Pouilly-sur-Loire en 2017 célébrait les 80 ans de sa reconnaissance de ses deux AOC (datant de 1937). Voici un vignoble de 1380 ha qui se caractérise par deux appellations et par deux cépages : le sauvignon blanc pour le Pouilly-Fumé (sur 1350 ha) et le chasselas pour le Pouilly-sur-Loire (sur 30 ha) ; deux vins blancs secs qui profitent d’une extraordinaire situation géographique puisque tiraillés aux marges de la Bourgogne (sa bordure sud-ouest), ils jouissent pleinement de leur situation au mitan de la Loire (à 496 km de sa source et de son embouchure). On est dans le département de la Nièvre mais face à Sancerre*, située dans le Berry (département du Cher), l’ami, le concurrent, le frère ligérien avec pour complice, le sauvignon que certains ampélographes s’étonnent en constatant ses similitudes morphologiques avec le chenin de la Loire ! Le sauvignon n’est-il pas lui même originaire du Val de Loire !
Pouilly-Fumé, Sancerre, Menetou-Salon, Coteaux-du-Giennois… un cépage commun, le sauvignon blanc
* Sancerre avec un vignoble de 2950 ha (plus de 23 millions de bouteilles par an, en Blanc à plus de 80 %), est leader des vins de Centre-Loire, devant le Pouilly Fumé et le Menetou-Salon suivis du Reuilly, du Quincy et des Coteaux du Giennois, tous partageant le sauvignon comme cépage blanc presque exclusif de leur appellation. Enfin, Petit Poucet entre tous, l’IGP Côtes de la Charité, 54 ha dans l’arrière-pays charitois, est occupée à 90 % par le chardonnay et le pinot noir. N’est-ce pas la seule IGP en vin effervescent dans tout le Val de Loire ?
Pouilly, Sancerre, un face-à face sublimé par la Loire
De Sancerre, il suffit de franchir la Loire sur le pont de Saint-Satur, le port de Sancerre pour entrer dans le Nivernais. Pouilly, Sancerre, des siècles à s’observer, à s’empiéter d’une rive à l’autre. Mais quel spectacle à voir ce grand fleuve l’été, se perdre, nonchalant, dans un lit décidément trop grand pour lui lorsqu’il effleure de mille caresses, ses blancs de sables et ses îles que l’homme à bien voulu abandonner à la nature*. Heureux sont ceux qui se laissent emporter sur une de ces gabares à fond plat pour admirer, le cœur hésitant, entre la rive droite et la rive gauche, entre un Pouilly-Fumé et un Sancerre Blanc ! Deux vins, deux joyaux parmi 80 appellations qui s’égrainent le long des 1000 km de cette vallée où coule, d’un Massif (central) à l’autre (armoricain), le plus long fleuve de France, souvent qualifié de dernier fleuve sauvage d’Europe.
* Pouilly-sur-Loire accueille le centre géographique de la Loire (Le Pavillon du Milieu de Loire) dont le but est de mettre en valeur une réserve naturelle avec un écosystème spécifique au bassin ligérien.
Ce Pouilly-Fumé, quel drôle de nom pour un vin !
D’abord Pouilly-Fumé et Pouilly-sur-Loire ne doivent pas être confondues avec le Pouilly-Fuissé du Mâconnais qui est issu du chardonnay. Ils ont pourtant un dénominateur commun, le vignoble a été aux mains de ces mêmes moines clunisiens établis ici au prieuré de La Charité-sur-Loire. A ce fameux Fumé (Blanc Fumé comme on appelle le sauvignon localement) On avance quelques explications, les unes sérieuses, les autres plus fantaisistes :
- 1/ Le Pouilly-Fumé est issu comme on l’a vu du sauvignon blanc, un cépage dont les grappes sont formées de petits grains ovoïdes, qui sont serrés les uns contre les autres. A maturité, ces grains sont recouverts d’une pruine grise, couleur de fumée… ce qui explique pourquoi les vignerons de Pouilly parlent entre eux de Blanc Fumé pour désigner ce cépage.
- 2/ Le qualificatif fumé se rapporte également aux arômes et au bouquet (ou au fumet) inégalables et reconnaissables entre tous, ce fameux goût de pierre-à-fusil qui se dégage du frottement de deux silex typique de ce terroir.
