« Sûr que ces terroirs froids de la Haute Vallée de l’Orb produiront demain les grands crus du Languedoc » !
IGP Haute Vallée de l’Orb, le trio gagnant : des vignes en altitude, des nuits d’été fraîches et la grande diversité des sols
Tout dans cette IGP Haute Vallée d’Orb au nord-ouest de l’Hérault* (en Cévennes méridionales) a de quoi surprendre ! Petite appellation en hectares cultivés (1400 ha), certes mais géante par sa superficie ! Elle se cale au fil de son fleuve (l’Orb) entre quatre AOP : Terrasses du Larzac au nord-est, Minervois, Saint-Chinian et Faugères au sud. Son « plus », un terroir d’altitude qui bénéficie de la fraîcheur des montagnes. Alors, comment se fait-il qu’elle soit si peu connue ! Cette IGP Haute Vallée de l’Orb a pourtant tout pour être une AOP remarquable dans ce Languedoc qui subit de plein fouet les excès du changement climatique. Ici, les vignes sont plantées sur des coteaux entre 200 et 650 m d’altitude. Les nuits d’été sont suffisamment fraîches pour permettre une maturité complète et plus étalée des raisins. De plus, la très grande diversité des sols permet de planter les cépages les plus adaptés. Un exemple, le chardonnay. Il fut testé et retesté. Résultat, c’est le cépage qui convient le mieux dans le nord du secteur (vinification traditionnelle sous contrôle de température) sur sol argilo-calcaire. Le 100 % chardonnay est presque la règle.
*L’IGP Haute Vallée d’Orb regroupe 3 vallées, la Mare, le Jaur et l’Orb. Elle est cernée au sud-ouest, par la Montagne Noire, les Monts du Caroux et l’Escandorgue au nord.
Typicité des vins : un mix, sol, cépage, altitude et conditions climatiques
L’empire du chardonnay (près de 20 % des plantations). Dans cette IGP d’altitude, 50 % des cépages sont aromatiques dont les derniers venus sont la syrah, le merlot et le chardonnay (planté il y a une vingtaine d’années par les mineurs devenus vignerons). Ils complètent des cépages plus traditionnels comme le carignan, le cinsault et le grenache*. A cela s’ajoute, le viognier, le petit manseng, la marsanne et surtout, la montée en force dans les rouges du marselan, cépage métis (ou hybride) que beaucoup dans la vallée de l’Orb considèrent comme un grand cépage d’avenir. Mais bien des surprises sont à attendre, notamment au domaine de Gravezon à Joncels, chez Eric Paillès, Ce vigneron militant possède un véritable sanctuaire de 21 cépages oubliés. Quel cachottier ! Il fait découvrir avec malice un cépage très rare interdit pendant plus de quarante ans : un villard blanc qu’il met en vente sous une étiquette presque à l’index.
*Si les rouges (merlot, syrah, grenache …), peuvent se trouver en monocépage, les plus caractéristiques ont pour base la syrah (50 %) assemblée au carignan, merlot, grenache, cinsault et pinot noir. Les rosés sont des rosés de saignée à partir de syrah ou d’un assemblage de syrah et de chardonnay (vinification identique aux blancs).
L’importance du climat d’après Michel Salettes
Michel Salettes, l’œnologue de l’IGP l’explique clairement : il existe une corrélation entre climat méditerranéen tempéré à frais et humide avec des amplitudes diurnes-nocturnes et la qualité des raisins à maturité : acides organiques, composés polyphénoliques et précurseurs d’arômes moins dégradés que dans des situations où règnent de fortes températures estivales, de jour comme de nuit. Résultat, une puissance aromatique plus importante et des arômes dominants différents, de type fruités et floraux pour les vins blancs, fruités et épicés pour les vins rouges et rosés ; une acidité plus présente, renforçant la fraîcheur des vins blancs, et apportant une touche de vivacité sur les vins rouges et rosés.
