourd’hui constitué de 320 petites parcelles cultivées en bio par 300 agriculteurs locaux* de trois villages différents sur les deux rives du Mékong (les villages en terrasse d’Adong, Xidang, Sinong et Shuori). Le résultat est bluffant : Ao Yun 2014, le deuxième millésime a été tiré à 24 000 bouteilles ; un très grand vin élaboré sous le contrôle de Maxence Dulou installé ici avec femme et enfants (il parle le mandarin, il apprend le tibétain) qui en a fait le meilleur vin rouge de Chine et sans doute l’un des meilleurs vins du monde (on le trouve en Europe autour de 230 €). Elaborer des vins ici, dans le Yunnan, à cette altitude, selon Jean-Guillaume Prats (président de Moët Hennessy Estates & Wines), c’est avant tout un grand défi humain et un cauchemar logistique au point que le Ao Yun coûte plus cher à produire qu’un Yquem. Ce Ao Yun, aurait tout d’un grand Bordeaux rouge mais produit au Tibet, à 2600 m d’altitude !
* Dans le Yunnan, bien des fermiers ont abandonné les cultures traditionnelles pour se consacrer à la vigne, véritable poule aux œufs d’or qui fait gagner jusqu’à 4 fois ce que rapporteraient les récoltes de maïs ou de blé.
I/ Mais où s’arrêtera la Chine ?
Alors, question vin, où donc s’arrêtera la Chine bientôt première puissance économique mondiale ? Elle possède déjà le deuxième plus grand vignoble du monde avec 870 000 ha*, derrière l’Espagne mais devant la France (787 000 ha). Serait-elle devenue aujourd’hui le nouvel eldorado d’un nouveau (doublement nouveau) monde pour la viticulture mondiale ?
* Une précision importante ! On parle ici de vignobles destinés à la production à la fois de raisins de cuve, de table et de vins secs. En Chine, plus de la moitié des surfaces sont occupées par des variétés de raisins de table dont elle est le premier producteur mondial, comme le kyoho (44 % du vignoble chinois) et le red globe (18 %). Tous ces chiffres proviennent de l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin).
- En termes de production, elle arrive au 7e rang avec 11, 4 millions d’hl de vin plaçant l’Empire du Milieu, entre l’Argentine et l’Afrique du Sud.
- En termes de consommation, la Chine a bu 1865 millions de bouteilles, dépassant la France et l’Italie en tant que premier consommateur mondial de vins rouges. Plus significatif encore, 80 % de ces vins sont originaires de Chine.
- En termes d’importation, la Chine se place en 2017 parmi les cinq premiers pays importateurs de vins avec 7 millions d’hl pour une valeur de 2458 millions d’€, après l’Allemagne, Le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France. Une progression significative en volume de plus de 17 % par rapport à 2016. Sa part de vins importés en bouteille a augmenté de 15 % conduisant la Chine à conserver le 4e rang en valeur (+14,7 % par rapport à 2016). Et cette année encore, c’est la demande intérieure chinoise qui en volume a le plus contribué à la croissance des échanges mondiaux du vin.
2011, première médaille d’or dans une compétition internationale
Preuve de cette reconnaissance internationale : en mai 2018, le prestigieux Concours Mondial de Bruxelles (la plus importante manifestation du genre) se tenait pour la première fois hors d’Europe. Il organisait sa 25e édition dans le district de Haidian à Pékin. Rappelons également qu’en 2011, pour la première fois, le domaine Helan Qingxue à Ningxia*, au pied des Monts Helan, à 1138 m d’altitude, reçut à Londres, une médaille d’or aux Decanter Awards pour son assemblage Jian Bei Lan 2009 (80 % cabernet sauvignon, 15 % merlot et 5 % cabernet Gernischt).
*Le territoire de Ningxia, à défaut d’être le pendant de Bordeaux, ambitionne de devenir le phare de la viticulture chinoise.
Des œnologues à la réputation mondiale
Demei Li est l’un des oenologues les plus réputés de Chine et du monde viticole. Il a été désigné en 2012, Homme de l’année de l’Industrie viticole chinoise. Il écrit régulièrement pour de nombreuses revues : Wine Review, Vino Vogue, Wine in China, Food and Wine… Aujourd’hui, il enseigne l’œnologie et l’art de la dégustation au Beijing Agriculture College ainsi qu’à l’ESA Angers en tant que professeur invité. Demei Li est diplômé ingénieur de l’École nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux (ou Bordeaux Sciences Agro) en viticulture-oenologie. Après un stage au Château Palmer à Margaux, il a parcouru le monde (France, Italie, Portugal, Californie, Chili, Australie). Parmi ses clients : He Lan Qing Xue et Lei Ren Shou dans la province de Ningxia mais aussi des projets dans le XinJiang (Turkistan oriental) et notamment les 200 ha du domaine Zhongfei majoritairement plantés en cabernet sauvignon et merlot.
II/ les cépages présents en chine
Un vignoble à plus de 90 % rouge
La Chine cultive des dizaines de cépages de cuve aux noms très imagés de mamelle de vache, cœur de coq (shuanghong, beihong, beimei, beibinghong, gongzhubai…). La principale et la plus ancienne variété est le longyan (œil de dragon) plantée en Chine septentrionale et dans le sud de la Mandchourie. C’est un cépage d’altitude au rendement élevé. En 1979, Changcheng (Greatwall), la marque de vin chinois, basé à Shacheng dans la province du Hebei et appartenant à COFCO choisit le longyan pour produire le tout premier vin sec chinois, le Great Wall Dry White. Sont présents également en Chine, beaucoup d’hybrides issus de croisements entre des variétés chinoises et européennes ou américaines importées en Chine par des missionnaires occidentaux.
Si plus de 90 % du vignoble est accaparé par les cépages rouges, la part des cépages blancs a cependant tendance à augmenter ces dernières années. Des variétés de cuve, comme le cabernet sauvignon, enregistrent depuis ces dernières années, une très nette augmentation tandis que le chardonnay constitue le cépage blanc le plus répandu (2,8 % du vignoble).
Invité surprise, le marselan
Une surprise de taille, l’émergence du marselan dans le paysage chinois ! Le marselan a été créé en France en 1961 par un croisement entre le cabernet sauvignon et le grenache. L’oenologue Demei Li, l’un des plus grands spécialistes du vin chinois et chroniqueur pour DecanterChina.com estime qu’il s’agit d’un cépage très prometteur pour bien des régions viticoles en pleine croissance. Il couvre aujourd’hui environ 200 ha. C’est un cépage qui donne un vin d’un pourpre vif, avec un nez frais et aromatique, des notes de fruits mûrs et une pointe mentholée ressemblant en cela au cabernet sauvignon. Il est selon lui résistant à la maladie, mais sa vigueur est plus faible que celle du cabernet sauvignon. Il a un mûrissement lent et un potentiel de rendement assez bon. On le trouve notamment à Grace Vineyard dans le Shanxi et sur les Domaines Barons de Rothschild (Lafite-Rothschild) dans la province du Shandong.
Le cabernet gernischt pas si mystérieux !
Très longtemps on considéra le cabernet gernischt comme une variété locale et bien mystérieuse quant à son origine. Elle fut révélée par le généticien suisse, José Vouillamoz qui l’identifia comme étant le carmenère (originaire de Bordeaux mais aujourd’hui très répandu au Chili). Des études ont aussi montré que certaines plantations pouvaient être confondues avec du cabernet franc. Sa grande popularité est étroitement associée à Changyu, le plus ancien producteur de vin commercial de Chine qui le mit en bouteille pour la première fois en 1931 sous le nom de Noble Dragon (2018 sera son 87e millésime). Aujourd’hui, le cabernet gernischt offre un excellent vin rouge bien équilibré, avec des saveurs de petits fruits rouges et de baies noires soutenues par des tannins bien mûrs. Il couvre 80 % de la production en vin rouge du Yantai ce qui équivaut à 70% de toute la production de cabernet gernischt de Chine. Alors, et comme beaucoup le pense, deviendra-t-il le cépage emblématique de la Chine, à l’image de ce qu’est le sauvignon blanc pour la Nouvelle-Zélande ou le malbec pour l’Argentine ? Et quand donc la Chine programmera-t-elle un Cabernet gernischt Day ? C’est fait, chaque 25 mai.
