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Astringence dans le vin, une histoire de pépins et de protéines

L’astringence dans le vin serait-elle une histoire de pépins et de protéines ? On le sait, l’astringence dans la perception organoleptique du vin, est la propriété que donnent les tannins à dessécher la bouche. Il s’agit d’ailleurs plus d’une sensation tactile que d’un goût. Elle se rencontre surtout dans les vins rouges jeunes et s’atténue avec l’âge.

L’astringence, un mal nécessaire pour la qualité d’un vin

L’astringence, cette sensation de sécheresse, cette âpreté, cette rugosité en bouche qu'apportent certains vins rouges jeunes (DR)
L’astringence, cette sensation de sécheresse, cette âpreté, cette rugosité en bouche qu’apportent certains vins rouges jeunes (DR)

Si l’astringence est nécessaire à l’équilibre d’un vin, elle est pourtant rejetée par la majorité des consommateurs. Pour eux, évidemment c’est un défaut qui se manifeste par un rétrécissement ou un étirement de la muqueuse buccale. Et pourtant ! Pour Emile Peynaud, l’astringence en excès dans le vin porte atteinte à son équilibre et à sa qualité, lorsqu’au contraire, un vin manquant d’astringence semble plat, fade et sans intérêt.

L’interaction des tannins avec les protéines salivaires

Pour tester cette astringence, faites l’expérience ! La châtaigne crue, le coing, le thé, la peau de banane… apportent cette impression ainsi que beaucoup de fruit, en particulier lorsqu’ils ne sont pas encore mûrs. C’est donc leur richesse en tannins qui est à l’origine de cette sensation. L’astringence on le verra plus bas, résulte de l’interaction des tannins, polyphénols abondants notamment dans la vigne, avec les protéines salivaires et plus particulièrement les protéines salivaires riches en proline (PRP).

L’astringence, un mécanisme d’évitement

N’oublions pas que la principale fonction des tannins est de protéger les plantes contre les parasites et les prédateurs. L’astringence serait un mécanisme d’évitement (mouvement de défense) face à des aliments trop riches en tannins présentant notamment des propriétés toxiques. Pour rappel, les cépages les plus tanniques sont le tannat, le malbec, le mourvèdre, les cabernets, le merlot.

Les cépages les plus tanniques sont le tannat, le malbec, le mourvèdre, les cabernets, le merlot.
Les cépages les plus tanniques sont le tannat, le malbec, le mourvèdre, les cabernets, le merlot.

Plus de tannins équivaut à plus d’astringence

A l’évidence, plus un vin contient de tannins, plus ceux-ci sont polymérisés et galloylés (estérifiés par l’acide gallique) et plus il est astringent. A contrario, l’astringence diminue avec l’élévation de la température, des teneurs en polysaccharides, la concentration en éthanol, en acides organiques, en sucre, et avec l’augmentation du pH. Alors, pour atténuer cette sensation d’astringence, deux pratiques oenologiques sont aujourd’hui proposées. L’une joue sur la durée de macération et l’autre, sur l’ajout de levures inactivées spécifiques (LIS) riches en polysaccharides et en mannoprotéines.

Comment mieux traiter l’astringence du vin ?

Fernando Zamora Marín lors de Lallemand Tour 2016 sur le thème de La dimension tactile du vin
Fernando Zamora Marín lors de Lallemand Tour 2016 sur le thème de La dimension tactile du vin

Qu’en a dit Fernando Zamora Marín de l’Universitat Rovira i Virgili à Tarragone (Espagne), en 2016, lors de Lallemand Tour sur le thème de La dimension tactile du vin. Pour lui, c’est sûr, l’ajout de levures sèches inactivées (LIS) riches en polysaccharides conduit à une réduction de l’astringence.  A la dégustation, il y a moins d’amertume, d’astringence jusqu’à gommer le caractère trop herbacé de certains vins jeunes ; des vins qui ont donc plus d’onctuosité, et qui gagne en qualité jusqu’à améliorer l’effervescence des vins mousseux.

Le rôle des levures inactivées spécifiques 

Il s’agit d’une famille de levures oenologiques sèches inactivées (riche en glutathion*) issues de l’autolyse des levures (parties solubles et insolubles de l’autolysat séchées ensemble). Elles sont sélectionnées pour leur forte capacité à produire des polysaccharides et des mannoprotéines ce qui apporte aux vins un impact sensoriel rapide, en augmentant les sensations de sucrosité et de douceur en bouche. Son utilisation diminue aussi les sensations acides et amères (l’astringence)

* Le glutathion ou GSH est un composé naturellement présent dans le plant de vigne qui va ensuite se retrouver dans les moûts.