Un vignoble qui concentre tous les types de sols viticoles
Dans cette étonnante IGP située sur la zone de fractures géologiques des Cévennes au sud du Massif central, 10 km suffisent pour rencontrer presque tous les types de sols viticoles français (du Primaire au Quaternaire) : sols de schistes, de gneiss, de granite, basaltiques, moraines gréseuses, argilo-calcaires, graves alluvionnaires. Mais sans conteste, le plus marquant est ce sol sur grès rouge sablo-argilo-limoneux appelé ruffe (ruffes du Lodévois). Voir le domaine Mas de la Doux, à Dio-et-Valquières (entre Lunas et Bédarieux). Enfin, pour être un peu exhaustif, disons que les plateaux sont sur formations volcaniques ; les collines sont sur substrats métamorphiques (schistes, gneiss) ; les plateaux et collines qui sont calcaire présentent un sol profond avec de très nombreux cailloux mais très peu de calcaire actif ; les versants sont sur grès et marnes ; les plaines sont sur des apports alluvio-colluviaux (sablo-argilo-limoneux). Important ! Les sols ne jouent pas un rôle prépondérant dans l’expression des vins de l’IGP Haute Vallée d’Orb.
Un environnement à couper le souffle !
Ce secteur du haut Languedoc est une immensité de collines et de montagnes couvertes d’arbousiers, de chênes verts et de châtaigniers. Voir aussi, les cerisiers, des cerises de la variété bigarreau Napoléon plantés dans les rangs de vigne et laissés en saison à l’appréciation des oiseaux et des humains. La vigne ici est nulle part et partout (les terres cultivables en pays de montagne sont peu nombreuses). Elle accroche ses parcelles repérables par un vert plus clair. Elle occupe vallons et plateaux. C’est le paradis des chevreuils (peu appréciés des vignerons), des sangliers et des mouflons (dans le massif du Caroux).
Une nature encore sauvage, un patrimoine d’exception
Sait on que cette haute vallée de l’Orb, entièrement incluse dans le parc régional naturel du Haut Languedoc abrite ce qui, sous climat méditerranéen, est une exception : un vignoble détenant tous les atouts pour résister au changement climatique. Ce terroir de montagne (porte d’entrée des premiers contreforts des Cévennes), suffisamment arrosé (peu de risque de sécheresse), idéalement tempéré (les nuits sont fraîches) n’est éloigné que de soixante-quinze kilomètres de Montpellier et de la mer Méditerranée. Pas de doute, un tel méso climat aurait partout dans le monde de quoi faire bien des envieux ! Ajoutez une nature encore sauvage, des lacs (Lac de Salagou, lac d’Avène), des cours d’eau en abondance, des sources thermales (Avène, Lamalou-les-Bains) et un patrimoine exceptionnel : chapelles, prieurés, lieux de dévotion (Notre-Dame de Capimont à Lamalou-les-Bains, chapelle Notre-Dame-de-Nize à Lunas que restaurent les compagnons du Sens et sa fontaine (miraculeuse) des yeux…) ; abbayes, de Villemagne et de Joncels ; l’étonnant village médiéval tel Boussagues au deux châteaux ; la tour médiévale de Colombière dans un cadre absolument époustouflant ; des châteaux comme ceux de de Dio et de Neyran ; le pont du diable dans les Gorges de l’Hérault. Et sans doute plus anachronique, le monastère orthodoxe de St Nicolas à la Dalmerie ou le centre bouddhiste de Lerab Ling. A faire rêver n’importe quel touriste blasé !
L’Orb, ce fleuve côtier de 135 km qui fédère l’IGP
L’IGP Haute Vallée d’l’Orb (deuxième territoire en IGP le plus étendu de l’Hérault) recense 1400 ha de vignes sur 32 communes qui de près ou de loin suivent les rives escarpées de l’Orb, fleuve côtier de 135 km. Il prend sa source en Aveyron et se renforce d’une bonne centaine d’affluents et notamment le Gravezon dont la source se trouve sur la commune de Joncels (plateau de l’Escandorgue) ; la Mare traversant Villemagne-l’Argentière pour se jeter dans l’Orb à Hérépian, vallée dominée par les massifs du Caroux et de l’Espinouse* où alternent montagnes, plateaux et gorges (Héric et Colombières). Enfin le Jaur, l’affluent cévenol de l’Orb dont la vallée se resserre entre les Monts de l’Espinouse et les hauteurs du Minervois. Une fois s’être renforcé du Jaur à l’aval d’Olargues, le fleuve va amorcer un véritable angle droit avant d’entreprendre sa descente vers la Méditerranée : Vieussan chez Jérôme Audier (domaine Carrière Audier), Roquebrun réputé pour ses orangers et son mimosa (le « petit Nice » de l’Hérault), au Domaine du Vieux Chai chez Sophie et Florence, deux sœurs qui ont fait leur réputation sur le carignan, le grenache et le cinsault (et leur petite oliveraie). L’Orb traversera ensuite Bézier et par les écluses de Fonséranes, le canal du Midi (par le pont-canal sur l’Orb inauguré en 1857). Puis, Sérignan et enfin la mer à Valras-Plage.