Enfin, certains prétendent que ce fameux Fumé serait dû à ceux qui en en buvant raisonnablement auraient le privilège de voir leur existence à travers un léger écran de fumée (!) ce qui en atténuerait la laideur. Mieux encore, en abuser avec modération permettrait d’atteindre un univers sans pesanteur, où tout est fumée.
Le sauvignon de Pouilly-Fumé, référence absolue
Le vignoble de Pouilly est planté aujourd’hui sur 1350 ha. Il s’étend au nord-est de la Nièvre sur sept communes où se répartissent un vignoble caractérisé par de petites exploitations familiales restées à l’échelle humaine. On compte aujourd’hui 156 exploitants dont 8 vignerons négociants. Parmi eux quelques grands noms qui ont porté haut et fort l’appellation et son cépage, le sauvignon dans le monde : le château du Nozet sur le flanc sud de la colline de Saint-Andelain dont le propriétaire Patrick de Ladoucette a su développer un Pouilly-Fumé reconnu mondialement pour sa finesse ; ou encore ces extraordinaires sauvignons (se révélant être d’exceptionnels vins de garde) du château de Tracy sur une propriété de 33 ha de vignes qui appartient à la même famille depuis le XVIe siècle, sur des sols de silex et des calcaires du Kimméridgien, pauvres en terre.
Didier Dagueneau, les plus grands sauvignons de tous les temps
Faudrait-il aussi citer celui dont le nom représente la référence absolue du sauvignon dans le monde. Ce sauvignon là a été marqué par le génie d’un grand vigneron, Didier Dagueneau, barbu et chevelu, disparu accidentellement en 2008. Il était propriétaire de 12 ha entre Saint-Andelain et Saint-Laurent au cœur du Pouilly Fumé, que ses enfants ont repris depuis (son fils Louis-Benjamin* et sa fille Charlotte pour la partie commerciale). Faire l’inventaire de ces cuvées (Silex, Buisson Renard, Mont Damné-Chavignol (à Sancerre) jusqu’au mythique Clos du Calvaire, 20 ares plantés par le père et ressuscité par le fils, à 10 000 pieds à l’hectare dont 2016 fut le premier millésime), laissées par Didier Dagueneau, revient à dresser la liste des plus grands sauvignons de tous les temps.
Lorsqu’on dégaine un Astéroïde de Dagueneau
Ainsi, l’Astéroïde, issu d’un vignoble franc de pied (non greffé) vendangé toujours très mûr laissait fin 2016, Laure Gasparotto, journaliste au Monde, pantois : Où que vous soyez dans le monde, dégainez un Astéroïde de Dagueneau, et les regards deviendront vite inspirés, les yeux émus, et les palais assoiffés. L’Astéroïde, c’est un pouilly-fumé, un vin blanc minéral d’extraterrestre, sans doute le meilleur de la Loire. Un truc à faire tomber les filles. Les hommes aussi, d’ailleurs. Personne n’y résiste. Des flacons qui se trouvent, il est vrai à plus de 400 €.
*Louis-Benjamin Dagueneau qui a beaucoup fait pour améliorer le Dominaine (chai ultra moderne, trois stations météo, un salarié par hectare…) a été reconnu Vigneron de l’année 2016 par la Revue du Vin de France.
La cuvée Silex, au panthéon des plus grands vins secs du monde
La cuvée Silex* du Domaine Didier Dagueneau représente la quintessence du Sauvignon en Pouilly-Fumé, ce qu’on peut faire de mieux, le plaçant assurément au panthéon des plus grands vins blancs secs du monde. Louis-Benjamin en dit que c’est un vin complet, profond, racé et ultraprécis. Il est, d’une pureté cristalline, doté d’une richesse et d’une droiture incomparable. Il provient des 4 ha d’argile à silex que possède le domaine sur les hauteurs du coteau de Saint-Andelain (le 2014 qui peut s’apprécier aujourd’hui, sera à son apogée vers 2022). Cuvée Silex 2012 a été primé Meilleur sauvignon de Loire par la Revue du Vin de France. La famille exploite aussi 3 ha dans le sud-ouest. Loin du sauvignon, c’est le petit manseng qu’elle produit dans le piémont pyrénéen, en AOP Jurançon, conduits en terrasses (les Jardins de Babylone).