Vitis amurensis, le raisin d’amour qui n’a pas froid
Dans la province de Jilin au nord de la Chine, près de la Corée du Nord, la région de montagne de Changbai devait disposer d’un cépage ultra résistant au froid ; ce cépage, c’est l’extraordinaire Vitis amurensis (le raisin d’Amour) doté d’une remarquable résistance au froid pour survivre à des températures pouvant descendre jusqu’à -40° (voir à Jilin, sa description détaillée). On a tout naturellement utilisé ses qualités pour en faire des hybrides avec des cépages européens et produire ainsi des cépages à forte résistance au froid. A pleine maturité, Vitis amurensis est riche en anthocyanes et doté d’une forte acidité, mais avec un manque criant de sucre d’où un recours systématique à la chaptalisation.
Rendement, prix du raisin et coût de la main-d’oeuvre
Si le rendement moyen de la vigne à cuve en Chine est de l’ordre de 96 hl/ha, il dépend surtout de la province. Ainsi, à titre d’exemple, pour le Henan, c’est 186 hl/ha, Shandong : 135 hl/ha, Hebei : 61 hl/ha, Xinjiang : 25 hl/ha, Ningxia :16 hl/ha. Quant au prix du kilo de raisin, il est aujourd’hui (en €) pour le merlot à 0,50, pinot noir à 0,48, cabernet sauvignon à 0,44, chardonnay à 0,31. Mais de plus en plus, le raisin se négocie à la qualité plutôt qu’au poids. Enfin, le coût de la main-d’œuvre s’établit par heure à environ 12,5 CNY (le yuan équivaut à 0,13 €) soit 1,5 €. Mais évidemment pour des régions où la main-d’œuvre est rare (Xinjiang, Ningxia notamment) le taux est plus élevé.
Top 10 des cépages les plus plantés en Chine (2017)
- Kyoho Noir* : 365 000 ha (44,0 %)
- Red Globe Noir* : 146 000 ha (17,6 %)
- Cabernet Sauvignon noir : 60 000 ha (7,2 %)
- Cabernet gernischt ou Carmenère Noir : 8 000 ha (1,0 %)
- Merlot Noir : 7 000 ha (0,8 %)
- Cabernet Franc Noir : 3 000 ha (0,4 %)
- Chardonnay Blanc : 3 000 ha (0,3 %)
- Riesling Blanc : 2 000 ha (0,3 %)
- Syrah Noir : 1 000 ha (0,2 %)
- Pinot Noir : 1 000 ha (0,1 %)
Les autres variétés soit 233 000 ha (28,1 %) sont principalement le saperavi (cépage de Géorgie), un hybride local, le beichum et en blanc, le muscat, le riesling italien, le rkasistelli, géorgien…
*Cépages destinés aux raisins de table.
III/ Les grands vignobles chinois
La Chine, deuxième plus grand vignoble du monde
La majeure partie de cet immense vignoble, le deuxième du monde est implanté dans la moitié nord du pays (Shandong…) sachant que dans la moitié sud, les conditions sont moins favorables avec un climat chaud, sec, et très froid en l’hiver. Rappelons que 40 % du territoire chinois se trouve à plus de 2000 m d’altitude. Ainsi, la vigne se développe le long de la fameuse route de la soie, en lisière du désert de Gobi. Enfin, d’ouest en est, on trouve d’importants vignobles implantés dans les régions autonomes, à majorité musulmane du Xinjiang, du Gansu et du Ningxia. Une ses singularité du vignoble chinois est son appartenance à l’Etat propriétaire du foncier urbain comme du foncier rural. Les vignes sont donc encore en 2018 des propriétés collectives. Les vignerons sont les usufruitiers de leurs vignes tandis que la nu-propriété revient à l’Etat.
Vignoble chinois, ses deux handicaps majeurs
- 1/La Chine détient seulement 7 % des ressources mondiales en eau douce. En conséquence, 90 % des surfaces viticoles sont irriguées (soit près de 900 000 ha) par deux techniques : la micro-irrigation par goutte-à-goutte et l’irrigation par gravité. Rappelons que la vinification nécessite en moyenne six à sept litres d’eau pour chaque litre de vin. Alors, comment agira la Chine face dans 10 ans au changement climatique, à la salinisation, à l’érosion des sols et à la pollution causées par l’urbanisation ? Quant au contexte phytosanitaire, le mildiou et non le phylloxéra est la maladie de la vigne la plus répandu dans le vignoble chinois. Les ceps sont pour la plupart des plants directs (non greffés), puisque jusqu’à présent, le phylloxéra ne s’est pas manifesté en Chine.
- 2/ Des hivers excessivement rigoureux dans le nord. D’abord les ceps sont sur porte-greffe, résistant au grand froid. Ensuite, pour surmonter les difficultés climatiques, certains viticulteurs chinois doivent après les avoir taillées, enterrer leurs vignes à la pelle (et à quel coût !) avant les premières gelées (souvent fin octobre). On appelle cette opération butter la vigne. C’est le cas à Ningxia, Shandong et Hebei où les ceps sont déterrés à la charrue au début du printemps. Un cycle de la vigne sacrément raccourci à 6 mois mais la chaleur de l’été et l’irrigation permettent à celle-ci d’atteindre une bonne maturité phénolique.
La Chine et ses 10 grandes régions viticoles
Bien que les variétés de raisins de cuve soient cultivées sur une bonne partie du territoire chinois, les deux tiers proviennent de 10 régions. Certains experts considèrent qu’il existe 12 régions viticoles (provinces ou territoires autonomes). On parle ici en divisions administratives et dont les plus importants pour le vignoble sont en encadré sur la carte.
Xinjiang
Cette région autonome ouïgoure est la plus grande province de Chine, mais peuplé de seulement 21 millions d’habitants, foyer de la population ouïgoure, (des turcophones musulmans). C’est également la plus grande région pour les raisins de table (très réputée aussi pour ses raisins secs) et l’une des premières pour les raisins de cuve. Elle compte en effet pour plus de 15 % des surfaces vinicoles chinoises (environ 25 000 ha). Le Xinjiang (bordant la Mongolie, la Russie et le Kazakhstan) est sans doute le territoire le plus reculé de Chine, un gros handicap pour la production de vin. On y pénètre par les gorges de Xingxing qui gouvernent l’entrée de la région à partir de la province du Gansu, à l’est. Le Xinjiang est scindé par le Tian Shan, un chaîne de montagnes connue sous le nom de Tengri Tagh ou Montagne Céleste. Il règne ici un climat semi-aride ou désertique (à l’exception de la vallée de l’Ili) avec des températures dépassant 40 ° en été pour tomber à -25 ° en hiver (obligation donc d’enterrer les pieds de vigne pour les protéger pendant l’hiver). Les précipitations y sont très faibles, ce qui limite les rendements. L’irrigation au goutte-à-goutte est de ce fait indispensable avec de l’eau provenant de la fonte des neiges du Tian shan.
Pour les vins du Xinjiang, 51 médailles dont 4 en or au 2018 Decanter World Wine Awards
Si la Chine a remporté 8 médailles d’or au 2018 Decanter World Wine Awards, le Xinjiang rafle à lui seul, 30 % des 183 médailles et récompenses de ce concours international dont la moitié des médailles d’or chinoises (un total de 51 prix).