*A près de 1200 m d’altitude, l’Espinouse forme une ligne de crête assurant le partage des eaux entre les bassins atlantique et méditerranéen.
Les hommes et les femmes de l’IGP Haute Vallée de l’Orb
Quinze domaines et une cave coopérative (plutôt une grande cave particulière) sont à la tâche. Autant de singularités, d’histoires d’homme et de vie qui se retrouvent unies sous la houlette du berger, un communicant hors pair, un enfant du pays, un moine qui fit la réputation des vins de l’abbaye Lérins (au large de Cannes), frère Marie-Pâques (Président fondateur de l’association des Compagnons du Sens). Ses thuriféraires (ou plutôt acolytes), deux docteurs ès vin, Michel Salettes qui se dit amateur œnophile (il participe aux dégustations dans le cadre des agréments et certification des vins du Languedoc) et un sommelier de classe internationale, Christophe Menozzi. Depuis 25 ans, il fait autorité dans le monde du vin. Dans sa tête, une multitude de combinaisons plat-vin, une mémoire phénoménale où chaque vin dégusté correspond à une fiche mentale. Un reproche (qu’il se fait), ne pas suffisamment parler l’Anglais !
De la mine à la vigne
Ce petit groupe de vigneron(ne)s représente aujourd’hui la nouvelle génération regroupée au sein du Syndicat de Défense des vins IGP de la Haute Vallée de l’Orb (sous la présidence d’Emeric Mas et de Gaël Jouvet). Si certains proviennent de Belgique, Mark et Koen du domaine Mas de la Doux d’autres sont depuis des générations ancrés sur cette terre. Beaucoup parmi eux ont retrouvé les vignes de leur père ou leur grand-père après une expérience professionnelle ou un tour du monde des vignobles (Chine, Argentine…). Mais ne seraient-ils pas tous, les descendants des moines des abbayes de Joncels et de Villemagne qui dès le Moyen Âge, développèrent la culture de la vigne sur les coteaux. Ils sont aussi les petits-enfants des mineurs de Graissessac qui eurent de tout temps, leur jardin de vigne. Lorsqu’en 1993, Charbonnages de France mettaient fin à l’exploitation du charbon, après 220 ans d’exploitation, certains furent formés à devenir vignerons avec subventions, prêt de matériels pour creuser restanques, chemins, établir des murets et planter la vigne. Sur ces anciennes houillères des Monts d’Orb, ancien pays noir, la vigne aujourd’hui prospère et tout particulièrement le chardonnay
*Jusqu’en 1785, ces mines étaient propriété de la baronnie de Boussagues (La Tour-sur-Orb) pour le charbon mais aussi des mines de plomb argentifère à Villemagne-l’Argentière.
Tous différents mais tous unis pour défendre leur vallée où coule quelques uns des vins les plus singuliers du Languedoc
Gaël Jouvet (Domaine Jouvet à La Tour-sur-Orb) : le cornemuseux qui fait chanter le vin
C’est l’homme à la cornemuse. Il est le barde talentueux de ces irréductibles vignerons de la haute vallée (tout en étant vice-président du Syndicat de Défense des vins IGP de la Haute Vallée de l’Orb). Les vignes du domaine sur les communes de Villemagne-l’Argentière, Pradal, La Tour-sur-Orb et Hérépian entre 260 et 400 m d’altitude, sont implantées sur des sols caillouteux argilo-calcaire où les vieux carignan et grenache côtoient syrah, viognier et chardonnay (production moyenne : 30 hl/ha). Depuis 2019, conversion à l’agriculture bio. A noter la vinification de son rouge 2019 IGP Haute Vallée d’Orb (35 % grenache, 30 % carignan, 35 % syrah) : vendange manuelle égrappée. Vinification traditionnelle languedocienne dite en couche ce qui signifie qu’une même cuve reçoit les différents cépages au fur et à mesure de leur maturité pour une fermentation commune (Cuvaison 7 jours et élevage en cuve pendant 10 mois).