Le gros pépin de l’astringence

 On assiste aujourd’hui à une inadéquation croissante entre la maturité de la pulpe, la pellicule et les pépins
On assiste aujourd’hui à une inadéquation croissante entre la maturité de la pulpe, la pellicule et les pépins ce qui apporte une certaine astringence.

Pour Fernando Zamora, ce qui lui semble primordial, c’est la maturité du raisin d’où l’importance de la date des vendanges. On le sait, l’évolution des composés phénoliques au cours de la maturité des raisins a un impact direct sur l’évolution de l’astringence. Pour être concret dans cette démarche, il suffit d’observer le changement progressif de la couleur des pépins, du vert au brun depuis la véraison jusqu’à la maturité optimale. Mais quel est l’impact du changement climatique sur ce phénomène ? On assiste aujourd’hui à une inadéquation croissante entre la maturité de la pulpe, la pellicule et les pépins. Cela conduit à un avancement de la date de la récolte alors que les pépins restent encore verts et donc susceptibles de donner des vins astringents.

Quels sont les mécanismes de cette astringence en bouche ?

Alors l’astringence, cette sensation de sécheresse, cette âpreté, cette rugosité en bouche, jusqu’à présent mal comprise, à quoi la doit-on ? Des chercheurs de l’Inra et de l’Université Bourgogne Franche-Comté ont montré que des molécules produites par les tannins notamment, agissent au niveau de la pellicule mucosale (muqueuses) qui recouvre les cellules épithéliales buccales*, en lui faisant perdre ses capacités de lubrification. En revange, les protéines salivaires, des protéines riches en proline (acide aminé qui entre dans la composition des protéines), joueraient un rôle de protection de la muqueuse.

* Les cellules épithéliales sont celles qui forment l’épithélium, tissu organique dit de « revêtement » recouvrant la surface de la bouche.

L’astringence, une interaction entre les tannins et les protéines de la salive

L’astringence trouverait donc son origine dans l’interaction entre des molécules produites par les tannins (ou les plantes) et des protéines de la salive (composée à 99 % d’eau mais aussi de sels et de protéines). Celle-ci est riche en proline sachant que sa présence dans la salive est liée à la consommation de tannins.  Ainsi, les chercheurs de l’Inra ont pu explorer plus avant les mécanismes oraux notamment en ajoutant certains tannins à la surface de la pellicule mucosale ce qui a entrainé une modification de sa structure. Mais lorsque la concentration en tannins se situe en deçà du seuil de détection de l’astringence des tannins (0,05 mM), la distribution des protéines salivaire à la surface de la muqueuse orale n’est pas affectée. Les PRP salivaires* joueraient bien un rôle de protection de la muqueuse orale.

* Les PRP salivaires (en anglais, proline-rich proteins) dont la fonction essentielle est la fixation des tannins.

L’astringence trouverait son origine dans l’interaction entre des molécules produites par les tannins et des protéines de la salive
L’astringence trouverait son origine dans l’interaction entre des molécules produites par les tannins et des protéines de la salive

Les mécanismes de l’astringence élucidés

En conclusion, cette étude élucide grandement les mécanismes de l’astringence. Elle révèle que les tannins agissent directement au niveau de la pellicule mucosale en lui faisant perdre ses capacités de lubrification, ce qui entraine une augmentation des forces de friction à la surface de la muqueuse orale*. Ce phénomène intervient dans la sensation de sécheresse et de rugosité buccale typique de l’astringence. Mais les protéines riches en proline de la salive auraient un effet protecteur contre l’altération structurale induite par les tanins qu’elles piègeraient (avant leur passage dans le système digestif). L’ensemble des mécanismes contribue à la perception de la sensation d’astringence qui diffère toutefois entre les individus, dépendant notamment des concentrations de protéines riches en proline, dans la salive.

* Il est donc envisageable que l’astringence résulte à la fois de la perte du pouvoir de lubrification des PRP et de la fixation directe des tannins sur l’épithélium buccal après saturation des capacités de fixation des PRP.

Les résultats de cette étude ont été publiés en février 2018 dans la revue Food Chemistry.

Autre source : Lallemand Tour 2016. La 9e édition du Lallemand Tour 2018 qui avait lieu en février a abordé différentes facettes de la fraîcheur du vin et a exploré ce qui se cache derrière (les fermentations alcooliques et malolactiques, le vieillissement, la préférence des consommateurs). Inscription à fb.france@lallemand.com

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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