On distingue 4 grands secteurs viticoles :
Le versant nord des monts Tian shan
Les vignobles se situent à une altitude moyenne de 450 à 1000 m sur le versant nord des monts Tian shan entourant d’ouest en est, les villes de Shihezi, Manasi, Hutubi, Changji Wujiaqu et Fukang. Les sols sont constitués à majorité de graviers et de sables. Les vins sont issus de cabernet sauvignon, cabernet franc, cabernet gernisch, merlot, gamay, syrah, pinot noir, saperavi, chardonnay, riesling, pinot blanc, chenin blanc, ugni blanc et du Yan-73 (un cépage teinturier).
La vallée de la rivière Ili
Cette région à la frontière ouest de la Chine se situe entre la chaîne principale de Tian shan au sud et des montagnes Borohoro au nord. Les meilleurs vignobles se trouvent sur les pentes au sud de la rivière Ili qui se jette dans le lac Balkhash. Grâce à la présence d’eau, le secteur bénéficie d’un climat frais et chaud c’est sans doute la raison pour laquelle l’armée chinoise a décidé d’y planter de la vigne depuis 2010. Les sols dominés par les graviers favorisent le cabernet sauvignon, le merlot, le riesling et le chardonnay
La région de Yanqi
Entouré de montagnes sur trois côtés, le bassin de Yanqi est généralement bien protégé du vent violent qui caractérise cette région de Gobi. A 300 km au sud, un lac d’eau douce s’étendant sur 1200 km2 a joué un rôle essentiel pour rendre la viticulture possible dans cette zone extrêmement sèche, avec une pluviométrie annuelle moyenne de 70 mm. Yanqi a un climat continental avec un été très chaud et un hiver extrêmement froid d’où l’obligation d’enterrer les vignes en hiver. On y cultive essentiellement du cabernet sauvignon, du merlot, du chardonnay et du riesling italien.
La région de Turpan
Région étonnante ! C’est le point le plus bas du globe, 154 m en dessous de la mer (après la Mer morte). D’ailleurs, dans le langage (turcophone) Ouïghour, Turfan signifie l’endroit le moins élevé. Le bassin de Turpan est en effet un creux délimité par des failles situé dans la partie orientale du Tian shan. Il est entouré de quatre chaînes de montagnes: le Tian shan à l’ouest, le Bogda shan au nord-ouest, le Haerlike shan au nord-ouest et le Jueluotage shan au sud. Avec la première usine viticole établie en 1983, c’est aussi la première région viticole du Xinjiang.
La vallée du raisin
Turpan (ou Turfan), ville-préfecture se situe dans une cuvette, à 150 km d’Ürümqi, tout proche du désert de Taklamakan et ses redoutables sables mouvants ; un passage stratégique sur la Route de la soie où les habitants apprirent l’art viticole au contact des Perses. Turfan a aussi la réputation d’être la ville la plus chaude de Chine avec une longue période de chaleur et des températures souvent supérieures à 40° (mais jusqu’à -11° en hiver). Les pluies se font rares avec seulement 35 mm de précipitations par an. Turpan est réputé pour ses raisins secs et de cuve (des raisins à très forte teneur en sucres mais avec peu d’acidité). Se rendre donc dans la Vallée du raisin au nord de la ville où la vigne est présente partout, dans les champs, dans les rues, dans les maisons avec ces séchoirs qui servent après les vendanges (en août), pour les raisins secs. Les principaux cépages plantés sont : le cabernet sauvignon, le merlot et le chardonnay.
Des vignes irriguées par les eaux des neiges du Tian shan
L’irrigation de la vigne et du coton est ici indispensable. Elle se fait par des puits (le système des Karez) alimentés grâce à des galeries souterraines allant chercher l’eau des neiges au pied du Tian shan, chaîne de montagnes à la frontière entre la Chine et le Kirghizistan, dont le plus haut sommet, le Jengish Chokusu est à 7439 m. On a comptabilisé plus de 1000 puits et près de 1600 km de canalisations ; une technique ancestrale venue des Perses ou bien mise au point durant la dynastie des Qing* ? Les raisins (issus du gamay, chenin blanc, grenache, cinsault, chardonnay, syrah, sémillon, baiyu…) qu’on y récolte pour le vin sont à très forte teneur en sucres avec une acidités très faible (mais c’est du vin !).
* La dynastie Qing, d’origine mandchoue, est la dernière dynastie impériale à avoir régné sur la Chine, de 1644 à 1912.
Shanxi
La province du Shanxi (connue pour ses mines de charbon !) située à l’ouest de la montagne Taihang (au nord-ouest de la Chine) borde les provinces de Hebei, Henan, Shaanxi et de la Mongolie intérieure. Étant à une altitude élevée (les vignes sont plantées entre 900 m et 1300 m d’altitude), Shanxi subit un climat froid (190 jours de gel par an, les vignes sont enterrées l’hiver) et sec avec une pluviométrie annuelle entre 400-600 millimètres avec des pluies d’été en août. La province est également fréquemment en proie à des tempêtes de sable, surtout au printemps. La vigne occupe essentiellement le bassin de Taiyuan, un vaste plateau de loess (sablo-limoneux de 200 m d’épaisseur). Shanxi est aujourd’hui, la quatrième région viticole chine.
Grace Vineyard et Chateau Rongzi
La province est surtout réputée pour abriter Grace Vineyard, à 40 km au sud de la capitale (Taiyuan), domaine viticole fondé en 1997 (premier millésime 2001) par un homme d’affaires sino-indonésien, Chun Keung Chan (ancien prisonnier en Mongolie centrale pendant la Révolution culturelle). Grace Vineyards est aujourd’hui l’un des principaux producteurs de la Chine avec la plantation en à peine dix ans de 670 ha de vignes, dont près de 400 à Ningxia (cépages : aglianico, cépage noir d’origine italienne, marselan et de nouvelles variétés depuis 2013 en petites quantités de saperavi, sangiovese, tempranillo, nebbiolo, sauvignon blanc et pinot noir). Le domaine est géré aujourd’hui par la fille du fondateur.
Autre domaine, le Chateau Rongzi fondé en 2007 par Zhang Wenquan, un producteur de charbon devenu vigneron, aujourd’hui détenteur de 400 ha plantés de cabernet sauvignon, cabernet franc, marselan, merlot, chardonnay…
Jean-Claude Berrouet (ex Pétrus) consultant de Chateau Rongzi
Chateau Rongzi s’est offert comme consultant, les services Jean-Claude Berrouet, célébrissime vinificateur de Pétrus à Pomerol jusqu’à sa retraite en 2007 (le relai a été pris par son fils, Olivier). Aujourd’hui, avec son autre fils, Jean-François, il gère non seulement le domaine de Samion et Montagne-St-Emilion au Vieux Château St-André, mais ses interventions portent également en Israël et en Argentine. En 2018, l’institut anglais des Masters of Wine (IMW) lui a décerné le trophée Winemakers’ Winemaker 2018.
Shandong
Le Shandong (dont la célèbre région de Yantai) est situé au sud-est de Pékin et sur la côte de la mer de Bohai. C’est l’une des principales régions productrices en volume de vins du pays avec un vignoble de 25 000 ha environ. Le secteur de Yantai-Penglai à lui seul, avec plus de 140 domaines viticoles, produit 40 % des vin chinois. Les vignes se concentrent surtout autour de la ville de Penglai. En dehors de ce secteur, de l’autre côté de la péninsule, on rencontre quelques vignobles à Quingdao. La province du Shandong jouit d’un climat modéré entrainant des risques de maladies mais sans un hiver qui nécessite une protection particulière des vignes.
Yantai, première reconnaissance de la marque en 2018
La région de Yantai, sur la péninsule du Shandong abrite deux des plus grands domaines viticoles chinois, Changyu Pioneers (berceau du premier domaine viticole chinois fondé en 1892 par le diplomate Zhang Baishi) et Great Wall. Elle se voit depuis 2018 protégée par la marqu Yantai. Yantai n’est pas une indication géographique (IG)*, c’est une marque qui couvre ses différents districts : Laishan, Fushan, Muping, Longkou, Xixia, Haiyang, Zhaoyuan, Laizhou, Laiyang, Zifu et Penglai (où se trouve Domaine Baron de Rothschild).