*1985 fut le premier millésime de la Cuvée Silex.
Les 7 communes de Pouilly
- Pouilly-sur-Loire
- Tracy-sur-Loire
- Saint-Andelain
- Saint-Laurent-l’Abbaye
- Mesves-sur-Loire
- Saint-Martin-sur-Nohain
- Garchy
Quatre types de sol dominés par les marnes kimméridgiennes
Plantés sur des marnes kimméridgiennes (voir aussi Chablis) et bénéficiant d’un climat océanique propre au val de Loire, le sauvignon trouve ici des conditions quasi idéales. C’est au sommet de la butte de Saint-Andelain culminant à 100 m qu’il trouve ces fameuses argiles à silex. Il offre alors ce goût unique de pierre à fusil lié au réchauffement du silex dans l’argile, sous une dominante à caractère floral-végétal et une évocation franchement fruitée. Pour être plus précis, on distingue 4 types de sol :
- Les calcaires de Villers de l’Oxfordien (localement appelés caillottes) : dépôts sédimentaires calcaires qui bordent la partie est du vignoble ;
- Les marnes à petites huîtres du Kimméridgien (localement appelé terres blanches) : sols argilo-calcaires qui couvrent la plus grande partie du vignoble ;
- Les calcaires du Barrois du Portlandien (caillottes) : cailloux de calcaire généralement plus gros que ceux des calcaires de Villiers. On les trouve sur la bordure ouest de l’aire de l’AOC ;
- Les argiles à silex du Crétacé (silex): argile et silex qui occupent les points hauts de la butte de Saint-Andelain, de Saint Laurent et les coteaux de Tracy.
Une palette aromatique inégalée
- Le Pouilly-Fumé dont le cépage exclusif, le sauvignon exprime ici toute sa fraîcheur et son inimitable arôme de pierre à fusil. C’est un vin rond, au bouquet puissant, infiniment agréable et à la sécheresse légendaire avec des notes fruitées, rappelant les agrumes, des notes florales rappelant les fleurs blanches, des notes variétales et de la minéralité. On a de plus en plus tendance à lui accorder quelques années de cave, le temps de libérer un bouquet plus subtil avec une légère pointe d’épices.
- Le Pouilly-sur-Loire issu à 100 % du chasselas* ; un cépage loin de ses terres de prédilection que sont la Savoie, l’Alsace ou encore la Suisse. Il trouve à Pouilly une implantation idéale sur différents types de sols. Ici, il donne des vins gouleyants, francs et rafraîchissants. Ils présentent souvent des notes minérales, de fleurs blanches, de fruits secs, avec une certaine rondeur.
* Le chasselas est un cépage de l’arc lémanique en Suisse (rive gauche du lac Léman et très exactement du canton de Vaud). Son aire de prédilection est aujourd’hui la Suisse où on le trouve sous le nom de Fendant. En France, sa présence va de la Savoie à la Franche-Comté. Son arrivée à Pouilly date du Moyen âge. Il a longtemps cohabité avec d’autres variétés comme le meslier ou le pinot blanc. Enfin, le Chasselas de Moissac dans le Quercy (sud-ouest) bénéficie d’une appellation d’origine contrôlée mais uniquement pour le raisin de table.
Aléas climatiques et risque de pénurie
Les vignes bénéficient d’une douceur apportée par la Loire et le soleil couchant, car exposées pour la plupart plein ouest. Cependant, Pouilly est dépendant des aléas climatiques, pour preuves, ces deux dernières années de gel (2016 et 2017) qui vont sans doute pénaliser les producteurs face à la forte demande avec risque de pénurie (52 % des ventes partent à l’export).
L’assemblage est la règle mais…
A l’instar de Sancerre, la majeure partie des vignerons recherche, par des petits rendements, par des vendanges très sélectives et une faible densité de plantation, une qualité comparable à celle de leur voisin d’outre-Loire. Aujourd’hui, 98 % de la vendange se fait mécaniquement et parmi ceux qui pratiquent encore les vendanges manuelles, peut-on citer le Domaine Didier Dagueneau à Saint-Andelain ou encore le Château de Tracy.
