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Les thiols, rôle des levures dans le secret des arômes variétaux (le sauvignon blanc)  

Les thiols sont des molécules soufrées qui contribuent au profil aromatique variétal d’un vin* (ces fameux thiols variétaux). Dans les raisins et les moûts, ces précurseurs d’arômes primaires et pré-fermentaires  (non odorants) sont sous forme de terpènes pour notamment le gewurztraminer ou de thiols volatils comme pour le sauvignon blanc, cépage sans aucun doute, le plus expressif grâce à ses arômes thiolés.

*Parmi les 900 composés volatils (dont les thiols) identifiés dans le vin, 10 % seulement contribueraient à l’arôme.

Sauvignon Blanc, Pouilly Fumé
Le sauvignon blanc est le plus expressif de tous les cépages grâce notamment à ses arômes thiolés (Ici, dans l’appellation Pouilly Fumé, département de la Nièvre sur les bords de la Loire).

Le rôle des levures

Les thiols proviennent de leurs précurseurs variétaux. Très peu sont aujourd’hui identifiés (de l’ordre de 10 à 15 %). La révélation de ces arômes se fait lors du processus fermentaire grâce à des enzymes générées par les levures (de type Saccharomyces cerevisiae). Cette conversion de précurseurs inodores en molécules aromatiques n’offre pourtant qu’un très faible taux de réussite. Mais la science œnologique avance en sélectionnant de nouvelles souches de levure susceptibles d’améliorer une meilleure libération des thiols à partir de leurs précurseurs. On sait que chaque levure possède sa propre signature aromatique et organoleptique.

Des levures de plus en plus performantes

Thiols levure
Pour la révélation des thiols lors de la vinification des cépages riches en précurseurs aromatiques, la levure Ferm W28 Levure S. cerevisiae sélectionée. Spécialiste des vins tranquilles, Martin Vialatte Œnologie est présent sur les marchés français et mondiaux depuis plus de 80 ans.

Thierry Dufourq  ingénieur agronome et œnologue à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) s’est spécialisé dans les levures qui aident à optimiser les thiols : beaucoup de travaux de sélection des levures ont été faits pour favoriser l’expression thiols des vins. Si l’on veut typer les vins sur des arômes thiols, le choix de ces souches s’impose affirme-il. D’ailleurs rien que pour cette rentrée 2017, les laboratoires proposent leurs nouveauté comme la Vialatte Ferm W28, plus particulièrement destinée à révéler les thiols des cépages blancs de type sauvignon, colombard, ou pour la production de rosés aromatiques, ou bien L’éclatante qui avec son complément nutritionnel Vivactiv arôme (composé d’autolysats de levure riches en acides aminés), devrait aider à révéler les thiols des cépages blancs. Le choix de la levure doit donc se faire en fonction de son aptitude à exprimer au maximum les thiols variétaux et de sa capacité à fermenter à basse température (Voir des souches particulièrement adaptées comme Anchor NT116, Anchor VIN13, Zymaflore X5).*

*Beaucoup d’autres levures permettent la révélation de thiols comme, entre autres : Excellence B2/C1/FW, Fermivin MT48 ou AR2, Levuline C19, Vitilevure Albaflore, Zymaflore VL1/VL3/X5…

La bonne température pour révéler les arômes de thiols

Le constat est sans équivoque. Il existe une trop grande méconnaissance des températures nécessaires pour révéler les arômes de thiols variétaux ou fruités. Selon l’IVF (Institut français de la vigne et du vin), l’impact des profils thermiques testés sur l’aromatique des vins serait le suivant :

  • Le profil thermique à 18°C (1) est celui qui a permis d’obtenir le plus de thiols variétaux mais le moins d’esters fermentaires
  • Les vins élaborés selon le profil thermique à 14°C (2) sont les plus riches en esters fermentaires mais pauvres en thiols variétaux
  • Les vins du profil thermique inversé (1+2) possèdent un profil aromatique intermédiaire avec des teneurs en thiols, en esters fermentaires et en ac3MH intéressantes. A la dégustation, les vins se distinguent par une intensité aromatique supérieure aux deux autres profils

Ces vins à identité thiolée recherchés par les consommateurs

Pour autant, si l’étape du contrôle de la température est nécessaire, elle n’est pas suffisante. La production de thiols s’inscrit en effet dans une démarche globale, de la vigne à la bouteille. L’enjeu est de taille. Le marché est considérable. L’élaboration de vins à identité thiolée est un défi pour les professionnels tant ces arômes marqueur de fraîcheur et de complexité sont recherchés par les consommateurs. La stratégie aujourd’hui est claire : comment favoriser à tout prix la révélation des thiols dans le vin en partant de la conduite du vignoble jusqu’à l’élevage du vin et sa mise en bouteille ?