* Le certificat d’indication géographique est délivré par l’Administration générale de la supervision de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine. Quant au processus de reconnaissance de la marque, il passe par le gouvernement de la province (en l’occurrence, Shandong) avant d’être approuvé par le bureau national des marques.
Hebei
Au-dessus de Shandong et bénéficiant de son dynamisme, la province de Hebei proche de Pékin (Beijing) détient deux secteurs en pointe : Shacheng à l’origine du premier vin blanc sec chinois et Changli à l’origine du premier vin rouge chinois. Changli, proche de la mer Bohai subit une forte humidité. Mais les hivers trop rigoureux obligent à enterrer les vignes comme dans le nord de la Chine. A noter que les vins produits par ces 2 provinces (Shandong et Hebei) représentent plus de la moitié des vins de l’industrie vinicole chinoise en termes de volumes et de valeur.
Great Wall en difficulté
La province accueille à Scacheng, China Great Wall Wine * la plus importante entreprise vinicole de Chine. Après avoir annoncé des pertes continues depuis 2015, China Food Ltd a annoncée qu’elle vendait ses droits sur la marque Great Wall à la société mère du groupe, la COFCO contrôlée par l’État chinois.
*Great Wall possède des domaines viticoles dont : Château Sungod à Hebei, Château Yunmo à Ningxia, Terroir de la Grande Muraille à Shandong, ainsi que les usines de production de vin de Great Wall à Shacheng (Hebei), Changli (Hebei) et Penglai (Shandong).
Ningxia
Cette région autonome HUI de Ning Xia à plus de 900 km à l’ouest de Pékin (2 heures d’avion) regroupe majoritairement l’ethnie Hui (des musulmans). La Chine avec Ninxia, détient aujourd’hui son nouvel eldorado de la vigne. Cette région à l’origine très pauvre (mais sauvée par la vigne) au sud du désert de Gobi, entre le Gansu et la Mongolie intérieure se situe au centre du pays à 2 000 m d’altitude. Il y règne un climat extrême avec des températures qui vont de 35° en été à -27° en hiver. C’est la raison pour laquelle, il est indispensable d’enterrer la vigne d’octobre à avril sous 20 à 30 cm de terre pour lui conserver un taux d’humidité de 60 % à 70 %.
Ningxia, la synthèse entre Bordeaux et la Californie
En termes de surfaces viticoles, elle arrive en tête avec un peu plus de 50 000 ha sur un territoire en plein développement grâce à l’action notamment du gouvernement régional. L’ambition est d’atteindre les 60 000 ha de vignes au début des années 2020. Rien d’étonnant à ce que tout le monde veuille investir ici, des géants internationaux du vin aux grandes fortunes chinoises, dans une région aride mais dont le dynamisme fait penser à la Californie (Il n’existait à Ningxia en 1983 qu’un seul établissement viticole, aujourd’hui on en compte 207). Chaque année est organisée une édition de l’International Wine Expo of Helan Mountain’s East Foothill où une soixantaine de vins de la région de Ningxia sont évalués par des membres du jury du Concours Mondial de Bruxelles, avec en parallèle, un festival du film et du vin. Les vins qui y sont produits sont parmi les plus renommés de Chine dont les Monts Helan, première AOC chinoise (depuis 2013) qui ambitionne de rivaliser avec Bordeaux en devenant le Bordeaux de l’Orient*.
Les Monts Helan, première AOC chinoise
En 2013, les Monts Helan sont devenus la première AOC chinoise. Un décret fut pris par la région autonome de Ningxia pour protéger* l’appellation des contrefaçons (obligation de la mise en bouteilles au château, vin issu à 100 % du domaine, mise en cuves le jour des vendanges, un rendement maximum fixé à 70 tonnes par hectare…).
*Règles imposées par la CADA : Association des Boissons alcooliques chinoises.
Le jugement de Pékin ou quand des vins du Ningxia surclassent des bordeaux
Des vins chinois surclassent des bordeaux. Ce titre fit la Une en décembre 2011 de la presse mondiale spécialisée. Lors d’une dégustation de cinq vins chinois du Ningxia et de cinq vins de Bordeaux, dix experts attribuèrent les meilleures notes à des bouteilles chinoises* à l’issue d’une dégustation à l’aveugle qui eut lieu à Pékin. Le concours était intitulé : Bordeaux contre Ningxia. Etait-ce pour les chinois, le fameux Jugement de Paris qui en 1976 vit les vins californiens battre à plate couture leurs homologues français.
*La bouteille préférée par le jury fut un cabernet sauvignon Grace Vineyard Chairman’s reserve (Ningxia), suivie par un Silver Heights The Summit 2009 (Ningxia), un Jia Bei Lan 2009 (Ningxia), un Deep Blue Grace Vineyard 2009 (Ningxia) et enfin, en cinquième position, un Lafite Saga 2009 (Médoc).
Ningxia, le Bordeaux de l’Orient
Aujourd’hui, 45 000 ha sont plantés sur les contreforts est des Monts Helan. 86 châteaux s’alignent le long de la route traversant du nord au sud la région ; une véritable route des châteaux (113 sont en construction) avec Chateau Lanyi, Chateau Xunniu, Chateau Yu Fang, Chateau Ge Liqi, Chateau Fleur Rouge, Chateau Zhi Hui Yuan Shi… et des domaines comme Domaine Pu Shang, Domaine Ming Lu, Domaine Cheng Cheng, Domaine Heyu Xinqin Zhong…. Ils produisent 100 000 tonnes de vin par an, soit 120 millions de bouteilles. Et presque partout, Bordeaux est le modèle à suivre notamment pour la vinification et l’élevage des vins en fûts venus souvent de France. Si le climat, le sol et l’ensoleillement sont proches de ce que connaît Bordeaux (mais sans les brumes océaniques) il n’en est pas de même pour les hivers où pour sa survie, la vigne doit être enterrée. Au printemps et en été, les journées sont chaudes et les nuits plus froides ce qui permet d’obtenir des vins équilibrés. Autre différence et de taille, cette région désertique est très sèche avec des précipitations annuelles de seulement 200 millimètres. Il faut donc irriguer au goutte-à-goutte.
Une collaboration étroite entre Bordeaux et Ningxia
Enfin, de nombreux projets de coopération et d’échanges existent entre Ningxia et des écoles vinicoles d’Australie, de Nouvelle-Zélande et de France. Nombreux sont les producteurs qui disent manquer d’expérience et de technologie. Beaucoup cherchent de l’aide et des conseils d’œnologues français. Ainsi, Oenoteam, laboratoire d’œnologie bordelais dirigé par Stéphane Toutoundji conseille depuis le millésime 2013 l’une des plus importantes wineries du Ningxia*, Chateau Ho-Lan Soul, qui appartient au groupe Thaïlandais Daysun. Avec un vignoble de 1500 ha traité en bio, Chateau Ho-Lan Soul est aujourd’hui l’un des plus gros producteurs de vins de Chine. Dans ses caves sont entreposés 2000 fûts de chêne français pour une production de plus en plus haut de gamme. D’autres producteurs se sont également joints à la course. En 2013, Moët Hennessy a ouvert le Domaine Chandon (Chandon China), une cave de 6 300 m2 produisant du vin mousseux (non loin de Silver Heights), au goût chinois (dosage en sucre plus important).
Silver Heights, quand la Chine épouse Bordeaux
Qui aurait pu croire que le destin de la jeune Gao Yuan (surnommée maintenant Emma), envoyée par son père en France parfaire sa formation à l’œnologie allait aboutir à cette extraordinaire réussite viticole qu’est aujourd’hui Silver Heights ! Un domaine que le célèbre critique de vin, Jancis Robinson du Financial Times devait saluer en 2010 comme une étoile montante de l’industrie du vin en Chine. Emma Gao, oenologue et directrice de Silver Heights est devenue aujourd’hui, la nouvelle star de l’industrie vinicole chinoise.