En grande majorité, les vignerons assemblent leurs vins venant de différentes parcelles issues par exemple à 70 % de terroir à silex, 20 % de marnes kimméridgiennes et 10 % de calcaires. Mais avec l’arrivée de la jeune génération, certains vinifient et élèvent leurs vins en fûts, venant de parcelles spécifiques (à la manière bourguignonne). La production est aujourd’hui de 78 000 hl (plus de 10 millions de bouteilles par an) contre à peine 300 000 bouteilles pour l’ AOC Pouilly sur Loire. La cave coopérative assure à elle seule 20 % de la production. Elle se situe juste en face du Coq Hardi (sur l’ancienne Nationale 7, aujourd’hui sur la D28 A), restaurant gastronomique labellisé Vignobles & Découvertes tenu par le chef Dominique Fonseca (Meilleur Ouvrier de France 2000), ex Palais de l’Elysée, ex Intercontinental Paris.
Pouilly, une histoire qui a plus de 1300 ans
Les premières traces d’un vignoble à Pouilly remonteraient au Ve siècle, un domaine gallo-romain appelé Pauliacum (Domaine de Paul, le suffixe gaulois accus signifiant domaine, ce qui donnera Pouilly). Il était situé sur la voie romaine reliant Nevers à Orléans. Vers 680, celui ci avec ses vignes est légué par l’évêque Vigile à l’abbaye Notre-Dame-d’Auxerre. Mais comme la plupart des villes et des villas sur les rives de la Loire, le domaine est mis à sac par les Normands en 865 qui remontaient le fleuve sur leurs drakkars. Il retrouvera sa prospérité grâce aux moines bénédictins. Rappelons que le Nivernais dépendit du duché de Bourgogne entre le IXe et le XVe siècle. Il n’était donc pas rattaché au royaume de France.
Sous l’emprise des moines clunisiens de La Charité
Les chroniques rapportent qu’un certain Humbault-le-Blanc partant en croisade en Terres Saintes vendit en 1095 les vignes et le fief de Pouilly avec son château* au prieuré de La Charité pour 3100 sous et un marc d’argent. Les moines devinrent donc seigneurs temporels de Pouilly. Fondée quarante années plus tôt, le prieuré de La Charité (à 18 km à l’est de Pouilly) fille aînée de Cluny donne alors un nouvel essor au vignoble. Pour s’en rappeler, sur l’un des coteaux qui surplombent la Loire, une parcelle d’environ 4 ha a conservé l’appellation de Loge aux moines, lieu d’accueil pour recevoir les pèlerins de passage sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Ils y étaient reçus gratuitement et la maison, tenue par des religieux, tirait ses ressources de dons pour notamment assurer l’approvisionnement en vins des pèlerins.
* À la Révolution, le château de Pouilly devint bien national. Au début du XIXe siècle, il fut acquis par la famille Lafond qui venait d’acheter le château du Nozet (propriété aujourd’hui du baron Patrick de Ladoucette).
Les vins de Pouilly à la Maison du roi
La Loire fut un formidable vecteur pour diffusion des vins de Pouilly grâce aux puissantes compagnies de bateliers* au point que leur renommée gagna la Flandre alors fief des Comtes de Nevers. Louis XI, berruyer de naissance (il était né à Bourges en 1423) va en 1477 rattacher la Bourgogne au royaume de France. Il était donc naturel qu’il se fit envoyer du vin de Pouilly en son château de Plessis-les-Tours (près de Tours située sur la commune de La Riche).
*Cette puissante compagnie des bateliers sera mise à mal par l’arrivée sur la Loire des bateaux à vapeur en 1843.
Par la Loire et le canal de Briare, un formidable accès aux marchés parisien et anglais.
Depuis le XVIe siècle, le transport des vins s’effectuait par la Loire, malgré les difficultés occasionnées par un fleuve souvent pris l’hiver dans les glaces, les crues ou les basses eaux. En 1642, l’ouverture de canal de Briare qui sert de jonction entre la Loire et la Seine (via le Loing) va offrir un accès vers le marché parisien. Les fûts rejoignaient également Rouen, porte d’entrée du marché anglais. Cette embellie profita en premier lieu aux grands propriétaires fonciers de l’ancien régime (clergé et noblesse) mais également à toute une société paysanne vigneronne qui a su se développer. On a pu retracer cette importante activité grâce aux Lettres de voiture qui, jusqu’au XVIIIe siècle dressaient les avis d’expéditions du vin de Pouilly vers Montargis, Fontainebleau, Paris et Versailles.