Vincent Augé et Jennifer Maury (Domaine Le Mas des Mesures, Le Pradal) : l’amour, la vigne et les chênes truffiers.
Vincent est œnologue de formation (séjour en Argentine, vallée d’Uco à Mendoza à la bodega Bousquet). Il a aujourd’hui été rejoint par sa compagne, Jennifer. Ses vignes implantées au-dessus de Bédarieux se situent entre 300 et 400m d’altitude sur des terroirs variés (alluvions schisteux, grès, argilo-calcaire). Le vignoble de 3.5 ha est composé de grenache, syrah, chardonnay et des vieux gobelets complantés avec du carignan, des aramons, etc. C’est en 2018 qu’il vinifiait son premier millésime du Mas des Mesures dans l’ancienne cave de son grand-père. En 2022, nouvelles plantations avec 3 parcelles sur 1.5 ha : Parcelle 1 : grenache blanc/grenache gris/clairette. Parcelle 2 : muscat/macabeu/chenin/terret. Parcelle 3 : cinsault.
De bonnes maturités phénoliques. A celles-ci s’ajoutent quelques fermages, des vieux gobelets carignan/grenache âgés d’une soixantaine d’années. Un projet pour le couple, construire un stockage semi-enterré pour les bouteilles à l’horizon 2023. Le domaine représente aujourd’hui un peu plus de 7 ha. Cette région est une sorte d’enclave soumise à un climat méditerranéen atténué du fait de sa situation géographique dans cette allée cernée entre les collines des Avant-Monts (600-800m) et le Caroux (1200m). Cette situation permet d’avoir de bonnes maturités phénoliques sans avoir des degrés alcooliques élevés, et également d’obtenir des profils frais ayant une bonne acidité, chose essentielle pour élaborer des vins sans soufre. Peu de repos pour Vincent et Jennifer. En plus de la vigne, ils sont aux petits soins pour leurs jeunes chênes truffiers qui demandent plusieurs arrosages par jour.
Cédric Guy (Domaine de Bon Augure à Joncels) : aux innocents les mains pleines.
Ces vignes oubliées, aux confins de l’Hérault et de l’Aveyron, Cédric Guy les redécouvre en 2013. Ce sont celles de l’ancienne abbaye bénédictine de Joncels. Elles sont au cœur du terroir de la Haute-Vallée de l’Orb. Il va les acquérir avec l’idée (une utopie !) de donner vie à des chardonnays élaborés pour la garde. Mais ce rêve, il ne le mène pas seul. Il le réalise avec son épouse Alice, vétérinaire de métier.
Le Domaine de Bon Augure compte aujourd’hui près de 7 ha de vignes*, plantées sur des coteaux fortement pentus (jusqu’à 600 m d’altitude) par un paysan du village de Joncels au début des années 1990. Il y 4 ha en chardonnay, un cépage rare à une latitude si basse mais parfaitement adapté au terroir de la Haute Vallée de l’Orb, 1 ha en petit manseng et également 1 ha en pinot noir auxquels s’ajoutent quelques rangs en grenache gris, sauvignon blanc, chenin blanc et petite arvine. Pour Cédric, l’important est d’avoir un sol vivant, d’où le recours aux principes de la biodynamie épaulés par des traitements à base de cuivre, soufre, argile et terpène d’orange. Plus largement aussi, il pratique l’agroécologie : enherbement, association de cultures différentes, arbres isolés, haies mais aussi présence animale tel que le labour à cheval lorsque la raideur des coteaux empêche tout passage d’engin motorisé. Le domaine labellisé en bio en 2016, est en cours de conversion Demeter (biodynamie).
*La vigne est ici à son aise au milieu de paysages de montagne. Le cycle végétatif est cependant plus tardif que dans le reste du Languedoc avec un débourrement qui attend la fin de l’hiver et des vendanges qui ne commencent pas avant la fin septembre, alors qu’elles sont déjà terminées en plaine.