Emma Gao, l’une des rares oenologues chinoises
Gao Yuan (ayant appris le russe, le français lui parut facile) passa d’abord 10 mois au Lycée viticole d’Orange, dans le sud de la France puis partit à Bordeaux pour un stage au château Calon Ségur (un Troisième Cru de Saint-Estèphe dans le Médoc). C’est là qu’elle fit la connaissance de Thierry Courtade, qui deviendra son mari. Ils sont depuis à Silver Heights, à 48 km du centre de Yinchuan, capitale de la Région autonome Hui du Ningxia. Le domaine de 48 ha plantés à 1200 m d’altitude, sur un sol très caillouteux produit 50 000 bouteilles par an, des vins typiques des Monts Helan. Son premier millésime, 2007, fut salué par les experts du monde entier. Son 100 % cabernet sauvignon (Emma’s Reserve*) et son « assemblage bordelais » : 65 % Cabernet Sauvignon et 35 % Merlot (The Summit) dont les millésimes 2013 et 2015 sont des chefs d’œuvre, sont parmi les vins rouges les plus prisés de Chine. La cave a élargi sa gamme avec aujourd’hui, un chardonnay de style bourguignon (Family Reserve Chardonnay), et sa plus récente série The Last Warrior, un chardonnay dont l’étiquette représente un guerrier en terre cuite. Emma Gao est devenue aujourd’hui, la nouvelle star de l’industrie vinicole chinoise. Emma a mis Ningxia sur la carte des vins devait écrire Gérard Colin (The New York Times)
*Le vin qui fut servi lors d’un récent sommet entre la chancelière allemande Angela Merkel et son homologue chinois le président Xi.
Autres domaines réputés : Lilan Winery, Yunmo Winery (Great Wall), Chateau Zhi Hui (le seul château s’inspirant de l’architecture de la dynastie Song), Chateau Yuange, Helan Qingwue Vineyard (Jiabeilan), Chateau Ho Lan Soul, tous équipés d’installations impressionnantes et notamment les cuviers.
Gansu
Gansu ou le Corridor du Hexi avec ses vignobles longent le Hexi Zoulang, la célèbre route de la soie, la plus importante voie d’accès à la Chine depuis l’Asie centrale, entre le plateau tibétain et le désert de Gobi. Ici, les vignes sont éparpillées occupent une suite d’oasis situées à la même latitude que Napa Valley et Bordeaux. Pluviométrie minimum et sols très sableux font qu’il n’y a ici, nul besoin de fongicides et de pesticides ce qui fait du Corridor de Hexi, l’une des plus grandes surfaces de vignobles bio au monde*. Y est d’ailleurs organisé chaque année le China Hexi Corridor Organic Wine Grape Festival. Signe de reconnaissance pour cette nouvelle région viticole, la ville de Wuwei a reçu le titre de China Wine City. Enfin, 6 immenses domaines ont l’autorisation de porter la mention Hexi Corridor Wine : Gansu Zixuan, Gansu Huangtai, Gansu Mogao, Gansu Qilian, Gansu Zhangye Guofeng et Gansu Tenglin Ziyu.
* Mais attention à la fraude ! Beaucoup ici coupent leurs vins à hauteur de 30 % au moins avec du cabernet sauvignon importé en vrac du Chili ou d’Australie.
Jilin
Voici la région viticole la plus froide du monde. La province de Jilin dont le vignoble se situe dans la région de Tonghua à l’extrême nord-est de la Chine, tout proche de la Corée du Nord possède un climat subarctique. Les températures en hiver peuvent descendre jusqu’à – 40°.
Le cépage vamurensis, génétiquement conçu contre le froid
Pour tenir dans ces conditions extrêmes, les vignes du Jilin devaient disposer d’un cépage indigène, le vamurensis, vigne sauvage de la famille des Vitaceae (Vitis amurensis), arbrisseau supportant sans geler des températures de l’ordre de – 40° (un record pour un cépage !). Il est cultivé pour ses raisins de cuve depuis l’entre-deux-guerres. La production atteint 0,5 million d’hectolitre de moût de raisin par an ; des grappes de raisin, petites, pauvres en sucre, très acide et riche en tannin. Après vinification, le vamurensis donne un vin à faible degré alcoolique. La région de Tonghua recense 3500 ha de vignes dont le vin est vinifié par deux grandes entreprises vitivinicoles chinoises : TongHua et ChangBaiShan.
Beijing (Pékin)
L’histoire viticole de Pékin date de plus d’un siècle. Les vignes se trouvent au sud-ouest de Pékin, à Yanqing (sous le même climat que Shacheng et Fangshan). Ici, la pénurie de terre réduit les surfaces. La région de Pékin est connue pour son vignoble historique de Lung Yen, dont les vins furent très appréciés des empereurs Ming
Tianjin
Tianjin est située sur les rives du golfe de Bohai (un bras de la mer Jaune), à la frontière de la province de Hebei et de la municipalité de Pékin. La tradition viticole de Tianjin est associée à un cépage, le muscat de Hambourg. A noter, la présence de la toute première joint-venture sino-étrangère, la Tianjin Dynasty Wine (avec Rémy Martin) dès 1980 marquant le début de la politique d’ouverture de la Chine vers le monde. À son apogée en 2010, Dynasty Fine Wines fut élue deuxième marque de vin la plus appréciée en Chine après la Great Wall. Mais aujourd’hui, c’est le déclin. En 2017, Dynasty Fine Wines a mis en vente son château et une partie de son établissement vinicole à Tianjin, pour un total de 400 millions de RMB (58,7 millions de dollars) alors que les difficultés financières de l’entreprise s’aggravent.
Liaoning
Le Liaoning est le pays du vin de glace. Eh oui, la Chine a également ses propres vins de glace provenant notamment de la province du Liaoning, à l’extrême nord-est de la Chine, à proximité des frontières de la Corée du Nord et de la Russie. Pour le meilleur, il faut aller jusqu’au lac Huanlong à une altitude de 380 m pour atteindre le vignoble de Changyu Golden Valley ; Ici, grâce à cette grande étendue d’eau, la température est modérée permettant aux raisins d’atteindre une bonne maturité pendant l’été jusqu’aux températures hivernales qui peuvent descendre jusqu’à -15°, pour la production de vin de glace. Le vidal, croisement hybride entre l’ugni blanc et le seibel planté ici pour sa rusticité donne de bons résultats. L’expérience sera tentée avec le riesling. Changyu wine company travaille en partenariat avec Aurora, société viticole canadienne.
IV/ Production de vins bio en Chine
La production de vin biologique en Chine est encore une production marginale. On recense à peine 20 producteurs sur les 600 producteurs-embouteilleurs de vin que comptent le pays. Ils sont pratiquement tous situés dans les provinces ouest de la Chine (Gansu, Ningxia, Xinjiang et à l’ouest de la Mongolie Intérieure). Une exception, le 1er domaine biologique qui date de 1999 est le Chateau Bolongbao, situé au sud-est de Pékin, à Fonghang, l’un des cinq quartiers de l’immense mégapole. Ce domaine expérimental de 60 ha qui bénéficie depuis 2005 d’une triple certification biologique* (Chine, Union Européenne et États-Unis) est planté de chardonnay, cabernet sauvignon, merlot mais aussi de roussanne, viognier, petit manseng. Aucun engrais chimique, de l’arachide cultivée entre les rangs pour être réinjectés dans le sol sous forme d’engrais verts, une irrigation 2 fois par an, au printemps et après les vendanges avant que le vignoble ne soit butté (enterré) pour le protéger des températures extrêmes de l’hiver.