Pouilly et la Révolution ou une redistribution illusoire des vignes
La Révolution survint après une récolte 1788 catastrophique. Les paysans qui devinrent propriétaires des biens nationaux et des terres possédées alors par les nobles et le clergé n’avaient pourtant pas les moyens de les exploiter. On cultivait à cette époque le melon de Bourgogne (plus connu dans le pays nantais sous le nom de muscadet), le petit meslier blanc cultivé également à Sancerre et le chasselas pour les cépages les plus connus. La renommée des vins de Pouilly ne semble pas avoir été affectée par cette redistribution des vignes puisque, en 1793, un poinçon (tonneau étalonné) de Pouilly de 223 l se négocia 134 livres, un tiers au-dessus des meilleurs autres vins de la région. Les surfaces plantées vont même sensiblement augmenter.
Le chemin de fer arrive, le chasselas prend le pas
Le chemin de fer arrive à Pouilly en 1861. Il va modifier l’orientation du vignoble. La problématique est simple. Paris manque de raisin de table et les mandataires des Halles recherchent un vignoble proche qui pourrait approvisionner la capitale en chasselas doré de Fontainebleau (ou raisin de table) jusque là cultivé dans la région de Fontainebleau où, à Thomery, il occupait 120 ha exposés au nord-est sur un versant dominant la Seine (le cépage chasselas viendrait du nom d’une petite commune près de Mâcon, en Saône-et-Loire). Un an plus tard, 360 tonnes de raisin quittaient les gares de Mesves, Pouilly et Tracy par train spécial quotidien pour atteindre en 1865, les 3000 tonnes. Ainsi, un train spécial partait-il chaque jour à 16 heures dès la fin septembre, pour conduire les paniers de raisin aux Halles avant minuit. Trois mandataires s’étaient installés à Pouilly pour convaincre les vignerons de délaisser le vin au profit du raisin de table. Les prix proposés étaient alors bien plus rémunérateurs. En conséquence, l’encépagement du chasselas se développa très rapidement. Le plus important propriétaire de l’époque planta à lui seul entre 1862 et 1890, plus de 100 ha de doré de Fontainebleau et Pouilly connût à cette époque une incroyable prospérité.
Fin XIXe siècle, mildiou et phylloxéra s’abattent sur le vignoble
Mais cette prospérité va se briser sur deux catastrophes qui vont s’abattre sur le vignoble. En 1888, ce fut le mildiou qui fut suivi 2 ans plus tard par le redoutable phylloxéra (puceron dévastateur originaire d’Amérique) qui anéantit la totalité du vignoble. Tout fut arraché dans la décennie qui suivit. Nombre de vignerons durent abandonner faute de moyen pour reconstituer leurs vignes à partir de plants greffés sur bois américain. Et c’est ainsi que s’acheva à Pouilly, l’épopée du raisin de table.
1937, l’obtention des deux AOC
Dorénavant la replantation se fait essentiellement à partir de petites exploitations familiales consacrées de nouveau à la vinification. En 1923, un jugement consacre l’usage du nom de Pouilly-Fumé pour les vins issus du cépage sauvignon et du nom de Pouilly-sur-Loire pour les vins issus du cépage chasselas. Les producteurs s’organisèrent en créant en 1948 la Cave coopérative de Pouilly (en face aujourd’hui du célèbre restaurant gastronomique Le coq hardi tenu par le chef Dominique Fonseca), puis la confrérie des Baillis de Pouilly. Si la délimitation de l’aire de production est réalisée en 1929, il faut attendre 1937 pour l’obtention de deux Appellations d’Origine Contrôlée, il y a juste 80 ans. A partir des années 1960, le vignoble entreprend une longue évolution tant dans les méthodes culturales que dans les chais, pour l’élaboration toujours plus qualitative de crus qui voient leur notoriété s’affirmer dans le monde entier (55 % de la production est exportée).