Cloudy Bay 2016
Le sauvignon blanc Cloudy Bay 2016 est considéré comme la plus pure expression du terroir de la région de Marlborough en Nouvelle-Zélande : The 2016 Sauvignon Blanc Marlborough has a nose of fresh grass, bell peppers and pea pods over a core of grapefruit, green apples and lime zest. The light to medium-bodied palate is just a little lean in the middle, with appealingly youthful vitality, but it just doesn’t have its typical intensity and persistence Wine Advocate-Parker

Les thiols, ces précurseurs présents dans le raisin sous forme non aromatique

Les arômes variétaux du vin sont caractéristiques du cépage. Certains sont odorants dès la formation des baies comme le muscat. D’autres sont sous forme de précurseurs présents dans le raisin mais non aromatique et que seule, sous l’action du métabolisme de la levure, la fermentation alcoolique va pouvoir révéler. C’est le cas des thiols. Il est à noter que certaines souches de levure permettent une meilleure libération des thiols à partir de leurs précurseurs. Lors du processus de vinification, ces levures servent donc à la fois, de moteur pour la fermentation et de centre de production des thiols. La contribution des thiols volatils à l’arôme du vin est connue depuis plus d’une vingtaine d’années, notamment pour le sauvignon blanc. Mais les thiols sont aussi susceptibles d’intervenir dans l’expression de vins rosés voire rouges. Faudrait-il encore pouvoir multiplier la présence de ces précurseurs aromatiques dans les baies par notamment une bonne nutrition azotée des plants de vigne.

Des thiols pour quels cépages ?

Parmi tous les cépages, le sauvignon blanc comme on l’a vu est celui dont l’arôme variétal (ou primaire) est le plus intense et le plus connu au point de  se distinguer très nettement  des autres cépages. Mais les thiols sont également présents dans d’autres cépages, qu’ils soient blancs ou rouges.

  • En cépages blancs : le colombard, le petit et le gros manseng, le melon blanc, le gewurztraminer, le riesling, le pinot gris, le rolle (vermentinu), la clairette…
  • En cépages rouges : le grenache, la syrah, le merlot, les cabernets, le mourvèdre, le cinsault, le tempranillo, le malbec, le pinot noir…

Cet arôme de pamplemousse, signature du sauvignon blanc

Thiols pamplemousse
Parmi les thiols du sauvignon blanc, le composé 3MH qui donne cet arôme de pamplemousse.

Le sauvignon blanc est mondialement connu pour ses arômes variétaux  très reconnaissables d’agrumes (pamplemousse), fruits exotiques (mangue, goyave) et dans sa dimension végétale, par le buis, la feuille de cassis, la rhubarbe. Ainsi, parmi les thiols présents dans le sauvignon blanc (mais aussi dans le colombard ou le gros et le petit manseng), le plus décrit est sans doute le composé 3MH (ou 3-Mercapto-Hexanol) qui donne cet arôme si typé de pamplemousse (et de fruit de la passion), arôme perceptible dans les vins à des teneurs extrêmement faibles (voir plus bas). Cet arôme de pamplemousse* va aussi se retrouver comme une signature dans les sauvignons du monde entier qu’il soit de Loire, de Nouvelle Zélande, de Napa Valley ou du Chili associé souvent à une touche minérale, ce fameux goût de silex (dépendant du terroir).

*Ce goût de pamplemousse est aussi présent dans les vins d’Alsace en association avec les terpènes, substances naturelles qui regroupent plus de 4 000 composés comme le linalol = rose ; l’alpha-terpinéol = muguet ; le citronellol = citronelle ; le nérol = rose ; le géraniol= rose ; l’ho-trienol = tilleul…). Les arômes floraux de ces vins sont dus à des molécules odorantes que l’on retrouve dans les parfums de nombreuses fleurs : les terpènes. C’est la richesse exceptionnelle en terpènes des muscats et des gewurztraminers qui leur confèrent leurs arômes si caractéristiques.

Le sauvignon blanc et ses thiols

Pour un sauvignon blanc, attendez-vous à y découvrir une incroyable palette d’arômes : groseille à maquereau,  poivron vert, kiwi, cassis, fruits de la passion, litchi, orange, pamplemousse, goyave, ortie pilée, feuille de cassis, pêche blanche, nectarine, melon, rhubarbe, asperge…, et dans certains cas la fumée. Mais qu’apportent les thiols pour marquer d’une manière indélébile ce cépage ? Des études ont permis d’identifier trois thiols volatils participant à l’arôme variétal du sauvignon blanc (des marqueurs de la typicité aromatique de ces vins). Il faut aussi savoir que la quantité finale des composés odorants responsables de l’arôme variétal de sauvignon est très variable en fonction des terroirs, des pratiques culturales et des procédés de vinification.

Les 3 thiols variétaux identifiés du sauvignon blanc

Dans les thiols variétaux du sauvignon blanc cette odeur marquée de buis provient d’une molécule extrêmement odorante, le 4MMP.