*Organismes certificateurs : COFCC (China Organic Food Certification Center), plus les certificats européens (BCS OKO Garantie), les certificats américains (NOP).
Aujourd’hui, les grands groupes leader ont tous pris conscience de l’importance du bio dont :
- COFCO Huaxia dans la province de Hebei : la création de l’activité bio date de 2009 sur une partie des 2000 ha (en cours de reconversion).
- WEILONG dans la province de Gansu : la création de l’activité biologique date de 2004 (Organisme certificateur : agence COFCC depuis 2009) concernant plusieurs vignobles sur 2000 ha.
La vague bio commence également à toucher de plus petits domaines comme par exemple, pour les plus significatifs :
- Bodega Langes (Hebei)
- Château Champs d’or (Xinfiang)
- Xinjiang Yili Winery (Xinfiang)
- Neimangu Haiseng (Mongolie intérieure)
- Gansu Zixnan Wine (Gansu)
- Guangxi Du An Mi Tup Wines (Guangxi)…
V/ La consommation du vin en chine
En 2018, la Chine compte plus de 50 millions de consommateurs de vins
La consommation du vin en Chine d’après les études de l’OIV, est encore très faible au niveau individuel : 1,5 litre par an et par habitant de + de 15 ans, loin derrière le Portugal ou la France (51 litres). Mais avec 17,9 millions d’hl consommés (+3,5 % par rapport à 2016), la Chine se place au cinquième rang des pays consommateurs de vins. Là encore, la croissance risque d’être exponentielle. Ainsi, le nombre de consommateurs chinois de la classe moyenne urbaine qui boit du vin au moins deux fois par an, est passé de 38 millions en 2014 à plus de 50 millions en 2017 * (11 % de la population urbaine adulte âgée de 18 à 54 ans). On le verra plus bas, l’avenir de la consommation de vin en Chine repose de plus en plus sur une population jeune et féminine. Celle-ci représente aujourd’hui 50 % des buveurs de vin importé du pays. Ainsi, les femmes chinoises consomment-elles du vin pour des raisons de santé et parce qu’elles l’associent au raffinement et à la réussite.
Le développement du vin par la génération des millennials
De plus, on constate que la consommation du vin en Chine touche une population* de plus en plus jeune (entre 18 et 29 ans). D’ailleurs, une étude montre que si les buveurs chinois âgés préfèrent les alcools blancs ou les liqueurs (baijiu), les jeunes, eux préfèrent consommer du vin à l’occidental. La conclusion est évidente : au fur et à mesure qu’augmente l’espérance de vie dans une population qui se sensibilise davantage à la santé, la consommation de vin va progresser (les bienfaits du vin rouge !). Le marché va donc se développer suivant en cela les habitudes de consommation de cette génération dite des millenials (génération internet des 18-34 ans).
*Le vin en Chine reste un produit de luxe. A titre d’exemple, un vin rouge élevé en barrique peut se dégoter à partir de 30 €. Le salaire moyen d’un chinois aujourd’hui à la journée est de 16€. Il lui faut donc 2 jours pour s’offrir cette bouteille. Heureusement, les Chinois qui consomment pour les deux tiers, des vins locaux disposent de vins plus ordinaires.
Deuxième marché mondial du vin en 2021
La Chine offre un énorme potentiel pour les exportateurs comme pour les producteurs locaux. On s’attend d’ailleurs à ce qu’elle devienne en 2021 le deuxième marché du vin, derrière les Etats-Unis, d’après une étude publiée par Vinexpo (organisateurs de cinq salons internationaux dédiés aux vins et spiritueux). Ainsi, la valeur du marché chinois en 2021 atteindra 23 milliards de dollars, une hausse de 53,3 % sur 2016 (15 mds USD) et en volume, la consommation passera de 162 millions de caisses (12 bouteilles, soit 9 litres) à 192 millions (+18,5 %), un marché porté essentiellement par les vins rouges.
Des vins à adapter à des populations si différentes
Alors comment satisfaire une population de près de 1,4 milliards d’individus si différents et quel type de vins proposer aux chinois qui occupent un territoire s’étendant sur 9,6 millions de km2 (15 fois la France) dont 40 % du territoire se trouve à plus de 2 000 m d’altitude ; ceux du nord à l’alimentation majoritairement salée, ceux du nord-ouest qui se délectent de plats épicés, ceux du sud qui préfère des mets encore plus relevés alors que dans le sud-est on mange plutôt sucré. Quant aux régions côtières, que proposer à ces grands amateurs de fruits de mer ?
Des vins vendus en ligne à plus de 20 %
L’E-commerce du vin en Chine a le vent en poupe, au point de s’accaparer plus de 20 % du marché. Ainsi, le géant du E-commerce chinois Tmall (tmall.com) dont le nom se traduit par Chat du ciel, exploité en Chine par Alibaba Group* lance depuis 2016, la plus grande foire annuelle du vin sur Internet, proposant des milliers de bouteilles à prix discount. Ce site comptait plus de 500 millions d’utilisateurs actifs par mois en février 2018. Il est également l’un des 20 sites Web les plus visités au monde.
* Jack Ma, fondateur d’Alibaba est le propriétaire du Château de Sours à Bordeaux. Il a engagé un partenariat avec l’actrice Zhao Wei, propriétaire de Château Monlot. Un certain nombre de propriétés bordelaises sont passées sous la coupe du groupe d’investisseurs autour d’Alibaba, notamment Château Preuillac, Château Haut-Mazeris, Château Puy-Guilhem, Château de Sours et Château Mayne Blanc, une liste qui pour l’avenir est loin d’être définitive.
Tmall, premier site de vente du vin en Chine
Autre site, jd.com un concurrent majeur d’Alibaba (Tmall). En septembre 2017, la plate-forme comptait 266,3 millions d’utilisateurs actifs. En 2017, ce sont plus de 20 millions de bouteilles qui ont été vendues sur JD.com. Pour renforcer son offre, le site s’est associé à la marque australienne Penfolds dont les vins depuis battent des records de vente en Chine. Jd.com est devenu aujourd’hui le premier site de vente en ligne du vin en Chine.
VI/ Brève histoire du vin en Chine
Si depuis plus de 7 000 avant notre ère, la Chine fabrique de l’alcool à partir du raisin, le vin est resté longtemps un produit pour l’élite. Mais d’abord un peu de sémantique : en chinois, le mot jiu désigne tout type de boissons, de la bière pijiu aux alcools de toutes sortes (appelés jiu). Le vin de raisin s’appelle donc putao jiu qu’on traduit par alcool de raisin. La plus ancienne boisson fermentée encore à l’état liquide retrouvée en Chine est un vin de riz. Il est vieux d’environ 9 000 ans. Il a été découvert dans la province du Henan (à l’est du Shaanxi). Quant au vin de raisin, ses premières traces en Chine furent découvertes sur le site de Jiahu dans la province de Henan. Elles remontent à l’ère néolithique. La domestication de la vigne en Chine date de 1046-256 avant J.C. Durant la dynastie Han, le vitis vinifera a été introduit dans la province de Shaanxi, près de la ville actuelle de Xi’an, depuis l’Asie centrale.
Le vin de riz plutôt que le vin de raisin
La vigne fut sans doute transportée en Chine par les caravanes venues de Perse vers 130 av. J.- C. On suppose qu’elle fut plantée dans un but ornemental. Mais, c’est la dynastie des Chin qui au XIIe siècle de notre ère, la répandit dans le pays ainsi que l’art de la vinification. Marco Polo, visitant la Chine, trouva de la vigne en abondance dans le Chan-si. Plus tard, au XVIIe siècle, l’empereur K’ang-hi fit venir des cépages du Turkestan et planta les premiers grands vignobles. Bien que la vigne pousse à l’état sauvage dans le sud du pays, les Chinois n’ont jamais éprouvé au cours de leur Histoire, une grande attirance pour le vin. À part quelques courtisans dans l’entourage de l’empereur et des poètes comme Li Po, qui récitait des poèmes à sa louange, les Chinois préfèrent l’alcool et le vin de riz. La première cave moderne n’a vu le jour qu’en 1892, c’est Changyu*, dans la province de Shandong, suivie par Dragon Seal en 1910 et par Qing Dao en 1912.