Vincent Bonnal (Domaine de Pélissols, à Bédarieux) : il fut expert, il est aujourd’hui artisan-vigneron
Travailler la vigne en accompagnant la nature au lieu de la combattre, élever un vin plutôt que le fabriquer, telle est la vision que j’ai de mon métier.(Vincent Bonnal, artisan-vigneron)
Il a la gueule de quelqu’un qui a beaucoup bourlingué, un visage émacié et de long cheveux retenus par un catogan. Le verrait-on sans surprise en surfeur avec la grande bleue qui n’est pas loin. Issu d’une famille de vigneron, Vincent après des études de chimie et d’œnologie décide de faire le tour du monde. Le Chili oui mais c’est la Chine qui le retient. Il y part en tant qu’œnologue-expert, consultant en marketing et formateur. Un contrat de 4 mois. Il y restera 6 ans et reviendra sur le vignoble de sa famille avec son épouse chinoise et deux petites filles qu’ils ont adoptées.
L’école m’a formé, les vignerons m’ont app. …. (dixit Vincent). Réfléchir, observer expérimenter, confronter, partager… D’expert je suis devenu paysan, et j’ai su que je ne savais presque rien. La clé pour un grand vin ne se trouve pas dans l’œnologie, mais dans un raisin sain, produit par une vigne en harmonie avec son milieu, sans pratiques perturbatrices. Alors, il a voulu sublimer le Domaine de Pélissols. L’usage de la Biodynamie, le non-travail du sol, l’équilibre de la vigne avec l’écosystème environnant, la vinification et l’élevage sans sulfite, l’assemblage des différents cépages, voilà le présent et l’avenir du domaine (en conversion vers l’agriculture biologique depuis 2012). Le tout pour sculpter des vins que je veux élégants, aromatiques, digestes, équilibrés, respectueux de la terre qui les a portés. Des vins sans élitisme mais dont on peut dire qu’ils sont bon et naturels.
Le terroir de Pélissols est atypique. Le vignoble est essentiellement planté en coteaux, installé sur une faille tectonique très ancienne qui induit une variation importante des sols dans un rayon de 10 km. On trouve notamment gneiss, granit basalte, moraines gréseuses, schiste et formations argilo calcaires. Cette mosaïque, loin d’être un inconvénient permet la culture et l’expression optimale de différents cépages étrangers au Languedoc.
Éric Paillès (Le Domaine le Gravezon à Joncels) : le conducteur de train, le vigneron militant et les cépages oubliés
S’il passe beaucoup de temps dans les vignes et dans sa cave, Éric Paillès est aussi conducteur de train depuis plus de 25 ans. Il est fier d’être sur l’Aubrac, célèbre ligne menacée (un combat de plus pour Éric) ; train Intercités reliant quotidiennement Béziers à Clermont-Ferrand via Neussargues et la ligne des Causses. II avoue même ralentir son train à Joncels pour contempler ses vignes de part et d’autre de la voie ferrée.
Détenteur d’un trésor. En 2020, les ampélographes de I’INRAE ont arpenté le vignoble du domaine Le Gravezon. Dans ces vignes familiales plantées juste avant la première guerre mondiale, les scientifiques ont identifié plus d’une vingtaine de cépages différents, tous mélangés comme le grand noir de la Calmette, l’aramon gris, le rivairenc gris, la clairette rose, le gros vert, la perle de csaba, le dattier de saint-Vallier ou encore, le carcajolo ; des cépages oubliés qui côtoient des cépages plus connus. Une fois repérés dans les parcelles, ces souches rares seront multipliées et cultivées sur place alors que certaines boutures iront enrichir la collection du Conservatoire des cépages à Marseillan (34).
Mark, Koen et Paul (Domaine Mas de la Doux, à Dio-et-Valquières)) : des sables d’Ostende (Flandre) aux ruffes des bords de l’Orb.
Ils sont flamands, de la Flandre belge, ils sont trois. Koen Thenaers, Paul Willems et Mark Schlettekat. Il se sont installés depuis 2011 au Mas de la Doux dans le val du ruisseau de Nombringuières, affluent de l’Orb. Ici règnent les terres rouges du Salagou situées au pied des volcans de l’Escandorgue, à l’abri des blanches falaises calcaires. Ces trois-là vont produire (avec le vigneron Philippe Duverdier) la Roche Percée*, vins emblématiques (cuvées Blanc et Rouge) de ce terroir volcanique de basalte et de ruffes rouges ; un vignoble de 15 ha orienté au sud et à une altitude de 310 m. Résultats de belles maturités, tout en conservant de la fraîcheur. Ces conditions expliquent ces cépages plus septentrionaux (chardonnay et pinot noir) en complément du grenache blanc, marsanne, grenache rouge, syrah et cinsault.