Voici les trois principaux thiols variétaux identifiés bien qu’ils soient loin d’être les seuls :

  • 4MMP (4-mercaptopentan-2-one), molécule extrêmement odorante, possèdant une odeur marquée de buis et de genêt. Le seuil de perception de cette molécule est de 0,8 ng/l.*
  • A3MH (acétate de 3-mercaptohexyle) évoquant des nuances de buis, de zeste de pamplemousse et de fruit de la passion. Le seuil de perception de cette molécule est de 4 ng/l*.
  • 3MH (3-mercaptohexan-1-ol) toujours présent dans les vins de sauvignon blanc, contribuant également aux notes de pamplemousse, d’autres agrumes et du fruit de la passion. Le seuil de perception de cette molécule est de 60ng/l.*

* Unité de mesure du poids équivalent à un millionième de milligramme, ou un milliardième de gramme.

Des thiols volatils divisés en 2 groupes

 On peut classer ces thiols volatils en 2 groupes :

  • Les thiols volatils variétaux (présents dans le raisin et le moût sous forme de précurseurs inodores) qui vont être libérés au cours de la fermentation alcoolique, sous l’action du métabolisme de la levure Saccharomyces cerevisiae.
  • Les thiols volatils formés au cours de la fermentation alcoolique en barrique ou pendant l’élevage, notamment en fûts de chêne. Ils contribuent à l’arôme empyreumatique des vins.

Pourquoi les thiols sont inodores ?

Thiols
Parmi les thiols, Le 3MH et le A3MH vont apporter des notes de pamplemousse, fruits de la passion, fruits exotiques.

Ces thiols présents dans le moût de raisin s’ils sont à fort  pouvoir odorant sont inodores. Ce sont des précurseurs d’arômes propres au cépage. La majorité de ces précurseurs se situent dans la pellicule du raisin ou entre la pulpe et la pellicule ou seulement dans la pulpe. On a cru longtemps que ces précurseurs d’arômes ne se présentaient que sous forme cystéinylée (la cytéine est un acide aminé). Parmi ceux-ci :

  • Le 4MMP présent dans la pellicule du sauvignon, du muscat d’Alsace, du gewurztraminer, du sémillon… apportant des notes aromatiques de buis, bourgeon de cassis.
  • Le 3MH et le A3MH (mêmes cépages mais avec des précurseurs dans la pellicule et aussi dans la pulpe du raisin) avec des notes de pamplemousse, fruits de la passion, fruits exotiques.

C’est au cours de la fermentation que la levure, à l’aide d’enzymes va libérer les thiols odorants de la partie cystéine. Mais des études menées ces dernières années ont permis d’identifier de nouveaux précurseurs et de nouvelles voies métaboliques liés notamment au glutathion*. On met également  à jour des précurseurs conjugués avec des peptides (polymères linéaires pas ramifiés d’acides aminés. Leur nom de groupe dépendant du nombre d’acides aminés qu’ils contiennent). D’autres voies métaboliques de formation de thiols volatils au cours de la fermentation utilisant l’hexénal sont également étudiées (l’addition de soufre dans le moût).

* le glutathion est un tripeptide, c’est-à-dire une molécule composée de 3 résidus d’acide aminé : glycine, acide glutamique et cystéine. Dans le moût, le vin ou même la levure, on peut le trouver sous sa forme réduite  ou oxydée. Certains adjuvants oenologiques enrichis en glutathion pourraient même préserver le potentiel thiol des vins. Par ailleurs, question santé, le glutathion possède une action extrêmement importante dans la protection de chaque cellule, chaque tissu et chaque organe à cause de son grand pouvoir antioxydant.

Comment favoriser l’émergence des thiols ?

Pour favoriser l’émergence des thiols, il faut respecter une certaine discipline.

  • Première règle : réduire la concentration en métaux lourds (dont le fer et le cuivre) dans les moûts responsable de la destruction des molécules aromatiques de type thiols (A3MH, 3MH, 4MMP, etc.). On a calculé que le potentiel  aromatique est pénalisé avec des teneurs en cuivre dans le moût supérieures à 2 mg/l (donc pas de traitements cupriques après la fermeture de la grappe).

*Les résultats montrent que plus de 70 % des moûts contiennent plus de 0,5 mg/l de cuivre. Or, si le cuivre est nécessaire dans les moûts (équilibre rédox, micronutriment), il peut avoir des effets néfastes, antifongiques sur la levure, et aboutir à des fermentations languissantes ou ayant du mal à démarrer.

  • Deuxième règle : pulvériser de l’azote et du soufre en foliaire (sous forme liquide ou soluble dans l’eau) à la véraison ce qui aide à la production de thiols variétaux.
  • Troisième règle : la mise en œuvre de la macération sur bourbes ou de bourbes pour permettre une extraction maximale des précurseurs contenus dans les pellicules.
  • Quatrième règle : contrôler la température de conservation des vins pendant l’élevage. Des travaux menés par l’IFV Sud-ouest pendant 2 ans en collaboration avec les vignerons indépendants de Gascogne ont montré que la température optimale de conservation pour préserver le « potentiel thiol » du cépage Colombard était de 4°C

Les moûts vont alors être plus riches en glutathion et en précurseurs cystéinylés avec pour résultat, 3 à 4 fois plus de composés thiolés.

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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