* Yantai est la seule ville asiatique nommée « International Vine & Wine City » par l’OIV. La ville est devenue le berceau de l’industrie vinicole chinoise après la création en 1892 de Changyu, première cave chinoise de Chine.
1980, quand la Chine s’éveille… aux vins (rouges)
Il faudra attendre les années 1980 quand Deng Xiaoping donna aux Chinois le feu vert à une sorte d’économie de marché pour que la filière viticole prenne définitivement son essor. En 2010, le gouvernement central chinois fixait le cap. Il désignait le vin comme une industrie clé pour le pays en décrétant que le vin rouge était préférable aux spiritueux. Cette grande marche en avant est illustrée par la floraison d’imitation de châteaux de la Renaissance (Voir parmi les plus emblématiques : le Chateau Changyu Moser XV, Helan Ting Winery, Chateau Saint Louis Ding, et Château Mihope). D’autres plus étonnant encore, des édifices modernes comme Chateau Yunmo Great Wall ou de Chateau Shapotou.
Près de 30 ans de partenariat entre la Chine et la France
Ces dernières décennies ont vu se renforcer une collaboration avec l’Occident : Rémy Cointreau crée Dynasty Wines en 1980 à Tianjin ; en 2001, le groupe Castel n°1 du vin dans le monde, noue un partenariat avec Changyu, qui se concrétise par la création de l’un des domaines viticoles chinois les plus prestigieux, Chateau Changyu-Castel, à Yantaila ; la division Chandon de LVMH produit des vins mousseux depuis 2013 à Ningxia avec une cave de 6 300 m2, non loin de Silver Heights ; en 2013 également, Rothschild plante ses premières vignes dans le Shandong ; Chateau Rongzi fait appel à Jean-Claude Berrouet (ex Pétrus) pour produire ses vins rouges ; Bruno Paumard règne depuis 2010 sur Chateau Hansen situé à Wuhai dans la province autonome de Mongolie Intérieure (à l’extrémité ouest du désert de Gobi, près du fleuve Jaune). Sous le label bio, il produit des cuvées millésimées, élevées en fûts avec les seules levures naturelles du raisin, aux noms (en français) de Vin du fleuve jaune, Vin du désert mongol. Pernod-Ricard possède Helan Mountain (les Monts Helan) depuis 2012 (une co-entreprise avec Guangxian) dans la province très prometteuse de Ningxia. Sur 400 ha, elle produit la marque Helan Mountain qui a été la première à décrocher une AOC en 2013. Elle est gérée par Brett Richardson et Craig Graffon de Jacob’s Creek (marque australienne appartenant à Pernod-Ricard). Enfin, en avril 2018, Wine World, énorme entreprise chinoise basée à Shenzhen (métropole qui relie Hong Kong à la Chine continentale) annonçait qu’elle avait recruté l’œnologue bordelais Michel Rolland* (sur la liste des dix plus grands World flying winemakers), comme consultant en chef pour ses vins.
*Michel Rolland travaillait déjà pour Great Wall, propriété du conglomérat agroalimentaire chinois COFCO, en tant que consultant pour le vin depuis 2011.
Les trophy wines et les lois anti-corruptions
Aujourd’hui encore, on accompagne un repas avec de la bière ou de la limonade mais les mentalités changent au profit du vin notamment auprès d’une clientèle jeune et urbaine (voir plus haut). Trop souvent encore, quoique combattu par les lois anti-corruption de 2014, lors de dîners d’affaires, l’estime qu’on porte à ses convives se mesure au prix de la bouteille. A cet effet, Château Lafite Rothschild ou Château Latour sont ces grands bordeaux exhibés comme trophy wines et dont le prestige en Chine n’a toujours pas d’égal. Enfin quoique très sérieusement combattue depuis 2014, l’image de la Chine, plus gros pays contrefacteur du monde, oblige sa législation à évoluer pour redonner confiance à ses partenaires commerciaux et aux consommateurs finaux.
Les 5 plus grandes marques de vins chinois
(Société, Marques, Partenariat)
- Shandong Yantai : Changyu group Co Changyu 1 (Castel)
- Dynasty : Dynasty 3 (Ex Remy Martin)
- Shandong Huaxia Winery : Great Wall 2, Longing Palace, Homey Royal (100 % chinois : COFCO)
- Shandong Weilong Grape Wine : Grand Dragon, Weilong 4,
- Beijing Fengshou Winery : Fengshou
- Jilin Tonghua Wine Factory : Tonghua
- China Great Wall Cofco WineryGreat : Wall 2 (100% chinois : COFCO)
- Beijing Dragon Seal : Dragon Seal 5 (Beijin Wine, Ceroil, Pernod- Ricard a revendu ses parts)
- ShanghaiShenma Winery : Imperial Court (Ex Remy Martin)
VII/ Chine et Bordeaux, une fascination réciproque
Depuis une dizaine d’années, combien de jeunes Chinois sont-ils allés faire leurs études d’œnologie à Bordeaux, à Dijon, à Montpellier ou peut être à Londres, en Australie ou dans Napa Valley en Californie. En plus de son art de vivre, la France a un autre avantage, celui de posséder des appellations magiques connues dans le monde entier (Champagne, Bourgogne, Bordeaux…) qui attirent spécialement les étudiants chinois fascinés aujourd’hui par cette pléthore de métiers autour du vin (très tendance). D’ailleurs, si vous demandez à un jeune chinois quel est le pays du vin, il répondra sans hésiter, la France et si vous insistez, il vous assènera Bordeaux qui pour lui, représente le vin par excellence.
450 000 Bordeaux vendus en 18 minutes sur WeChat
Exemple concret rapporté par l’AFP qui date d’avril 2018 : en 18 minutes quelque 450 000 bouteilles de bordeaux ont été vendues à des internautes chinois sur l’application de messagerie chinoise WeChat (réseau similaire à Facebook), une opération montée par la société d’un ancien couple d’acteurs chinois, Shanghai Dowell Trading en partenariat avec le producteur français Haussmann Famille. A méditer !
Bordeaux sur la nouvelle route de la soie
Cela fait débat et pourtant ! La Chine a inauguré une nouvelle stratégie baptisée New Silk Road (Nouvelle route de la soie). Bordeaux en serait-il l’un des tout premiers bénéficiaires. Un petit calcul ! Dans le cadre de cette stratégie, combien de trains depuis 2017, transportant jusqu’à 14 000 bouteilles de vin de Bordeaux (par voyage) ont emprunté la ligne Lyon -Wuhan (capitale de la province du Hubei) sachant qu’en 2017, la Chine a importé 632 000 hl soit plus de 84 millions de bouteilles de Bordeaux, à 98 % rouges ? Alors combien de trains, combien de porte-containers pour 2018 ?
Des bordeaux oui mais pas seulement
Bien que les exportations de Bordeaux vers la Chine aient commencé à diminuer en 2014, conséquence de l’adoption de nouvelles lois anticorruption par le gouvernement à Pékin, elle reste aujourd’hui encore de très loin le premier marché du vin de Bordeaux à l’exportation. Mais cela va-t-il duré ; la Chine restera-t-elle ce dragon assoiffé de Bordeaux ? Représente-t-elle vraiment une menace pour le plus prestigieux vignoble du monde ? La concurrence arrive. L’Australie est devenue le deuxième pays fournisseur de la Chine, avec plus de 20 % de parts de marché. Ses vins à base de syrah (shiraz) sont très appréciés par les consommateurs chinois. Les importations de vins australiens ont ainsi augmenté de 33 % en volume et de 25,8 % en valeur par rapport à 2016.