La confrérie des baillis
Fin janvier 2017, la Confrérie des Baillis de Pouilly fondée en 1949, tenait son 212e chapitre, celui de la Saint-Vincent. Elle voyait la statue de Saint-Vincent quitter le hameau des Loges, escortée par la Confrérie des Baillis de Pouilly en grande tenue et au couvre-chef noir orné d’un lambrequin, pour migrer chez un autre vigneron, Jean-Pierre Bailly*, à Tracy-sur-Loire à la tête de 7 ha (80 % des parcelles destinées au Pouilly-Fumé, 10 % au Pouilly sur Loire et 10 % aux Coteaux-du-Giennois). Elle y sera hébergée jusqu’au prochain chapitre de 2018. Ainsi va la tradition de l’une des plus anciennes confréries vineuses de France qui a pour devise : eau nous divise, vin nous unit (clin d’oeil à la Loire qui sépare Pouilly de Sancerre le vignoble frère, juste en face, sur l’autre rive) ; tout cela évidemment sous l’égide de l’amitié, de l’entraide, de l’honneur, de la générosité et de la convivialité dans la digne traditions du folklore Pouillyssois.
*Comme le veut la tradition, Jean-Pierre Bailly a planté sur la statue de Saint-Vincent, le traditionnel clou portant son nom et le millésime du chapitre.
Une cohorte de Maîtres et des impétrants de plus en plus nombreux
Bailli vient du vieux français baillir (gouverner, diriger, administrer). Le Bailli était un officier d’épée ou de robe qui rendait la justice au nom du roi ou d’un seigneur, étant également en charge de fonctions administratives. le Grand Bailli Général, Marc Lagrange jouirait-il encore de cette charge pour les vins de Pouilly, secondé d’une cohorte de dignitaires et de maîtres ? La Confrérie compte aujourd’hui plus de 2 500 membres, dirigés par un Grand Conseil de 17 dignitaires : Maître dégustateur, Maître des agapes, Maître des sagesses opportunes (!), Maître des grimoires, Maître des chais, Maître ordonnateur, Maître du trésor, Maître des rites, Maître des cérémonies, Maître des presses, Maître des archives, Maître des vignerons, Maître grand messager, Maître du fin palais, Maître des quiétudes, Maître des vérités. A chacun son titre, voici une politique qui devrait plaire au plus grand nombre. Enfin, lors de ses chapitres* (Grand Chapitre de la Saint-Jean, Chapitre de Saint-Vincent, Chapitres extraordinaires), la Confrérie ouvre ses rangs aux impétrants dignes de cet honneur, après qu’ils aient fait serment sur la pipette sacrée, de défendre et de vanter en tous lieux, les mérites des vins de Pouilly.
*Au cours de chaque chapitre, est décerné le Prix de la Pipette (réalisée en Faïence de Nevers, par la Maison Montagnon), qui récompense le meilleur quatrain glorifiant les vins de Pouilly.
Pouilly et ses grands millésimes
On oubliera 1972, annus horribilis, année froide et tardive pour se concentrer sur ces 15 grands millésimes
- Pour des années marquées par la canicule : 1947, 1949, 1959, 1976, 2003 (quid de 2017 ?)
- Pour des années exceptionnelles : 1955, 1975, 1985, 1996, 2008
- Pour des années que le temps va rendre finalement exceptionnelle : 1948, 1978, 1986, 1988, 1998
Les châteaux du Nozet et de Tracy, Pouilly Fumé, noblesse oblige !
Domaine de Ladoucette (le château du Nozet)
Le domaine de Ladoucette planté sur le flan sud de la colline de Saint-Andelain (dont la fameuse Côte Rôtie dominant le château) appartient à la famille des Comtes Lafond, célèbre lignée de banquiers français depuis la fin du XVIIIe siècle. Ce domaine composé d’une centaine d’hectares de vignes, la plupart entourant le château sur des parcelles au sol argileux et siliceux offrent des vins qui ont acquis le statut de références mondiales du sauvignon. C’est sans aucun doute le domaine le plus important et le plus réputé des vignobles de Pouilly Fumé. Il appartient aujourd’hui au Baron Patrick de Ladoucette, arrière petit fils des comtes Lafond. En 1972, à 20 ans, après avoir grandi en Argentine, il fut le premier membre de sa famille à s’investir totalement dans la culture du vin.