*L’ambition est de produire la plus pure expression au travers d’une gamme de vin plus étendue, allant des vins de cépages jusqu’aux vins de terroirs spécifiques en passant par des assemblages de sélections parcellaires.
Cave coopérative d’Hérépian : Les Coteaux de Capimont (à Hérépian) : un triple objectif : le qualitatif, l’environnement et le partage
Cette cave coopérative d’Hérépian créée en 1939 regroupe aujourd’hui 70 vignerons qui cultivent 280 ha de vignes réparties sur 25 communes. Au fil des années, la cave s’est spécialisée dans la vinification des vins blancs et rosés qui représentent aujourd’hui 90 % de la production.
Les coteaux aménagés en terrasses, ont été façonnés avec le temps par la main de l’homme, transformant ce lieu en un paysage unique. Conscients de l’enjeu d’avoir une certification environnementale la cave et ses vignerons œuvrent avec des pratiques respectueuses de l’environnement. « La conduite du vignoble est aussi un enjeu. II faut s’améliorer dans les vignes pour augmenter la qualité de nos vins en bouteille et en bib. L’appellation Haute Vallée de l’Orb étant déjà très confidentielle et peu connue, sa reconnaissance passe par la qualité et des prix justes » précise Brice Lalanne, son directeur.
Les deux domaines qui fleurtent avec l’AOC Saint-Chinian-Roquebrun
1/Jérôme Audier (Domaine La Carrière Audier à Vieussan) : des vins de famille depuis 1910
Pas de doute, c’est le poids lourd de l’IGP : 60 ha dont 35 en Haute Vallée de l’Orb sur un terroir de schiste en conversion depuis 2019 à l’agriculture bio. Cette exploitation familiale depuis presque 5 générations met en avant 3 cuvées : 1/Cuvée Julie 100 % viognier vinifié en pressurage direct à basse température (40 hl/ha) ; 2/Un 100 % chardonnay, vinifié de la même façon (40 hl/ha) et 3/ Cuvée Quentin, 100 % merlot, vinification traditionnelle avec longue fermentation (50 hl/ha).
2/Sophie et Florence (Domaine du Vieux Chai à Roquebrun, hameau de Ceps) : 5 générations jusqu’aux deux sœurs
Une belle histoire que celle de ces 2 sœurs qui se sont retrouvées pour exploiter les vignes de leur grand-père. Le domaine du Vieux Chai est une exploitation familiale depuis cinq générations et mené aujourd’hui par Sophie et Florence. Les vignes se situent dans la partie méridionale du Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc, autour du hameau de Ceps, sur le terroir de Roquebrun-Saint-Chinian. Entre cultures anciennes et cultures palissées, le domaine s’étend sur 10 ha de vignes (classées en AOP Saint-Chinian Roquebrun ou en IGP Haute Vallée de l’Orb). Les parcelles sont réparties sur des sols argilo-calcaires près de l’Orb et sur des coteaux de schistes, entourées d’arbres et de garrigue (ciste, thym, romarin, menthe sauvage…). Dans leur travail de culture, Sophie et Florence restent très vigilantes et sensibles à la biodiversité. La vendange est récoltée à la main et les cuvées vinifiées dans la cave traditionnelle de leur grand-père. Elles produisent 6 vins rouges, un rosé, un blanc et une Catagène*. Les cépages sont ici traditionnels âgés de près de 100 ans : carignan, grenache et cinsault, plus Syrah, un peu de Mourvèdre et du Viognier. La petite oliveraie rassemble une cinquantaine d’arbres traditionnels qui permettent d’élaborer une huile douce et fruité 100 % Lucques.
*La catagène est apéritif languedocien issu de l’assemblage de 80 % de moût de raisin frais et de 20 % d’eau-de-vie de vin auquel on ajoute du sucre, autrement dit un mistelle (de l’italien misto « mélangé).
Frère Marie Pâques, d’une chapelle à l’autre, de Notre Dame de Nize à Saint-Poncian de Ceps
Pas de querelle de chapelles ! Frère Marie-Pâques ne défend qu’une paroisse, celle des hommes et des femmes de l’IGP Haute Vallée de l’Orb. Terminer ce très beau périple au fil de l’Orb et de ses vins par cette chapelle de Ceps, tout un symbole !