La Bourgogne pointe son nez
Bordeaux oui, mais un autre vignoble pointe son nez : la Bourgogne. C’est nouveau (pour le palais chinois), c’est très cher avec des étiquettes et des appellations qui flambent… Et c’est surtout devenu tendance avec un engouement qui ne se dément pas. En plus, quelle simplicité dans l’offre, les rouges, c’est du pinot noir et les blancs, du chardonnay même s’il existe quelques 1200 climats.
On savait les chinois intéressés par la Bourgogne depuis que le château de Gevrey-Chambertin, édifice du XIIIe siècle et ancien prieuré de Cluny avec son vignoble de 2,3 ha avait été acheté en 2012 par Louis Ng Chi Sing, milliardaire chinois, patron de casinos à Macao, pour 8 millions d’€.
Les femmes chinoises préfèrent les blancs
On l’a vu plus haut, les femmes chinoises consomment de plus en plus de vins et indéniablement, elles préfèrent le blanc. Rappelons que les bourgognes sont à 60 % blancs. Le marché côté chinois est donc exponentiel pour les bourgognes. En contrepartie, il faut s’attendre ces prochaines années à de sérieuses incidences sur les prix pour des millésimes de plus en plus exceptionnels et des quantités qui sont souvent de plus en plus réduites.
Mais d’abord, côté Bordeaux, une reconnaissance très attendue !
Reconnaissance par la Chine de 45 AOC bordelaises
En 2009, la Chine avait déjà reconnu les appellations Cognac et Champagne puis l’appellation générique Bordeaux (sous laquelle sont commercialisés d’ailleurs 60 % des volumes). Enfin, dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon, le CIVB (l’interprofession bordelaise) obtenait qu’elle reconnaisse officiellement l’ensemble des appellations bordelaise. C’est fait, elle en a reconnu 45 sur 60. Un bon début !
160 châteaux bordelais aux mains des chinois
A force d’aimer le Bordeaux et de boire ses étiquettes prestigieuses : Lafite, Latour, Rothschild… les chinois ont décidé d’aller voir de plus près cette terre girondine qui portent de si beaux châteaux (!). Les premières acquisitions eurent lieu à partir de 2008. Dix ans plus tard, les chinois (comment avant eux, les belges, les néerlandais, les anglais, les allemands… en leur temps*) ont jeté leur dévolu sur 160 châteaux (sur 7000) aux mains de 75 investisseurs chinois selon le conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux soit 3 % des surfaces viticoles. Dernière transaction en date (avril 2018), Château de Lagorce, domaine en AOC Bordeaux dans l’Entre-Deux-Mers à Targon (68,7 ha de terres, dont 43,3 ha en production) a été vendu à SCEA Degore (groupe chinois spécialisé dans la distribution de vin). D’après Laurence Lemaire, auteure de Le Vin, le Rouge, la Chine (Sirène Production), les chinois seraient davantage intéressés par des propriétés viticoles avec châteaux sur le fronsac, le médoc et le saint-émilion, opérant une montée en gamme. On compte dit-elle 14 crus bourgeois à l’heure actuelle sous contrôle chinois et le vin qui y est produit est essentiellement exporté et distribué en Chine avec un seul mot d’ordre pour leurs responsables techniques : la qualité, car les consommateurs chinois connaissent de mieux en mieux le vin et sa culture. Aujourd’hui, près d’une propriété viticole bordelaise vendue sur deux (40 %) l’est en faveur d’investisseurs chinois. Il n’y a aucun doute, cette fièvre d’achat contribuent au succès des vins Côtes de Bordeaux en Chine (Côtes et Bordeaux / Bordeaux Supérieur) qui enregistrent depuis 5 ans les meilleurs résultats d’exportation de vins de Bordeaux vers la Chine avec une augmentation de 6 % en volume entre 2012 et 2016.
*Les Chinois ont dépassé ces dernières années les Belges et les Britanniques en tant que principaux investisseurs dans les vignobles français.
Et quand 10 châteaux bordelais appartenant au groupe Haichang sont saisis par la justice française
Fin juin 2018, la saisie par la justice française de 10 châteaux (d’une valeur de 28 millions d’€, aucun château n’est classé) propriété du groupe chinois Haichang va-t-elle faire tache ? Touchera-t-elle la bonne réputation des quelques 160 châteaux détenus dans le bordelais par l’Empire du milieu ? Le parquet national financier a obtenu la saisie conservatoire de dix des vingt-sept châteaux* presque tous dans le libournais, acquis entre 2010 et 2013 par le groupe Haichang basé à Dalian et dirigé par Naijie Qu. Cet homme d’affaire richissime de 54 ans est à la tête d’un empire financier dont les activités vont du transport à l’immobilier et au tourisme. Il est aussi connu pour être propriétaire de parcs de loisir où il y écoule une bonne partie de sa production bordelaise. En 2012, il organisait une foire aux vins à Dalian en partenariat avec la Chambre de Commerce de Bordeaux.
* Pour ces dix châteaux saisis, ont été découverts un certain nombre d’infractions fiscales commises en France (blanchiment, fraudes fiscales, faux en écriture, usages de faux…), plus un prêt douteux. En attendant les suites de l’enquête, les 10 domaines saisis ne cessent pas leur activité. Les autres châteaux du groupe chinois sont également dans le viseur de l’Office Central de Répression de la Délinquance Financière.
Naijie Qu, aujourd’hui, le plus grand propriétaire de vignes dans le bordelais
Naijie Qu fut sans doute, l’un des premiers investisseurs chinois à s’intéresser il y a une dizaine d’années à des propriétés viticoles bordelaises surtout lorsque qu’elles étaient dotées de vrais châteaux. Aujourd’hui il est devenu le plus grand propriétaire de vignes à Bordeaux avec plus de 500 ha. Mais l’homme d’affaires est soupçonné, après 4 ans d’enquête, d’avoir détourné par des moyens de montages financiers douteux, 32 millions d’€ de fonds publics chinois pour acquérir ces domaines. L’argent viendrait en fait d’une filière du groupe Haichang, qui détournerait les fonds publics chinois accordés par certaines provinces à l’acquisition de technologies étrangères. Naiji Qu, ce que révéla le journal Sud-Ouest, avait déjà été inquiété à la suite d’un rapport de la cour des comptes chinoise dans le cadre d’une vaste opération anti-corruption.
Pas de poursuite en Chine
Nous avons fait appel de l’ordonnance de saisie, qui n’est qu’une saisie empêchant de vendre et qui n’indique aucune culpabilité a évidemment précisé l’avocat parisien de Haichang, ajoutant qu’il n’y avait pas de poursuite en Chine. Et pourtant, dès 2013, les enquêteurs parisiens sur le blanchiment d’argent, Tracfin, mettaient en garde contre les investissements chinois dans l’industrie du vin en France en appelant à une vigilance accrue. A suivre donc !
Le grand bond en avant de la Chine, puissance viticole
La Chine grande puissance viticole ! Qui le contesterait aujourd’hui ? Tous les indicateurs sont là pour le prouver. Sur 9 597 millions de km2 (presque 15 fois la France) répartis en vingt-trois provinces et cinq régions autonomes, combien encore de terres à vigne à découvrir, à façonner à l’image de Bordeaux, de Napa Valley… ? La Chine a la volonté, l’argent et la puissance pour exploiter ses propres vignobles, quel qu’en soit le coût humain. Partout dans le monde, elle investit des vignobles, des châteaux, des marques. Elle forme, elle recrute les meilleurs consultants œnologues de la planète. Le marché chinois est si prometteur que les plus grosses entreprises viti-vinicoles internationales sont présentes sur son territoire. En 2018, la Chine compte plus de 50 millions de consommateur de vins… Et demain ? Les années 2020 marqueront le véritable grand bond en avant d’une Chine conquérante, grande puissance viticole.