Le château du Nozet a été reconstruit au XIXe siècle dans le style néo-renaissance et troubadour. La terre et la maison seigneuriale du Nozet avaient été donnés en 1234 aux bénédictins de la Charité qui les vendront aux du Broc (Edmond du Broc, écuyer, seigneur du Nozet et des Granges). Le domaine fut la propriété également de l’une des filles illégitimes de Louis XV avant d’être acquis par les familles de Ladoucette et Lafond.
L’empire du baron
Si Patrick de Ladoucette possède une centaine d’hectares plantés en sauvignon blanc à Pouilly pour une production annuelle d’environ 700 000 bouteilles (de Ladoucette Pouilly-Fumé, Baron de L…), il s’est également porté acquéreur de vignes à Sancerre : La Poussie, Marc Brédif (Vouvray, Bourgueil, Chinon…), Régnard en Bourgogne (Grands Crus de chablis, etc.),Villa Vallombrosa dans le Var jusqu’en Champagne, le Château Comtesse Lafond dont le siège est l’ex Palais de Pékin, en haut de l’avenue de Champagne à Epernay, etc.
Baron de L. Cette cuvée produite lors des grands millésimes* est l’un des plus grands sauvignons du monde. Sélectionnée à partir des plus vieilles vignes du domaine, elle se distingue par une vinification d’une grande rigueur, et notamment un élevage de dix-huit mois. Son potentiel de garde est étonnant. C’est un vin ferme et puissant qui développe des arômes fins et complexes, aux nuances de pêche, de mangue et de miel.
*2009, 2008, 2005, 2002, 2001, 1998, 1997, 1996, 1995, 1993, 1990, 1989, 1988, 1985
Château de Tracy, la même famille depuis 600 ans
(Voir l’article spécifique au Château de Tracy)
Ce lieu est une entreprise familiale recréée par le comte et la comtesse Alain d’Estutt d’Assay en 1952. Elle est aujourd’hui dirigée par Juliette d’Assay la dernière de leurs quatre enfants. En y insufflant une nouvelle dynamique, elle a su perpétuer, après son frère Henry d’Assay, le travail entamé par ses ancêtres 600 ans plus tôt. Le château de Tracy se situe au nord de l’appellation Pouilly Fumé. Son vignoble couvre 33 ha sur les coteaux dominant la Loire, de la butte de Tracy au plateau de Pouilly-sur-Loire (Champs de Cris).
Le terroir des plus grands sauvignons de l’appellation
Nul doute qu’autour du château, la Butte de Tracy est le terroirs des plus grands blancs issus du sauvignon, un terroir d’argile à silex apportant à la fois cette remarquable minéralité mais aussi une très grande pureté et surtout une magnifique aptitude au vieillissement. Les silex représentent à Tracy plus du tiers du vignoble lui donnant sa cuvée historique Château de Tracy. Pour le reste, c’est un terroir marqué par le calcaire avec notamment certaines marnes et roches Kimméridgiennes* (truffées de petits huitres fossiles). On produit ici des vins ayant aucune trace de résidu chimique (plus aucun désherbant, plus aucun acaricide, ni antipourriture et pour contrôler l’herbe, des labours sont pratiqués entre les rangs). Tracy a ainsi obtenu en 2014, le niveau 3 de la certification Haute Valeur Environnementale reconnaissant l’usage de pratiques culturales vertueuses depuis plusieurs années. Le château de Tracy produit aujourd’hui 200 000 bouteilles par an sous la responsabilité de Laurent Labaume, son chef de culture et son oenologue.
Les quatre cuvées du Château de Tracy
- Château de Tracy : c’est la cuvée historique du château issue des coteaux à proximité de la Loire exposés au sud-ouest sur des sols constitués de silex et de roche Kimméridgienne. Âge des vignes : 35 ans (degré naturel : 12.60° et une acidité de 4.46 gr/l).
- Mademoiselle de T : cette cuvée est issue des plus jeunes vignes du château sur des coteaux à proximité de la Loire, exposés sud-ouest sur un sol de sables, silex et roche Kimméridgienne (degré naturel : 12.74°, acidité : 4.09 gr/l).
- Haute Densité : Les « Hautes Densités » proviennent d’une petite parcelle de 1 ha plantée sur les plus beaux terroirs de calcaires du Château de Tracy (plateau des Champs de Cri). Issu d’un mode de culture unique sur l’Appellation, le sauvignon offre une rare complexité. Cette cuvée est produite de façon confidentielle, avec seulement 2742 bouteilles en 2014. Ce vin est issu d’une vigne plantée en haute densité (17000 pieds par hectare ; la densité courante pour l’appellation étant 7000 pieds par hectare).
- 101 Rangs : les 101 Rangs font l’objet d’une sélection stricte de raisins provenant de la plus ancienne vigne du château, elle même située sur l’un de nos plus beaux terroirs de silex à argile. La production est confidentielle, seulement 1386 bouteilles sur ce millésime. L’âge moyen des vignes est de 60 ans (Degré naturel : 13.15°et acidité : 5.32 gr/l).
Liste non exhaustive des producteurs de Pouilly
(Par commune)
Pouilly-sur-Loire :
- Tinel-Blondelet (Domaine)
- Saget La Perrière
- Petit Bernard (Domaine)
- Masson-Blondelet (Domaine)
- Figeat André & Edmond (Domaine)
- Domaine Saget
- Caves de Pouilly- sur-Loire
- Bardin Jean-Jacques (Domaine)
- Bardin Cédrick (Domaine)
Tracy :
- Tiriou Sylvie
- Serafini Serge (Domaine)
- Schlatter Olivier
- Pabiot Roger & Ses Fils (Domaine)
- Mollet-Maudry Père & Fils
- Maudry Gilles (Domaine)
- Langlois Gilles (Domaine)
- Grebet Père & Fils (Domaine)
- Gaudry Denis (Domaine)
- Earl Brisset Dominique
- Crochet Eric (Earl)
- Château de Tracy : Château de Tracy, Château de Tracy Haute Densité, Château de Tracy 101 Rangs, Château de Tracy Mademoiselle de T)
- Cailbourdin Alain (Domaine)
- Bailly Jean Pierre
Saint-Andelain :
- Redde Michel & Fils, La Moynerie
- Pabiot Yves
- Michot Frédéric
- Jeannot Bertrand & Alexis (Domaine)
- Coulbois Michel & Fabien (Gaec)
- Chauveau (Domaine), Les Cassiers
- Champeau (Domaine)
- Chabanne Yves
- Bruneau Jerôme
- Bouchie-Chatellier (Domaine)
- Bonnard (Domaine)
- Blanchet Gilles
- Didier Dagueneau (Domaine), Le Bourg
Saint-Martin :
- Château Favray
Les Loges :
- Pabiot Jean & Fils (Domaine)
- Baudin Guy (Domaine)
- Bailly Michel & Fils
- Deschamps Marc (Domaine)
- Marchand Pierre & Fils
- Pabiot Dominique (Domaine)
Saint-Laurent :
- Morlat Pierre & Fils
Les Berthiers :
- Lebrun (Domaine)
- Landrat-Guyollot (Domaine)
- Domaine du Champ de la Grange
- Dagueneau Serge & Filles (Domaine)
- Dagueneau Jean-Claude (Scea)
- Coulbois Patrick
- Chatelain (Domaine)
- Rapeau Roland
Le Bouchot :
- Regis Minet
- Domaine de Bel Air
- Seguin (Domaine)
- Chollet Gilles (Earl)
- Blanchet Francis (Earl)
- Scev Domaine Paul Corneau
- Domaine du Bouchot
- Carroy Jacques & Fils (Gaec)
- Blondelet Bruno
- Barillot Père & Fils
Autres communes :
- Tabordet Yvon & Pascal (Domaine) Verdigny (Cher)
- Raimbault Pineau (Domaine) Sancerre (Cher)
- Raimbault Philippe 18300 Sury-en-Vaux (Cher)
- Nerot Daniel & Michel Saint-Père (Nièvre)
- Mellot Joseph (Domaine) Sancerre (Cher)
- Gitton Père & Fils Ménétréol/Sancerre (Cher)
- Brochard Hubert (Domaine) Sancerre (Cher)
- Bourgeois Henri (Domaine) Sancerre (Cher)